Chapitre 23 (suite)

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Vicky ne tenta pas de rattraper Solène. Elle avait besoin d'évacuer d'une manière ou d'une autre. Il la suivait donc, en attendant de jauger sa manière de gérer ses émotions. Elle bifurqua automatiquement dans la salle de sport, et avant que Vicky ne l'atteigne lui aussi, il eut le temps de l'apercevoir coller un coup de poing dans sac de frappe. Solène cria de rage et de douleur, peu habituée à la violence. Elle abandonna le sac et envoya un coup de pied dans un ballon de foot, resté là.

La poitrine en feu, soulevée par une respiration chaotique et des larmes brulantes sur les joues, elle tournait sur elle-même, les mains agrippées dans ses cheveux. Elle s'arrêta soudain, énervée par la silhouette de Vicky adossé au mur, à l'extérieur de la pièce. La paroi floutée laissait sa présence visible derrière le verre.

— Allez-vous en !

Vicky se redressa. Les mains calées dans les poches, les épaules basses, il demeura au seuil, délimitant un espace vital nécessaire entre eux.

— Je n'en ai pas le droit, et tu le sais. Mais je ne suis pas là pour te juger. C'est pour ça que je reste loin...

Solène ne trouva rien à répondre. Elle ne lâchait pas ses cheveux, se fichait éperdument du reflet fou renvoyé par le miroir.

— Je vais péter un câble, putain ! Je vais péter un câble !

Vicky ne rétorqua rien. La vulgarité ne lui importait pas tant qu'elle concernait le domaine intime, qu'elle n'était pas dirigée contre lui. Maintenant que le dialogue était engagé, il jugeait irrespectueux de ressortir de la pièce, ainsi, il s'installa en équilibre sur une énorme balle gonflable de yoga et attendit.

— Pourquoi vous l'avez ramené ici ? s'écria soudainement Solène.

Les mains sur les hanches, elle tentait de refréner sa respiration rapide. Vicky comprit que pour l'instant, il serait le fautif tant qu'elle n'aurait pas mis de l'ordre dans ses émotions.

— J'ai pensé que ça te ferait plaisir de le rencontrer.

— Il va mourir !

Ses yeux se remplirent de larmes à nouveau, en même temps qu'elle lui crachait ces mots au visage.

— Je sais.

Vicky en appela à toute sa force intérieure, toute sa sagesse, et son professionnalisme pour soutenir son regard, pour ne rien laisser paraître de cette douleur hémorragique qui le vidait chaque jour, épuisait toujours plus son âme. Solène essuyait le bout de son nez sur le dos de sa main, peu soucieuse d'avoir l'air débraillée.

— Mais tu le savais aussi... Tu le suis sur les réseaux... Tu suis Charlotte également...

— Oui, mais !

L'émotion dépassa les mots de l'adolescente. Ses yeux se brouillèrent de nouveau et elle ne put que coller ses poings contre ses paupières closes pour faire barrage aux larmes. En vain.

— Pas maintenant... gargouilla-t-elle.

Et sa voix atteignant les aigus fut le signal que Vicky attendait. Il se releva, approcha petit à petit. Plantée au milieu de la salle, Solène ne bougeait plus, le visage invisible derrière ses paumes noyées. Il posa une main sur son épaule et la pressa, doucement, comme un appel, une question à laquelle Solène se dépêcha de répondre. Elle se blottit contre lui, éclata en sanglots, et son corps lâcha, vibrant d'un panel d'émotions que Vicky avait appris à reconnaître depuis quelques semaines que l'adolescente se trouvait là. Colère, injustice, douleur, résignation, impuissance... et bien sûr la pire de toutes...

— Je sais que tu as peur, Solène...

Elle pleura d'autant plus, martyrisée par des sentiments bien trop grands pour elle.

Ultraviolet - (L&V) T.3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant