Chapitre 28

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Dans le cimetière noir de monde, je perçois Clara en compagnie de Florian et je ne peux m’empêcher de les regarder un instant. Ils semblent être comme un vieux couple qui a survécu à deux guerres mondiales, dix enfants et une tornade et apparaissent si mignons qu’on ne peut les imaginer séparément. 

Lorsque le cercueil descend au fond de la tombe à l’aide de cordes tirées par quatre porteurs, je ressens une grosse douleur dans la poitrine, mes mains sont moites et ma respiration diminue. Je suis toujours ému dans ces moments car il s’agit là pour les familles du dernier instant avec le défunt, et émotif comme je suis, je lâche quelques larmes tout en prenant soin de me cacher derrière mon écharpe. Du coin de l’œil, je remarque qu’Amandine ne cherche pas à se camoufler et qu’elle est en pleurs, ce qui me pousse à prendre une grande inspiration pour ne pas craquer davantage. Mais je ne me retiens pas très longtemps car la mère de Florian vient de pousser un cri si grave et si perçant qu’il me raisonne intérieurement et me fait mal au cœur. Elle est effondrée à la vue du cercueil de son mari dans ce trou lorsqu’elle se penche pour lui donner un dernier au revoir et parait inconsolable. Son fils s’empresse de lâcher la main de Clara pour la rejoindre et la prendre dans ses bras. Ils se retirent ensemble avec une partie de leur famille pour lui permettre de lui enlever ces images atroces. Quel cauchemar… 

A travers les gens qui m’entourent et dont je ne connais à peine un dixième, je prospecte chaque recoin à la recherche de Philippe, mais je ne le détecte pas. Où peut-il bien être? 

Au moment où tout le monde quitte le cimetière, nous nous stoppons avec Amandine en retrait à côté du portail et nous laissons la foule quittait les lieux pour être à notre aise pour discuter. Clara nous rejoint rapidement laissant la famille de Florian dans leur chagrin et sèche quelque larmes . Je ressens un petit malaise en la voyant s’avancer vers moi car notre dispute fait écho dans ma tête. Est-ce que je parle le premier? Qu’est-ce que je dis?  

Mais le sourire qu’elle m’adresse me la fait vite oublier mes doutes et je retrouve instantanément ma sympathie envers elle. 

-  Comment vont-ils? Ils arrivent à tenir le choc? dis-je à Clara en lui faisant la bise. 

-  Florian essaye de ne pas craquer devant sa mère qui est encore trop fragile, mais hier soir il était effondré et j’ai bien cru qu’il allait faire une connerie.

Amandine me lance un regard intrigué, je fais de même car je suis étonné. 

-  Tu veux dire…Qu’il a des idées noires? dit-elle en tirant une latte sur sa cigarette. 

-  Oui et c’est ça qui me fait peur…Il n’arrête pas de répéter que son père est mort et que la vie ne vaut plus la peine d’être vécu…C’est très dur à entendre et je n’arrive plus à trouver les mots justes pour le rassurer. 

-  J’irai lui parler si tu veux, je connais ça et j’essayerai de lui montrer qu’on peut s’en sortir même si c’est très dur. 

Clara et moi nous regardons, gênés, car nous pensons à la même chose. Je ressens un pincement au coeur du fait de ce qu’Amandine vient de dire. Elle a perdu sa petite soeur âgée de treize ans il y a quelques mois dans un accident de moto et elle a fait face à ce drame avec beaucoup de maturité et de dignité. Et je pense en effet qu’elle est la bonne personne pour aller parler à Florian, malgré le fait que les deux situations ne soient pas similaires et comparables. 

-  Oui bien sûr, tu n’as pas besoin de mon accord pour faire ce qui te semble bon, répond Clara avec un regard certes triste, mais très amical. 

HarcelésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant