Chapitre 5

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Samedi 3 octobre

Les résultats de la spirométrie sont toujours bons...

Leï claqua la portière de sa voiture. Au bout de quelques mètres, il enclencha le verrouillage automatique. D'un geste gauche, il ouvrit la porte de sa maison. Le silence l'envahit autant qu'il le noyait intérieurement. Et ni les jappements joyeux de Turbo ni la grâce des mouvements de Chipie contre ses jambes ne le ranimèrent.

Les résultats de la spirométrie sont toujours bons...

Il abandonna une caresse à chacun et se rendit dans la cuisine. Les animaux le suivirent, dynamique danse autour de leur maître assombri. Leï ouvrit le réfrigérateur sans savoir quoi y chercher. Il le referma, hébété. Il voulut se servir un verre d'eau, mais à la pensée d'avaler quoi que ce soit, la nausée le prit.

Les résultats de la spirométrie sont toujours bons... mais ils baissent. Ils baissent... Bordel...

Appuyé contre le plan de travail, Leï pencha la tête, inspira une bouffée d'air. Les mots du médecin se bousculaient encore dans sa tête, leur écho grattait contre sa peau. La moindre respiration lui donnait des haut-le-cœur à l'idée de ce qui se terrait à l'intérieur de lui.

L'échographie du cœur est bonne, mais la vascularisation des poumons laisse craindre un début de nécrose.

Son estomac se retourna. Il eut l'impression que la moindre goulée d'oxygène l'empoisonnait. Machinalement, il retint sa respiration, comme s'il pouvait empêcher l'extérieur d'attaquer ses poumons. Mais le mal ne provenait pas de dehors, il le savait. Il vivait dans son corps. Après presque treize ans de greffe, la nature reprenait ses droits. Il le savait. Il l'avait toujours su. Il n'aurait pas dû vivre jusque-là, et même les médicaments n'y pouvaient rien.

Vaincu, Leï se laissa glisser au sol. Il repoussa une première fois Turbo qui recherchait ses caresses. Les genoux repliés contre son torse, il songea que rien ne le sauverait. Que Maddie n'était plus là depuis longtemps. Il se demanda combien de temps ses poumons tiendraient – question à laquelle le médecin n'avait su répondre – puis en vint à se demander qui s'occuperait de ses animaux. Le chien provenait de la SPA, les deux chats dans une association, et le fait de se dire que bientôt ils y retourneraient lui brisa le cœur.

Il fondit en larmes. Si brusquement qu'il n'eut même pas le temps de penser à se retenir. Pendant tant d'années, les examens s'étaient succédé, et la peur avait fini par laisser la place à l'habitude. Le déni lui semblait un doux cocon au creux duquel il avait appris à ignorer sa condition à une exception près dans l'année. Jusqu'à aujourd'hui.

Turbo gémit à ses côtés, insistait pour caler sa tête contre son épaule si bien que Leï s'effondra. Le visage dissimulé entre ses bras croisés, il se recroquevilla sur lui-même, la poitrine hachée. Tout ce qu'il entreprenait s'écroulait.

Je ne vais... J'vais jamais être famille d'accueil. Mon pire cauchemar se réalise. J'aurais à peine connu mon métier, j'aurais...

Il s'imagina tout à coup étouffer, pire, décéder dans son sommeil. Le corps roide et pâle, raidi dans son lit tandis que ses animaux mouraient de faim. Les pensées gonflaient, emportaient toute émotion. Bientôt les tremblements de ses mains le forcèrent à contracter les doigts, et il ne savait plus qui de l'angoisse ou des effets indésirables des traitements le surmenait.

Quand, dans sa poche, le téléphone vibra, il fut incapable de l'en extirper. L'appareil glissa sur le carrelage et à l'écran, la photographie de Charlotte souriait. Il ne sut décrocher, cherchant à se calmer d'abord, à écraser le poids qui plombait sa poitrine. La sonnerie se coupa, toutefois, reprit aussitôt. D'habitude, les insistances de Charlotte l'agaçaient ou le faisaient rire. Aujourd'hui, il savait pourquoi elle ne lâchait pas l'affaire. Il se racla la gorge avant de laisser son pouce glisser sur l'écran. Le haut - parleur déploya la voix de sa meilleure amie comme si elle se trouvait sur place.

Ultraviolet - (L&V) T.3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant