Ultraviolet - (L&V) T.3

Chapitre 1

Quelques mois plus tôt :

Vendredi 18 septembre

— Solide, l'appui sur la jambe de terre, Marie ! N'oublie pas ta première. Plus haut les bras, mesdemoiselles. Dégagé devant et on monte les bras.

La jeune femme se plaça au centre de la salle. La totalité des regards juvéniles se posa sur elle lorsqu'elle leva les bras avec grâce. Le mouvement souligna la courbe de son dos jusqu'à la forme arrondie de son chignon blond. Les rayons du soleil traversaient la pièce, réchauffaient le parquet et nimbaient la danseuse d'une aura stricte, mais douce. Son visage n'était plus qu'un masque de concentration, et le fouetté qu'elle effectua s'envola dans l'air, sembla retenir le souffle des petites filles.

— Vous voyez, on reprend. Battement, passage en seconde. La jambe reste toujours à la hauteur, pas de micro mouvements. J'allonge...

Bientôt, les petites danseuses l'imitèrent, certaines encore trop raides, d'autres trop brusques.

— Moins hachée l'arabesque ! On reprend. Battement... j'allonge... Pointé. Fermé. Très bien. Encore une fois !

Les petites n'avaient d'yeux que pour elle, et elle souriait à chacune, dardant un œil objectif sur les positions, les erreurs ou au contraire les évolutions. Elle avançait, glissant sur le parquet lustré parmi la troupe d'enfants.

— Très bien, on recommence, battement, passage en seconde...

Les mains jointes devant elle, Charlotte sentait la tension envahir la salle. L'heure prendrait bientôt fin. Quelques murmures s'élançaient bientôt plus haut que les jambes.

— Concentration jusqu'au bout, mesdemoiselles. Battement...

D'ordinaire, seule la voix de Charlotte suffisait à remettre ses protégées dans le droit chemin, mais à mesure qu'elle progressait dans la salle, quelques rires craquèrent dans l'air. Elle se retourna, sourcils froncés.

— Puis-je savoir ce qui vous...

Poings sur les hanches, Charlotte pencha la tête et fixa l'autre bout de la salle. Son associé, perché sur la pointe du pied décrivait une grotesque arabesque.

— Pointé, fermé ! lança Charlotte.

Les petites éclatèrent de rire quand le jeune homme effectua un gracieux mouvement avant de feindre une chute sur le parquet glissant. Charlotte secoua la tête, le sérieux écarté par un fiévreux sourire. Elle tapa dans ses mains pour attirer une dernière fois l'attention.

— Allez, c'est tout pour aujourd'hui. Je vous laisse à vos étirements !

D'un pas souple, elle retraversa la salle. La distance qui la séparait de son partenaire de toujours s'amenuisait à mesure que le sourire du jeune homme grandissait.

— Ça te fait rire de perturber ma classe, Landry ? Tu t'ennuies dans la tienne ?

— Je suis venu récupérer des soldats en perdition.

— Coucou Leï !

— Anh ! C'est monsieur Leï ! cria une petite.

Charlotte croisa les bras, les sourcils hauts, tandis que Leï se penchait pour apercevoir les enfants qui le saluaient, certaines plus timidement que d'autres.

— Bonjour, mesdames !

Il leur adressa un clin d'œil et la moitié de l'assemblée rit, d'autres couvrirent leur bouche de leur petite main.

— Mes danseuses sont très bien en classique, gros malotru. Et arrête de te servir de ton charme !

Leï ne broncha pas quand la frêle main de Charlotte s'abattit sur son biceps.