Partie 31

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Les mains sur la nuque, je tourne une nouvelle fois en rond dans mon salon en attendant Tom. La journée au travail a été un calvaire et mes collègues m'ont regardé de loin. Ils ont essayé une fois de me parler et je crois leur avoir dit d'aller se faire foutre. Mais mes souvenirs sont flous, j'ai passé la journée dans un nuage, les pensées complètement tournées vers Bryan dans un putain de lit d'hôpital, à être interrogé par les services sociaux. Ils ont même pas eu le culot d'attendre qu'ils sortent : ils lui ont sauté dessus dès neuf heures et Tom m'a envoyé un message pour me prévenir.

- Salut.

Je fais un demi-tour brusque vers la porte qui s'ouvre. Muesli se faufile entre les jambes de Tom, content de rentrer et je le suis des yeux. Je l'avais laissé dehors, quel boulet. Mon pote dépose un sac sur le bar de ma cuisine et en sort des plats asiatiques en barquette.

- Je suppose que t'as pas mangé.

- C'est le cadet de mes soucis, la bouffe. Ca a donné quoi ?

Tom ouvre un tiroir pour en sortir des couverts et je m'accoude de l'autre côté du bar, en le fixant. Il fait comme chez lui depuis toujours, ça ne m'a jamais dérangé. Il est un membre de ma famille alors il peut bien retourner la maison, tant qu'il ne bousille pas ma cuisine.

- Pour le moment, ils n'ont pas grand chose contre Emilie parce que Bryan n'a pas pu encore déposer plainte. Les flics ont juste la déposition des voisins mais ça ne suffit pas.

- Ils ont bien vu Bryan, non ? je siffle. Elle lui a éclaté l'épaule, ça devait être flagrant !

- Oui. Mais sans la plainte de Bry, des photos de son corps, et un compte-rendu du chirurgien, ils ne peuvent rien faire encore.

Je vois bien qu'il y a autre chose qu'il ne veut pas dire dans la façon dont il fuit mon regard. Tom cache un détail et je serre le poing, certain que ça ne va pas me plaire. De toute façon, toute cette putain d'histoire me fout la haine et me donne envie de gerber.

- C'est-à-dire, ils peuvent rien faire ?

- Je suis désolé, murmure Tom en croisant à peine mon regard. Ils sont obligés de relâcher Emilie demain.

- Pardon ? je ricane froidement. Tu déconnes. C'est quoi ces conneries ?

- C'est la loi : ils ont rien contre elle, répète Tom et je me crispe un peu plus. Pour le moment, mais ça va changer. Bryan sort aussi demain de l'hosto alors je le déposerai au commissariat immédiatement. Ce sera...

- C'est toi qui le récupères ?

Je ne sais pas quelle information me fait le plus de mal actuellement. Si c'est l'idée qu'Emilie va se pavaner en grande victorieuse alors que c'est une pauvre conne, ou si c'est le fait que Bryan ne m'a pas demandé à moi, de venir le chercher. Il me tient à l'écart.

- Tu sais que c'est plus simple, lance alors Tom en me tendant une paire de baguettes. Si tu t'immisces trop dans la procédure, il y a un moment où ton objectivité sera remise en cause et Emilie pourrait se servir de toi contre Bryan.

- Je vois pas comment, je crache en le dévisageant. Je suis là en tant qu'ami !

- Vous puez l'amour dès que vous vous regardez, sourit Tom avec ironie. Personne ne croira à la carte "c'est mon frangin", je te le garantis. Et si il y a un homophobe ou une personne contre le fait qu'une gamine soit potentiellement élevée par deux pères, tu peux être sûr que Bryan n'aura pas la garde de Claire.

Putain. Je déteste Tom pour avoir réponse à tout, et surtout pour envisager tous les scénario possibles. C'est évident qu'il a raison, et que je dois me faire tout petit, mais ça m'enrage de voir que les préjugés de cette société à la con nous freinent à chaque étape. Je dois museler mon amour pour protéger, par amour en plus, Bryan. Si ça, c'est pas ironique.

ForgivenessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant