CHAPITRE 1

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Je marchais dans les couloirs du lycée, mes livres collés contre moi. Le terme "errer" était peut-être plus approprié. Je révisais intellectuellement pour le contrôle d'histoire que j'avais en première heure. J'arrivais finalement devant mon casier et ma meilleure amie m'attendais déjà. Elle me sauta dans les bras comme si nous ne nous étions pas vu depuis longtemps. Je n'étais pas du style tactile et amicale. J'aimais la solitude, mais au lycée mieux valait toujours être accompagné. L'union fait la force comme on dit. Je soupirais en déposant mes affaires dans mon casier et en prenant mon manuel d'histoire. Je n'avais pas vraiment révisé et je devais assurer ou mes parents me couperaient les vivres. Et sans ordinateur, je n'étais rien du tout. Je vis les gens de ma classe passer les uns après les autres devant moi. Je ne savais même pas s'ils savaient que j'existais. De toute façon je ne les aimais pas. Je n'aimais personne. Sauf lui.
Alexander passa devant moi en rigolant avec sa nouvelle petite-copine. De toute façon il ne serait plus avec à la fin de la semaine. Mais je ne pouvais m'empêcher de le regarder. Il inspirait tellement de perfection avec son bonnet vert, sa chemise grise qu'il ne rentrait jamais dans son pantalon, son slim noir et ses chaussures habillées. Ses cheveux blonds tombaient en de petites boucles soyeuses sous son bonnet, lui donnant un air peu réveillé mais tellement mignon. Son sourire était ravageur. Jusqu'à ce qu'il se moque de moi... Là ça me plaisait tout de suite beaucoup moins...
Mon livre tomba, ce qui me réveilla de mon extase et me ramena à la dure réalité : j'allais me tôler à mon contrôle. La sonnerie retenti et je me promis de la faire taire un jour, je ne savais pas encore comment, mais je le ferais. Parole de première de la classe !

Une fois installée à ma place favorite (c'est-à-dire au dernier rang contre le mur), je sortis un crayon attendant le supplice de la page blanche. Tous les élèves étaient maintenant assis et l'heure pouvait débuté. Mon amie me regarda avec sincérité et posa ses affaires sur le bureau collé au mien. La porte de la salle se ferma et un lourd silence prit place dans la pièce. Le temps semblait long alors que le prof faisait l'appel.

- Alexander n'est pas là ? Demanda le prof sans grande surprise vu que nous étions un jour d'examen.
- Présent ! Affirma fermement le jeune homme en ouvrant la porte de la salle avec charisme.
- Arrêtes de baver, me lança ma voisine en me donnant un petit coup de coude dans les cotes.
- Hey ! Dis-je à voix haute en m'attirant tous les regards de la classe.

Alexander était encore debout devant la porte quand son pote lui fit signe de venir s'asseoir près de lui. Mais il l'ignora et fixa son regard sur chaque personne présente, jusqu'à ce qu'il tombe sur moi. Son visage s'illumina et il s'approcha de ma table. Il observa ma voisine et lui demanda de bien vouloir "dégager" avec simplicité et politesse. Elle n'eut pas vraiment le choix et il s'affaissa de tout son poids sur la chaise, avant de tourner son regard vers moi.

- Salut la guerrière ! Commença-t-il avec sarcasme.
- Alexander, dis-je simplement pour le saluer.
- Tu as révisé pour le contrôle ?
- Non pas vraiment j'ai...
- On s'en fout, me coupa-t-il. Faut absolument que je copie sur quelqu'un, c'est pas négociable.

Je soupirais en mangeant mon crayon. Trois secondes j'avais cru qu'il était content de se mettre à côté de moi. Et puis il avait tout gâché. Il farfouilla dans sa trousse et pesta à voix haute. Je n'eus même pas besoin de demander pour savoir ce qui lui manquait. Je lui tendis un de mes stylos et il le saisit sans un seul mot de remerciement.

- Si Alexander n'y voit pas d'inconvénient, je voudrais commencer mon cours, annonça le prof excédé.
- Je vous en pris, répliqua ce dernier avec un sourire hypocrite.
- Enlève ton bonnet.

Le jeune homme s'exécuta sur le champ. Ses cheveux tombèrent en pagaille, ce qui le rendait encore plus attirant. Je soupirais une énième fois. Une telle perfection ne pouvait pas être humaine. Et pourtant... il l'était bien. Le prof se leva et nous fit face.

- Bien avant de commencer l'interro, je voudrais vous parler de votre projet de fin d'année. Comme vous le savez vous allez devoir construire un exposé sur un thème prédéfini et passer à l'oral par binome pendant une épreuve de quinze minutes. Je voudrais que l'on fasse les équipes ce matin.

Des bourdonnements de voix humaines se firent entendre parce que les jeunes commençaient déjà à choisir avec qui ils se mettraient et le thème qu'ils choisiraient. Mais le prof coupa court au petit manège.

- Vous serez avec votre voisin de ce matin et vos thèmes sont déjà défini. Trey et Mélissa vous travaillerez sur les sirènes, Max et Paul sur les centaures, Brenda et Queen sur les hommes-jaguar, Alexander et Xena sur les loups garous...
- Oh la loose, souffla mon voisin en regardant sa table. Cette année ce sont les mythes et les légendes. C'est pourri.

J'eu envie de le baffer parce que moi j'étais aux anges, j'avais enfin une bonne excuse pour travailler sur ma passion, sans compter les nombreuses heures d'études en perspective seule avec Alexander. Je nageais en plein rêve. Puis le prof nous distribua les énoncés. Les questions étaient d'une facilité déconcertante. Même sans avoir révisé j'avais fini avec un quart d'heure d'avance. Je m'avachis sur ma table, la tête dans mes bras alors que mon voisin essayait de me tirer des informations. Puis ce fut le vide. Je m'assoupis. Le bruit de flash d'un appareil photo et des rires me réveillèrent et je vis Alexander et toute sa clique rigoler devant moi alors que ce dernier venait de me prendre en photo en train de dormir. Le cours venait de finir et ils en profitèrent pour déguerpir. Par moment j'avais vraiment envie de le défoncer, rien que pour me défouler, mais je me l'interdisais et restais focalisée sur les bons moments d'une journée. Même si aujourd'hui je n'étais pas prête à parier que ce serait une bonne journée. Je sortis de la salle de classe et me sentis un peu seule. Mais ça ne me dérangeais pas, j'aimais être seule. Alexander passa devant moi sans me calculer, j'étais de nouveau invisible à ses yeux.

*

Quand je fus de retour à la maison,  je n'eus la force de ne rien faire à part m'enfermer dans ma chambre. Moustache arriva au même moment en passant par la chatière et vint se caler contre moi. Une auréole de larmes s'étendit sur mon oreiller alors que je vidais mes yeux de toute substance liquide. Puis, à bout de force, je finis par m'endormir.

VULNERABILITEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant