Chapitre 30

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Les ouvriers ne semblent pas vouloir me laisser dormir en paix et je suis réveillé au alentour de neuf heures à cause du bruit qu’ils font. Cela dure depuis au moins une heure mais j’essayais tant bien que mal de me rendormir, en vain. 

J’effectue mon rituel SSD avant de descendre prendre mon petit-déjeuner dans l’intention de jouer les victimes et de leur montrer qu’ils m’ont empêché de dormir. Et pour parfaire cette tache, je descends donc en me frottant les yeux pour tenter de leur faire croire que je viens à l’instant de me réveiller. Mais en ouvrant mes paupières, je suis abasourdi par tout autre chose. Whouah! C’est vraiment superbe! 

Ils viennent de terminer les travaux dans le salon et je suis stupéfait du résultat. Le canapé a été livré et déposé au centre de la pièce, les murs sont découverts et on peut apercevoir comme prévu les tons beige, crème et marron qui éclairent le salon et lui donne un côté beaucoup plus vaste. Une applique en fer forgé est suspendue au dessus de la table et le résultat est magnifique. 

-  Il en aura fallu du bruit pour que tu te réveilles mon grand. 

Le plus vieux des deux ouvriers me sourit et m’attrape vers lui par les épaules pour me demander ce que j’en pense et je ne me gène pas pour les féliciter lourdement. Ma mère nous rejoint et leur tend chaleureusement deux bières  Et moi alors? Non mais ça ne serait pas raisonnable dès le matin…Il n’est que neuf heures et je n’ai même pas déjeuné. 

Je les regarde discuter et régler les derniers détails, ma mère leur donne un chèque et ils disparaissent de mon champ de vision en quelques minutes pour nous laisser admirer le résultat en famille. Ma légère timidité se dissipe et je ne peux plus me retenir. Je saute par dessus le canapé pour m’allonger et admirer la nouvelle pièce. 

-  Tu m’apportes un chocolat chaud s’il te plait? 

Ma mère me regarde d’un air surpris un court instant avant de laisser apparaitre un léger sourire. 

-  C’est bien parce que je suis une mère formidable que je vais passer l’éponge et faire comme si je n’avais rien entendu.

Ah mince, durant quelques secondes j’ai cru qu’elle allait finir sa phrase par: que je vais t’en faire un… Tant pis, je vais devoir me lever pour satisfaire mon envie soudaine. 

Après avoir regardé un programme débile à la télévision, je décide de remonter pour envoyer un message à Amandine, j’ai envie de faire du vélo et je sais qu’elle aime bien en faire elle aussi. Je monte d’un pas lent les escaliers en jetant un dernier coup d’oeil ànotre salon et j’entends que ma mère est au téléphone, et curieux comme je suis, je ne peux m’empêcher de tendre une oreille. A qui parle- t’elle? 

Le parquet flottant semble être mon allié et ne craque pas sous l’effet de mon poids. Je me positionne au niveau de la porte de la salle de bain au cas où elle déciderait de sortir et j’écoute en penchant ma tête vers sa chambre. 

-  Merci de m’avoir aidé en tout cas, tu viens de me sauver la vie.

Elle marque une pause et doit être en train d’écouter ce que lui répond la personne avec qui elle discute. 

-  Je suis soulagée tu ne peux pas savoir à quel point…On n’ est pas passé loin d’une catastrophe. 

Mais de quoi parle- t’elle? Et a qui? Son patron? Un ami? Papa? 

-  Je passerai te voir dans la semaine…D’accord ça marche…A bientôt…Bise. 

Non c’est évident qu’elle n’est pas en contact avec papa. Ni avec son patron car elle est censée le retrouver tout à l’heure quand elle embauchera. Si elle doit passer dans la semaine c’est que c’est quelqu’un qui tient un commerce, ou alors qui habite assez loin pour qu’elle ne puisse pas le voir dans l’immédiat. Et si elle trompait mon père? 

-  Jean ? Ca fait longtemps que tu es là? dit-elle, surprise. 

Elle vient de sortir de sa chambre et la voir me fait paniquer. Mon coeur s’emballe et tape violemment contre ma poitrine. 

-  Non  Non…Deux secondes maxi, je vais prendre une douche. 

-  Ah d’accord. 

Ouf! On n’a évité la catastrophe, comme elle le dit si bien. Elle a même gobé mon mensonge concernant la douche alors que j’en ai prise une il y a à peine une heure. Elle n’a pas entendu le chauffe-eau se déclencher en bas tout à l’heure ou quoi? Elle a l’air à l’ouest. 

Je passe par ma chambre rapidement pour prendre mon téléphone et je m’enferme à clef dans la salle de bain , je laisse couler de l’eau pour lui faire croire que je me lave. Je profite de mon temps libre pour envoyer un message à Amandine. 

Ca te dit d’aller faire un tour de vélo cette après-midi? 

Elle ne me répond pas de suite, et j’ai le temps de mettre en oeuvre la fin de ma supposée douche et de retourner dans ma chambre. 

Oui, pourquoi pas. Je suis un peu grassouillette alors ça ne me fera pas de mal. Vers quatorze heures trente ça te va? 

Qu’elle est conne…Elle a toujours tendance à se trouver plus grosse qu’elle ne l’est et elle me fait rire quand elle me sort des absurdités pareilles. Je rentre souvent dans son jeu de façon ironique pour lui faire comprendre qu’elle a tord. 

Oui, tu m’étonnes. On peut aussi passer par la case salle de sport, tu fondras plus vite au moins. Bon aller, trêve de plaisanterie, à tout’. Kiss 

Je suis content d’avoir organisé cette sortie, car j’ai envie de bouger de chez moi et de voir autre chose que la tête de mes parents. 

Mais pour l’heure, besoin de comater sur mon lit et faire le tour des applications d’actualités pour m’informer sur le monde qui m’entoure, ainsi que pour regarder l’épisode de mon feuilleton que j’ai loupé hier soir. 

-  Je vais faire un tour, je serai de retour avant midi, crie ma mère. 

-  D’accord. 

Je lui réponds assez fort pour qu’elle puisse m’entendre et je me replonge dans ce que j’ai prévu de faire. Mon attention reste à son niveau maximum une bonne grosse demi- heure mais je suis vite lassé et je descends pour manger quelque chose. J’ai la dalle et je n’ai même pas pris la peine de me faire un chocolat chaud tout à l’heure alors que j’en voulais un. Je deviens flemmard. 

Et alors que j’attends que mon lait refroidisse, l’ayant laissé trop longtemps dans les micro-ondes, une sonnerie retentit hors de la pièce. C’est le téléphone de ma mère. Je saute de ma chaise haute et je m’empresse d’aller voir qui est cherche à la joindre. Numéro masqué. Tiens, qui ça peut bien être? Papa? Quand il appelle, c’est toujours en masquéet il n’a jamais réussi à régler ce problème. Je réponds à l’appel avant qu’on ne raccroche. 

-  Allo? 

Je perçois un court instant une respiration mais on ne me répond pas. La personne raccroche  ne souhaitant surement  pas discuter lorsqu’elle comprend qu’elle n’a pas à faire à Sylvie, mais à son fils. Je repense à la conversation que j’ai surpris tout à l’heure et je me sens obligé d’aller fouiller dans l’historique des appels. Mes mains tremblent et deviennent moites, j’ai l’impression que ma mère va rentrer d’un coup et me surprendre. 

Neuf heures cinquante deux - Mireille. 

 

HarcelésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant