Partie 41

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De retour sur le banc, mon pied n'arrête pas de tressauter contre le marbre du sol. Le père de Bryan est un roc à côté de moi, tendu, mais droit. Il ne réagit pas, il respire à peine, alors que devant nous, se déroule la plus horrible des situations.

Son fils est bloqué par l'avocat d'Emilie, qui lui rappelle son alcoolisme. J'aimerai lui foutre mon poing dans la gueule pour qu'il arrête de le juger avec ce regard condescendant. Mais Tom me tient étroitement le poignet.

- Et aujourd'hui, vous ne buvez plus ?

- Il m'arrive de prendre un verre avec des amis, si, répond Bry sans se démonter. Je connais mes limites, j'ai réussi à comprendre les raisons pour lesquelles je buvais autant et je les différencie à celles d'aujourd'hui. Je ne bois plus que pour les occasions particulières.

- C'est-à-dire omme le fait que vous ne voyez plus Emilie et que vous ayez donc champs libre avec votre meilleur ami ?

Même moi, je remarque le tressaillement chez le juge. Les épaules de Bryan se crispent un peu plus alors que quelque chose s'effondre dans ma tête. C'était ce qu'on voulait éviter, c'était pour ça que je devais me tenir éloigné de lui, mettre de la distance entre nos corps pour ne pas donner de signe. J'ai foiré à tellement de reprises que je n'ose même plus les compter.

- Vous ne niez pas ?

- Qu'est-ce que je devrais nier, au juste ? crache alors vivement Bryan.

Son avocat pose une main sur son bras, leur regard s'accroche mais mon meilleur pote secoue simplement la tête, perdant lentement le contrôle. Je le vois dans son regard qui nous survole quand il se lève, jetant un coup d'oeil dans son dos. Puis il fait face à cet enfoiré que la famille d'Emilie a embauché.

- J'ai tout perdu ce jour-là : ma femme, ma fille, ma vie de famille, tout ce que j'ai construit avec elles. J'étais blessé, traumatisé, violenté. Alors oui, je me suis tourné vers mon meilleur ami, oui je lui ai demandé de m'aider. Et oui, il a accepté parce que c'est comme ça que ça fonctionne, l'amitié. Et on ne peut pas me reprocher de m'être tourné vers la dernière personne à qui je faisais confiance.

- Est-ce que vous avez l'habitude de coucher avec votre meilleur ami ?

Putain. Cette fois, c'est Tom qui me plaque violemment contre le banc quand je m'apprête à lui sauter au visage, pour lui exploser son sourire de merde. Le juge lui ordonne de se reprendre et de faire gaffe à ses mots alors qu'autour de nous, des gens marmonnent. Mon sang boue dans mes veines, ma respiration est rapide à m'en faire mal aux côtes et le bras de Tom barre mon torse.

- Je vais le buter.

- Plus tard, me siffle l'avocat de Bryan en me fusillant du regard. Reprenez-vous et restez à votre place. Ces accusations ne joueront certainement pas contre Bryan, les gens vont croire que cet idiot vous a attaqué parce qu'il n'y a plus que ça qui sauvera Emilie.

Je grogne un truc en détournant les yeux vers Tom. Il acquiesce silencieusement en venant attraper ma main et je ferme les yeux, inspire pour me calmer tandis que l'audience reprend. L'avocat d'Emilie retourne s'asseoir et celui de Bryan prend la relève. Je vais forcément vomir à un moment ou un autre.

Les premières questions sont tournées vers Bryan, l'amour qu'il porte à sa fille, sa volonté de se battre et de sortir la tête de l'eau. Il ne cherche qu'à montrer son côté paternel, prouver qu'il peut y arriver en tant que célibataire, qu'il doit récupérer la garde de Claire. Puis il finit par se rapprocher d'Emilie et je serre les dents, le regard qui ne quitte pas la nuque de Bryan. Je m'accroche à lui, à son coeur qui continue de battre malgré ce qu'il vit.

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