Chapitre 29

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Elle se décharge des sacs qu’elle portait et fouille dans son sac à main à la recherche de ses clefs. Je suis incapable de bouger et je la laisse faire tout en la regardant activement. Elle les insère dans la serrure et ouvre sans attendre. Il y a deux lettres de couleur marron et deux autres de couleur et taille standard. Elle s’empresse de les regarder et elle relève la tête en une fraction de seconde pour me zieuter. Quoi? Ils y sont? Dis-moi! 

-  Ce sont les résultats? 

Elle secoue légèrement sa tête pour répondre positivement à ma question et ma respiration s’accélère immédiatement, sans que je ne puisse réussir à la réguler. Mes mains tremblent et le temps semble s’être arrêté. Je ne me rends même plus compte du froid qu’il fait dehors et même si mes mains sont gelées je n’y prête pas attention. Je la scrute attentivement ouvrir l’enveloppe et en extraire une feuille pliée en trois qu’elle déplie avec tact. Durant toute la durée de la lecture, mes jambes semblent ne plus vouloir me soutenir et j’ai l’impression que je vais clamser si elle ne me fait pas un compte-rendu dans la seconde qui suit. Je ne tiens plus en place et je suis contraint de faire quelques pas pour me distraire. Tout mon corps vibre de l’écho des battements de mon coeur. 

-  Alors?? 

Elle lève sa tête dans ma direction et semble perplexe. Ses lèvres commencent à s’ouvrir et un semblant de bruit sort de sa bouche. Mes yeux la reluquent attentivement tout en se rétrécissant en deux fentes brulantes de curiosité. 

Accouche! 

 Elle ne semble pas être décidée à m’annoncer la nouvelle. Elle reprend sa lecture et je m’avance pour lire avec elle mais elle s’empresse de la coller contre sa poitrine. Mais qu’est-ce qui se passe? Je t’en supplie dis le moi… 

Je remarque qu’elle soupire et me tend ses mais pour me prendre dans ses bras. Je la serre fort contre moi en déposant mes mains dans son dos. Je ferme légèrement les yeux tout en bouillonnant d’impatience 

-  David Morel est bien ton papa. 

Quoi? Non c’est vrai? Tu rigoles là? Tu es sûr d’avoir bien lu? Relis pour voir…Oh et puis non, on connait déjà la réponse. 

-  Oh maman…je suis si soulagé. 

-  Et moi donc…Depuis toutes ses années, j’avais ce doute qui me rongeait de l’intérieur et il m’aura fallu dix sept ans pour savoir enfin la vérité…Quel soulagement. 

On s’étreint fortement et une vague d’amour, de paix et de sérénité m’enveloppe. Ces résultats sonnent  la fin d’un cauchemar que je vis depuis plus d’une semaine et dont je n’arrivais pas à faire abstraction. J’ai l’impression d’avoir perdu trente kilos d’un coup, mon corps semble s’être libéré d’un poids, un poids pesant qui devenait bien trop difficile à porter. 

Tous les évènements  déroulés ces derniers jours défilent dans ma tête: mes doutes après avoir été chez la coiffeuse avec mon début de calvitie, ceux que j’ai eus par la suite après avoir vu le crâne dégarni de M.Monnier, les nombreuses disputes avec ma mère qui semaient une mauvaise ambiance dans la maison, etc. 

Je suis contente de vivre ce moment de soulagement avec toi…Je me sens moins seule tout d’un coup. Il m’aura fallu du courage et de l’audace pour venir t’avouer la vérité et mon infidélité envers ton père, mais je suis ravie de l’avoir fait et qu’on ait pu découvrir la vérité  main dans la main. 

Elle me serre encore une fois dans ses bras avant de me faire comprendre qu’elle commence à prendre froid et qu’il vaudrait mieux que nous montions à l’appartement pour nous réchauffer. Elle me donne la lettre dont je m’empresse de lire même si je connais déjà le résultat avant de la mettre dans ma poche arrière droite. Whouah ! la vache, je n’en reviens toujours pas…

Elle fait chauffer de l’eau dans la bouilloire et sort deux tasses du placard pour y mettre des morceaux de sucre et des sachets d’infusion, tandis que je range brièvement les courses. 

Quand j’étais petit, ma mère me préparer souvent de la tisane quand je regardais la télévision et venait les déguster avec moi pour me tenir compagnie. Ce rituel me replonge dans mes souvenirs les plus lointains qui me font réaliser que j’ai eu une enfance des plus joyeuses dont je n’ai strictement rien à envier aux autres. Je suis pleinement satisfait de la vie que m’offre mes parents et je ne souhaite pour rien au monde la changer. Il n’y a pas de raison! Ma conscience voit juste et maintenant que j’ai la preuve d’avoir mes vrais parents sous les yeux, rien ne semble pouvoir venir gâcher mon existence. 

Nous restons dans la cuisine un long moment pour discuter et nous raconter nos moments de doutes et de craintes dont je remarque que nous avions en commun dans cette histoire. Nous chuchotons  pour ne pas prendre le risque que mon père entende et une atmosphère de confidence s’installe peu à peu entre nous. 

-  Comment tu as fait pour vivre avec ça sur la conscience pendant toutes ces années sans avoir eu l’idée de faire un test ADN?

Elle fait tinter trois fois sa petite cuillère contre les rebords de sa tasse avant de la déposer sur le plan de travail et de boire le liquide sucrée. Elle relève mollement sa tête en fermant ses yeux quelques instants. 

-  J’y ai songé plusieurs fois, penses- tu! Mais je n’ai jamais eu le courage d’aller jusqu’au bout , je me suis dégonflée à chaque fois…J’avais peur de la réaction de ton père s’il venait à découvrir  que je l’avais trompé et que je n’étais pas capable de savoir qui était le père de mon enfant. 

-  En parlant de ça, tu ne veux toujours pas me raconter ce qui c’était passé avec ton collègue? Et pourquoi tu en es venue à tromper papa?

Ses yeux plongent immédiatement dans les miens. Elle cherche à me faire comprendre sa réponse à travers ses mimiques. 

-  Non, vraiment…Je souhaite garder une partie de mon intimité Jean, il y a des limites. Mais ce que je peux te dire, c’est que cet homme n’a pas compté et que je suis toujours aussi raide dingue de ton père et je n’ai aucune envie de le tromper de nouveau.

Humm.. d’accord.. Je suis déçu qu’elle ne veuille pas me raconter car je suis vraiment intrigué par cette histoire mais je me contente de la bonne nouvelle de la soirée, à savoir que mon père est bien celui qui m’élève depuis que je suis né. 

Lorsque je me couche, ce sentiment de joie ne me quitte pas. Il est bien trop compliqué d’expliquer dans les détails ce que je ressens à l’instant présent mais si je devais résumé cela en un seul mot, ce serait: soulagé.Je suis soulagé. 

Quand je repense à ce que j’ai pu croire…la honte…Comment ai-je pu supposer que M.Monnier puisse être mon père? Ma mère et lui ont bien trop d’écart pour avoir eu une liaison…Et ne parlons pas de Philippe, j’ai osé croire que ce malade mental était peut-être mon géniteur, ça ne tourne pas rond dans ma tête ou quoi? 

Ne voulant plus penser à cette histoire et clore le dossier, je ferme mes yeux en caressant mon chat qui vient de me rejoindre et j’essaye de m’endormir au plus vite afin de rejoindre le pays des rêves.

HarcelésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant