Chapitre 5

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Elle me montre les carottes sur la table qui attendent sagement d'être dévêtues de leur peau et je m'installe sans lui adresser la parole. Après tout ce qui s'est passé en allant chez le coiffeur, j'ai bien trop de mal à la regarder droit dans les yeux. Quand je pense qu'elle seule connait la stricte vérité dans cette histoire..

Sur un coup de tête j'ouvre la bouche et je prends une grande inspiration, prêt à dégainer sur ce sujet qui me perturbe depuis quelques jours. Attend plutôt de savoir ce que dit le test, me chuchote ma conscience.

Elle a raison. Je cadenasse mon bec sans en sortir un mot. Je réalise que j'ai bien fait. J'étais sur le point de déclencher un véritable cataclysme et je ne sais comment la soirée aurait terminé. Je me résous donc à râper en silence sans évoquer mes suspicions.

- Tu as des nouvelles de ce Philippe? me dit-elle sur un ton agressif.

Je me doutais bien qu'elle avait une idée en tête pour me faire venir dans la cuisine, prétextant vouloir de l'aide.voilà sa raison.

- Non, pas depuis dimanche dernier. Pourquoi tu me demandes ça?

Je remarque qu'elle relâche ses épaules comme si elle venait de reprendre son souffle. Elle se dirige vers l'évier situé sur le plan de travail central et fait couler de l'eau pour se laver les mains. Elle me décoche un regard glacial.

- Tu ne m'as pas raconté comment vous vous êtes rencontrez. C'était la première fois que tu le voyais samedi soir?

- Oui...Il est venu à cette soirée, pour s'amuser apparemment. Il a des vues sur Clara je crois.

Elle me regarde sourire à cette annonce et s'attarde à s'essuyer le bout des doigts vierge de vernis avec le torchon. Elle semble stressée.

- Pourquoi tu me demandes ça au fait? Pour rien, je m'intéresse à ce que tu fais, c'est tout

Tu devrais t'inscrire au cours de théâtre du lycée maman, ricane ma conscience. Ma mère ment si mal que cela en devient ridicule. Je la connais plus que quiconque et il m'est facile de voir si elle me mène en bateau ou pas.

- Tu n'as toujours pas digéré le fait que je me fasse ramener par un inconnu?

Elle me lance un regard hautain en entendant mon dernier mot, le genre de regard qui veut dire «tu ne connais pas les gens de son espèce ».

- Non, il est vrai que je n'aime pas te savoir trainer avec des étrangers...Tu ne le connais même pas et tu montes dans sa voiture, sans la moindre hésitation...Il faut avouer qu'il faut sacrément être inconscient pour faire une chose pareille, voire débile.

Je la regarde fixement en me demandant si j'ai bien compris ce qu'elle vient de dire. Je suis étonné par autant de méchanceté qui déboule sans raison. Pourquoi elle ne m'a pas engueulé dimanche en apprenant la nouvelle? Pourquoi elle décide, après coup, de me faire la morale. C'est étrange. Cette dame est vraiment décalée.

- Il s'est passé quelques choses pour que tu te mettes en colère dix ans plus tard ou comment ça s'passe ?

Je me surprends à lui riposter avec arrogance, mais je n'admets pas quand elle se mette dans des états pareils.

- Tu baisses d'un ton Jean...Je suis ta mère ok? Tu me dois le respect...Et si j'estime que mon fils n'a pas à fréquenter des personnes qu'il ne connait pas et qui ne branlent rien de leur journée, c'est mon droit.

D'ou sort cette connerie? Je sens mes nerfs se réchauffer et je tente de garder mon calme.

Je ne comprends rien à cette situation, c'est arrivé si vite, sans aucun motif.

HarcelésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant