Chapitre 18

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— J'en sais rien.

— Comment ça tu n'en sais rien ?

Leï releva les yeux de sa soupe. Dernièrement, il n'avalait plus que des liquides le soir.

— Dis-moi quel mot tu comprends pas dans cette phrase ?

Vicky déglutit. Il choisit de ne pas répondre à cette agressivité à peine passive et sortit les champignons farcis du four. Le sujet de l'essai clinique brûlait entre eux. Impuissant, Gatien se concentrait sur ses devoirs, mais Vicky le voyait bien lorgner sur le dos de Leï. L'inquiétude barrait son visage et depuis quelques jours, Gatien envahissait le salon pour travailler, comme s'il avait peur de perdre son père d'accueil à tout moment.

Leï observa Vicky dresser le couvert pour Gatien et lui-même. Son doux regard le fuyait. La poitrine de Leï se contracta davantage. Le poids permanent qu'il ressentait ne l'effrayait pas tant que celui de perdre Vicky.

— Vicky...

— C'est bon. Ne t'en fais pas, la discussion est close. Je n'ai pas envie de me disputer. J'aimerais manger dans le calme.

Leï posa son couvert. Le potage beige et son estomac s'insultaient et il était bien incapable d'avaler la moindre cuillère. Il n'avait pas encore pris ses médicaments, or il devait le faire le ventre plein.

Il baissa la tête, le front presque collé à la table, les mains croisées derrière sa nuque.

Putain de bordel de merde, quelle vie de merde. J'en ai ras le Mont-Blanc de cette histoire...

— Est-ce que ça va ?

Leï se redressa. Semi-penché, Vicky cherchait son regard. Même dans les moments où ils ne s'entendaient pas, son amour pour lui prenait le dessus.

Ce serait tellement plus simple si tu m'détestais, UltraVicky.

— Oui. J'vais... Je vais me doucher. J'ai mal à la tête.

— C'est sans doute parce que tu ne manges pas assez...

Leï ferma les yeux, ravala sa rancœur. Ce n'était pas un reproche, il en était conscient.

— Je sais... Je sais... J'fais de mon mieux, Vicky. Même si t'en as pas l'impression.

Il repoussa sa chaise et s'échappa de la cuisine, conscient que malgré son absence, Vicky ne mangerait pas dans le calme qu'il recherchait. Et pour cela aussi, il s'en voulait.

Aucun des deux garçons ne suivit Leï, si bien qu'il en profita pour s'enfermer dans la salle de bain et s'asseoir sur le bord de la baignoire.

Il faudrait que je participe à un championnat de danse. Il faudrait que je participe à une rencontre au CEF. Il faudrait que je participe à un putain d'essai clinique. Mais j'peux pas. Bordel. J'peux pas... J'suis épuisé...

Sa poitrine se souleva massivement dans l'espoir de contrer l'émotion, mais elle coula sur ses joues avant qu'il ne puisse l'empêcher. Si autrefois le poids enfermé dans sa cage thoracique s'envolait ainsi, aujourd'hui cela ne changeait plus rien. Il lui était interdit de pleurer. Ses poumons commençaient à ne plus supporter les embardées cardiaques procurées dans ces moments-là. Et lorsqu'il songea à son rendez-vous médical raté, il craqua de plus belle. Vicky l'ignorait, bien sûr. Il avait été incapable de passer les portes de l'hôpital. La crise de panique l'avait tétanisé dans l'habitacle de la Dacia, persuadé qu'il ne repasserait jamais les portes automatiques en sens inverse. Il ne voulait pas savoir. Il ne voulait pas entendre que ses poumons allaient un peu plus mal qu'il y a quelques mois. Et comment avouer cela ?

Ultraviolet - (L&V) T.3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant