Ultraviolet - (L&V) T.3

Chapitre 24 (suite 2)

Assis sur une chaise, Vicky attendait. Le petit L aux lueurs violines dansait entre ses mains. Il serrait ce bracelet depuis plus de quatre heures. Les bras croisés, et la nuque renversée, il était parvenu à sommeiller vingt petites minutes. Pas plus. L'horloge murale semblait se moquer de lui. Sa montre aussi. Toutes deux s'étaient mises d'accord pour ne pas avancer.

Pour une fois... juste une fois, j'aimerais que le temps passe plus vite...

Il tentait de chasser les images qui s'imposaient à son esprit, un corps ouvert, en deux. Un cœur qui battait presque à nu. Et des poumons détachés, étalés sur un plan en inox. Vicky secoua la tête, se massant le front de ses doigts.

Je vais plutôt penser à... à la danse. Oui, ça c'est beau. Leï quand il danse. Je me souviens exactement de la première fois où je l'ai vu danser. De la deuxième aussi, sur cette estrade. Mon Dieu, tu étais si beau...

Il se remémorait son sourire arrogant derrière le plumage noir du masque, ce personnage qu'il incarnait, qu'il n'osait être en dehors de l'anonymat. Après s'être assuré que Gatien se portait bien – il est en train d'avaler un bol de céréales plus gros que mon crâne, mon bro – lui avait assuré Diego ; Vicky sortit son téléphone et cliqua sur la chaîne Youtube Charlie & Crow.

Les deux heures suivantes, il les passa à regarder ces nombreuses vidéos déjà maintes fois visionnées. Il connaissait presque certaines chorégraphies par cœur. Bien sûr, il aurait été incapable de les reproduire, mais il visualisait bien Leï. C'était plus que suffisant. L'évolution entre la première et la dernière vidéo, datant déjà de plusieurs mois, lui arracha un sourire.

Combien de fois j'ai regardé ces images en rêvant de te revoir, Leï... Combien de fois j'ai rêvé de pouvoir à nouveau te prendre dans mes bras, d'entendre ta voix, même si ce qui en sortait n'était pas forcément agréable. Juste toi. Te voir toi. Te voir... vivre...

Vicky soupira. Incapable de rester sur place, il se mit à longer le couloir. À cette heure, presque pas âme qui vive. Quelques rares soignants le croisaient, des sachets plastiques en main à faire analyser au laboratoire. Il en était réduit à observer les secondes défiler sur sa montre.

6h24... Combien de temps ça va encore durer ?

Il lui était étrange de constater comme cet instant marquerait sa vie à jamais, d'une manière ou d'une autre. Pendant plus de six heures, il avait attendu que le temps passe. Simplement attendu, coincé entre la peur et l'espoir. Vicky savait qu'il se souviendrait de ces couloirs, de cette sensation. Mais pour la première fois, cet espace-temps neutre encore de toute émotion l'engloutissait. Il devait savoir. Il ne supportait plus d'ignorer, évaluant sérieusement le fait de défoncer quelques portes. Quand une infirmière en surblouse le frôla, Vicky l'évita, soucieux de ne pas gêner par sa présence. Il ne se retourna que lorsqu'elle posa la main sur son épaule.

— Vous êtes le compagnon de monsieur Landry ?

— Oui ! Oui, c'est moi !

— Je viens d'avoir l'équipe en salle de réveil. L'opération vient de se terminer. Il restera un peu là-bas avant de grimper dans le service.

Vicky serrait si fort le bracelet que le L métallique semblait se graver dans sa paume.

— Vous savez comment il va ?

— L'anesthésie fait toujours effet. Nous vous préviendrons quand il sera là. Vous pourrez le voir, mais pas l'approcher ni lui parler.

Vicky n'avait pas anticipé cela. Il imaginait attendre quelques heures que le corps évacue l'anesthésie. L'infirmière capta son air et posa la main sur son bras.