Chapitre 4

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Je clique sur le premier site qui me semble sérieux et j'amorce à lire avec une grande attention. Mais ma tête se redresse en une fraction de seconde, le titre du premier paragraphe me chamboule :

Un père sur 25 élèverait l'enfant d'un autre sans le savoir.

Quoi? C'est possible ça ? Ce chiffre me parait tout à fait disproportionné même si l'information provient d'un site médical. Ils ne peuvent pas inventer cette information tout de même, si?

Après avoir lu quelques témoignages de personnes se trouvant dans une situation similaire à la mienne, je fais glisser mes doigts pour descendre au paragraphe suivant, s'intitulant « En quoi consiste un test ADN de paternité »

En voilà une bonne question! Je m'attarde à lire tous les mots, en marquant une pause entre chaque, pour bien comprendre ce que j'ai sous les yeux :

Un test de paternité consiste à prélever un peu d'ADN sur deux personnes, puis à comparer les prélèvements afin de déterminer l'existence, ou non, d'une relation de paternité.

Jusque là, tout va bien, les termes utilisés ne sont pas difficiles à comprendre. Je poursuis ma lecture avec toujours la même attention.

Le prélèvement d'ADN se fait normalement en prélevant de la salive avec un coton tige, mais peut se faire de manière plus discrète, à partir d'autres éléments comme des cheveux, un coton tige, un mouchoir usagé, un ongle, une brosse àdent,... Le laboratoire analyse et détermine scientifiquement s'il existe une relation de paternité S'il n'y a pas de relation de paternité, nos tests permettent de la garantir à 100%. En conclusion vous recevrez vos résultats par courrier

Je survole le reste du site sans y prêter attention. La partie que je viens de feuilleter me suffit et je compte bien faire ce qui est écrit pour être fixé sur mes origines.

Le prélèvement de salive? Impossible...Comment vais-je procéder pour m'en procurer sans me faire remarquer.

Je laisse cette idée sur la touche et je m'attarde sur les autres propositions. Cheveux? Oui mais comment? Là aussi cette hypothèse s'avère compliquée. Il serait question de ma mère, j'aurais été en chercher dans sa brosse à cheveux, mais là, c'est inapplicable, mon père ne se peigne jamais. Coton tige?! Je ne prends pas la peine de réfléchir un instant de plus et je fonce dans la salle de bain. Mon père vient àl 'instant de prendre une douche et doit avoir laver ses oreilles au passage.

En ouvrant la petite poubelle qui se trouve entre les deux lavabos, j'en aperçois quelques uns mais mon visage s'assombrit. Comment savoir à qui ils appartiennent ? Ils peuvent très bien avoir été utilisés par ma mère. Je n'ai aucune certitude sur le propriétaire de ces cotons tiges.

Je retourne alors d'un pas vivace dans ma chambre, loin d'être découragé.

En relisant les propositions du site, je comprends alors que le mouchoir usagé semble être l'alternative la plus adaptée, pour des questions de simplicité mais aussi d'un point de vue météorologique. Nous sommes en février et comme tout le monde, mon père doit avoir attrapé le rhume. Du moins, je l'espère...

Je descends immédiatement dans le salon, l'Ipad en main, pour essayer d'intercepter un mouchoir. Je m'affale alors dans un des deux fauteuils et j'attends. Je patiente pour que mon père est la brillante idée de se moucher mais je ne le vois pas. Il doit être aux toilettes...Au fil des minutes qui défilent je commence à me sentir ridicule et j'ai l'impression d'être en train de faire quelque chose de mal.

Je suis là, comme un débile à briguer que mon père sème un mouchoir à la poubelle pour que je puisse, par la suite, l'envoyer dans un laboratoire pour le faire analyser. Me voilà à prendre le risque que la vérité m'explose en pleine figure et de voir ma vie de famille bouleversée à jamais...

Mais au fond de moi, j'estime que le jeu en vaut la chandelle. J'ai le droit de savoir d'où je viens, qui je suis et qui est mon vrai père, si je n'ai pas cette chance de l'avoir déjà sous les yeux.

L'homme en question finit par débarquer dans le salon avec précipitation. Je suis surpris et je l'observe. Il s'oriente vers la télécommande posée sur la table basse et appuie dessus avec force.

- Putain mais quel imbécile, j'ai loupé le début du match.

Je souris en le voyant se débattre contre cette télévision qui nécessite plusieurs télécommandes pour fonctionner et je remarque dans son regard qu'il me lance qu'il a besoin d'aide. J'exécute son désir caché et je ne tarde pas à percevoir un mélange de cris, d'hurlements et de commentaires sportifs qui raisonnent dans la pièce. Augmentant la puissance du volume, il s'installe dans le canapé, excité comme un enfant le serait en regardant un dessin animé.

Toujours en le regardant fixement, je me surprends, dégotant un nouveau détail qui nous différencie. Le sport...

Mon père a toujours insisté pour que je pratique du basketball ou encore du volleyball. Avec ma grande taille, il doit certainement penser que j'aurai pu faire carrière, comme plusieurs personnes d'ailleurs. Il n'est pas rare que l'on me demande si je pratique l'une de ces activités en me voyant.

Ayant cédé un moment à ses caprices en acceptant de m'inscrire dans un club de basket, j'ai alors tout arrêté à l'âge de quatorze-quinze ans après cette terrible histoire dans les vestiaires du collège, qui servent également aux entrainements du club, repensant sans cesse àce qui s'y était déroulé lorsque je m'y rendais les week-ends pour m'entrainer.

Par la suite, je m'étais inscrit en escrime mais j'ai rapidement compris que ce sport n'était vraiment pas fait pour moi, laissant ici de côté toute pratique sportive. Et c'est suite à mon inactivité que m'est venu l'idée de faire quelques séances de musculation pour me dépenser et faire de l'activité physique, afin de pouvoir continuer à manger comme un ogre tout en gardant un corps mince et sans trace de graisse.

Il faut avouer qu'être grand est un privilège lorsqu'on est adepte de la nourriture, car nous pouvons manger tout ce que vous voulons sans prendre du poids. Du moins jusqu'à aujourd'hui. Je ne peux pas me prononcer sur le fonctionnement de mon métabolisme lorsque je serai adulte. Si ça se trouve je serais puni d'avoir autant mangé que je deviendrais obèse, d'un coup, sans m'en être rendu compte.

Cette pensée me fait froid dans le dos. Moi obèse? Jamais. Je ferai tout mon possible pour ne pas le devenir. La voix de mon père me coupe dans mes pensées.

- Regarde sur Internet les scores des autres matchs de la journée s'il te plait.

Je déverrouille l'écran de ma tablette et je retombe immédiatement sur la page du test ADN que je n'avais pas quitté tout à l'heure. Je ressens une grosse vague de chaleur dans mon corps et je m'empresse de la fermer, en vitesse, de peur qu'il ne l'aperçoive, même si je me doute qu'il lui est impossible d'où il se trouve.

Je chine sur Google les résultats et lui tends l'Ipad pour qu'il les lisent par lui même. Il fait glisser ses longs doigts sur l'écran et semble ravi par ce qu'il découvre.

Les commentateurs sportifs se mettent à crier, l'équipe de France vient de marquer. Mon père sursaute et je constate dans ses yeux qu'il est dégouté d'avoir raté ce moment.

- Et merde...

Il relance un coup d'oeil sur l'écran de la tablette et me la rend. Il doit s'en vouloir de l'avoir loupé et même après avoir vu le ralenti de ce but, il semble énervé. Je ne le comprendrai jamais sur ce sujet là, comment-peut-on s'agacer sur une telle futilité ? Je me relève lentement avec l'intention de retourner dans ma chambre, voyant que mon père ne cherche pas àse moucher. Mais au moment d'effleurer la première marche de l'escalier, ma mère m'intercepte et me demande de venir l'aider dans la cuisine. Oh non j't'en prie....

HarcelésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant