Chapitre 15

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Jeudi 14 janvier

Dans un bâillement lancinant, Leï avalait son petit-déjeuner. Il avait fini par admettre que les flocons d'avoine plébiscités par Charlotte et préparés par Vicky fonctionnaient plutôt bien pour le caler jusqu'au repas de midi. Les médicaments passaient également mieux dans une bouillie sucrée. En face de lui, Gatien trempait une volumineuse tartine dans son chocolat chaud et Leï ne put s'empêcher de sourire. Ce gamin lui rappelait sa propre enfance chez Maddie ; des petits-déjeuners plus gros que son ventre, la bouche barbouillée de sucre.

La joue dans la main, Leï avalait quelques cuillères tout en laissant les articles du jour défiler sur son téléphone. La géolocalisation lui envoyait en priorité les informations régionales, de fait, il tilta face au titre « agression homophobe à Lille ».

Leï repoussa son bol et se pencha sur l'écran pour lire le minuscule paragraphe qui lui en apprenait bien peu.

« Lundi après-midi, une agression à caractère homophobe a eu lieu dans le quartier commercial, en pleine rue. L'agresseur présumé serait salarié de la S.A Roynood ; la victime, un écrivain. Les circonstances n'ont pas encore été rapportées. L'actionnaires majoritaire Brennan Barnood n'a souhaité faire aucune déclaration. Son associé Steven McRoilly de son côté soutient qu'il ne s'agit pas d'un acte homophobe ».

Les sourcils froncés, Leï avala deux cuillères de flocons d'avoine avant de se rendre à l'évidence.

Putain de merde... L'écrivain c'est Travis ?

Il releva les yeux vers Vicky, occupé à préparer ses affaires. À en juger par son air jovial, il n'était pas au courant. Leï eut beau chercher quelque information en plus, aucun journal local n'en donnait. Il se résolut à se lever, téléphone en main, après avoir adressé un sourire à Gatien puis une tape sur l'épaule. Côté cuisine, Vicky se retourna vers lui et son air affable s'effaça aussitôt qu'il aperçut celui de Leï.

- Quelque chose ne va pas ?

- C'est... hm... T'as eu des nouvelles de ton ex ?

- Lequel ?

Vicky se retint de rire quand le visage de Leï se renfrogna. Il déposa un baiser sur son front, lui assurant qu'il n'avait actuellement aucun contact avec qui que ce soit. Leï lui tendit son téléphone avec appréhension. Vicky ne mit que quelques secondes à lire l'article. Ses yeux s'agrandirent d'horreur et il plongea derechef la main dans sa poche, en extirpant son Samsung.

Leï retourna s'asseoir. La nouvelle ne le regardait plus, il estimait avoir fait son devoir et se contenta de terminer son petit-déjeuner en s'efforçant de paraître de bonne humeur auprès de Gatien. Il ne put toutefois s'empêcher d'entendre le début de la conversation de Vicky.

- Allo ? Travis ! Bon sang, je... Excuse-moi d'appeler comme ça, je viens d'apprendre...

Dans l'espoir d'épargner les innocentes oreilles de Gatien, Vicky passa la porte attenante au garage et disparut. Leï enterra sa jalousie naissante dans le fond de son bol.

T'as pas appris par l'opération du Saint-Esprit, c'est moi qui te l'ai dit. Et pis d'abord il répond. Ça va il est pas mort. Pourquoi se caler dans le garage encore ?

- C'est qui qui me conduit à l'école ?

La petite voix de Gatien le rasséréna. Leï aimait ses préoccupations d'enfant, si vitales pour son âge, si peu importantes pour le reste du monde.

- C'est moi.

- Et c'est toi tu viens me rechercher aussi ? Ou c'est papame Vicky ?

La jalousie s'effondra, balayée par tout l'amour contenu dans ce seul mot. Gatien avait adopté Vicky comme sa propre famille aussi facilement qu'il s'était fait sa place ici.

Ultraviolet - (L&V) T.3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant