Ultraviolet - (L&V) T.3

Chapitre 17

Vendredi 5 mars

— Archi mort !

— Mais Leï ! S'il te plait ! Fais un effort !

— Y'a zéro moyen, j'te dis.

Vicky leva les yeux au ciel.

Assis à table, Leï se contentait de garder les bras croisés. Dans une position similaire en tout point, Gatien se tenait assis sur la chaise d'à côté.

— S'il te plait... articula doucement Vicky.

Leï soutint quelques secondes les yeux bleus qui le priaient silencieusement. Il détestait ces stupides yeux bleus. Principalement parce qu'ils détenaient la capacité de lui faire faire n'importe quoi. Comme par exemple aller étudier à l'autre bout du pays, ou goûter une mixture épaisse dont la couleur voguait entre le vert clair et le crème.

— Sérieux, qu'est-ce que c'est ? On sait même pas quel genre de légume mutant il y a là-dedans. À tous les coups, des trucs abominables.

— Tu ne peux pas juger tant que tu n'as pas goûté.

— T'iras dire ça aux hétéros.

— Leï Landry !

— Gass, goûte. Tu me diras si c'est bon.

Gatien secoua vivement la tête. Vicky lutta contre l'envie de rire. Ces deux-là se rejoignaient tant et si bien qu'il douta un instant que Gatien ne fut pas le fils biologique de Leï.

— Lâcheur, gronda Leï.

— C'est toi t'es lâche.

— Vous ne bougerez de table ni l'un ni l'autre tant que vous n'aurez pas au moins goûté.

Leï le fusilla du regard. Il devait pourtant bien manger pour avaler ses cachets. Vicky lui passait bien des choses, mais il demeurait intransigeant sur la nourriture.

— Arrêtez de faire vos malheureux. Je ne vous ai jamais forcés à avaler quelque chose que vous n'aimez pas. Je vous demande juste de bien vouloir goûter. Simple question de respect. J'ai mis du temps à le faire alors...

Leï arracha la cuillère de la table avec mauvaise grâce. L'envie n'y était pas. Il ne pouvait pourtant décemment pas laisser Vicky dire qu'il lui manquait de respect.

— Putain, doute jamais de mon amour, Alminno.

Il ignora le sourire triomphant de son amoureux et plongea le couvert dans la mixture. Vicky s'empêcha de rire une fois de plus en apercevant son expression de faux dégoût. Leï ne savait pas feindre.

Après une longue inspiration, il fourra la cuillère à soupe dans sa bouche. Les yeux rivés sur lui, Gatien retint son souffle. Leï garda le nez plongé au-dessus de son bol. Il finit par déglutir. En face de lui, Vicky n'avait toujours pas commencé à manger.

Avec tout le sérieux dont il était capable, il attrapa le pilulier et laissa tomber les gélules et comprimés dans sa main. Puis il les avala chacun, accompagné d'une cuillère de liquide vert crème.

— C'est bon ? s'inquiéta Gatien.

— Mange, Gass, gronda Leï.

Vicky se pencha légèrement vers l'enfant qui tourna ses yeux curieux vers lui.

— Vois-tu mon petit Gass', ceci est une rare vision de la mauvaise foi à l'état sauvage. Tu peux rarement la voir de près alors profi...

— Je vais coller ta tignasse dans ce bol si tu continues, Alminno.

— Signore Dio. Perché amo quest'uomo? Ti sto chiedendo !

— Ouais ouais. C'est ça ouais.

Vicky posa une main sur le bras de Gatien qui lui offrit un sourire rebondit.