Ultraviolet - (L&V) T.3

Chapitre 6 (suite 2)

Les bruits des deux roues s'apaisaient. Vicky culpabilisait de s'être enfui comme un voleur, abandonnant là Sammy et cette inconnue qui désirait partager un verre avec lui. Mais le sentiment s'égratignait sur une émotion plus douce. Le soulagement. Voir Leï de ses propres yeux l'emplissait d'une fierté étrange.

Pendant tout ce temps, il n'avait osé interroger Diego, souhaitant le laisser en dehors de tout cela. Il s'était contenté de suivre Leï de loin, de s'inquiéter pour lui malgré la distance.

Se tenir à quelques mètres de lui l'avait rassuré. Il se pencha sur son livre et parvint enfin à s'immiscer dans l'histoire quand son Samsung vibra sur la couette. Vicky le retourna, étonné.

De : Crow
09/10. Aujourd'hui 22:00
J't'en prie. Content d'apprendre la vérité au bout de 8 ans.

Vicky soupira. Le Leï oral s'opposait à celui qui lui écrivait. Il ne reconnaissait pas le ton employé, ne comprenait pas ce qu'il sous entendait.

"Je sais que tu m'en veux. J'ai vraiment essayé. Mais pour être honnête, je t'en veux aussi, tu sais. J'étais seul, je cherchais à rassurer les autres alors que moi-même j'étais terrorisé. Et mon petit ami a décidé de ne pas me faire confiance..."

Du moment où il appuya sur la touche envoyer, Vicky sut qu'aucun retour en arrière ne serait possible. Le véritable échange commençait. Il s'apprêtait à recevoir les foudres de Leï, aussi, dans l'attente, fut-il incapable de lire la moindre ligne. Son téléphone vibra et il dut retenir un haut-le-cœur avant de découvrir le contenu du message.

De : Crow
09/10. Aujourd'hui 22:02
Mais comment j'étais supposé t'faire confiance ? T'étais là et d'un coup t'as plus voulu me parler. Et j'aurais dû me contenter de « désolé je peux pas t'écrire, je t'expliquerai » ? Toi non plus tu m'as pas fait confiance. Moi aussi j'étais terrorisé là-bas. J'avais que 18 piges...

" Et moi 16... "

Vicky attendit, le souffle court. Il ne pouvait s'empêcher de réactiver l'écran chaque fois que le téléphone se mettait en veille. Mais aucune réponse ne lui vint. Sans réfléchir, il déclencha un appel, mû par le besoin d'entendre sa voix et les émotions qui la tenaillaient, non celles que la peur le forçait à imaginer.

Leï décrocha au bout de la deuxième sonnerie.

— Qu'est-ce que tu...

— Écoute-moi, Leï. Je ne vais te le dire qu'une fois, et après ça, le sujet sera clos parce que je ne crois pas qu'il soit bon pour toi, comme pour moi de ressasser cette époque où tout a mal tourné. Mais aussi difficiles que ces années aient été, aussi nuls mes choix aient été... si c'était à refaire, je le referais. Je le referais, tu comprends ? Parce que malgré tout j'ai grandi, j'ai pu terminer mon lycée sans encombre. Ces deux années ont été les seules de toute ma scolarité où je n'ai pas rencontré de problème parce que je suis resté en famille d'accueil jusqu'à mes dix-huit ans. J'ai trouvé ma voie et plus que tout... toi tu as trouvé la tienne. Alors c'était peut-être...

— Alminno...

— Non. Laisse-moi finir, s'il te plait. C'était peut-être idiot, et égoïste de te tenir à l'écart de tout ça. Mais moi tout ce que je retiens, c'est maintenant. Maintenant, tu es un grand danseur, tu réalises ton rêve, alors que la dernière fois que je t'ai vu, tu ne voulais même pas t'inscrire à ce fichu concours parce que tu n'y croyais pas. Alors oui, je n'avais pas le droit de décider à ta place, mais je l'ai fait. Parce que je ne voulais pas être un frein pour toi, et parce que tu méritais mieux que de pourrir ici, pour moi.