Mardi soir, vingt-et-une heures passées, et je suis allongé dans mon canapé. Six jours que le procès est fini. Six jours que je n'ai pas vu Bryan et qu'il me manque encore plus qu'avant. Il n'est toujours pas sorti, ce sont ses parents qui sont allés chercher des affaires dans son appartement.
La télé passe un film que j'ai déjà vu trois ou quatre fois. Je ne m'y intéresse pas vraiment mais je ne veux pas de silence, ce soir. Muesli en boule à mes pieds, je cale mon bras sous ma tête et attrape un popcorn dans le saladier sur mon torse. Le cliché ambulant du mec avec le coeur en vrac, dans l'attente désespérée de l'amour de sa vie. Je suis tombé en plein dedans.
Je dépose le plat sur la table basse quand la pub se lance. Mon paquet de clopes à la main, je me lève en passant une main dans les poils de mon chat qui miaule, puis je sors dehors. Le bout de ma cigarette crame et je tire dessus. En t-shirt, je m'assois par terre, le dos contre mon mur. Je n'ai pas froid, la clope ne m'aide pas à détendre mes muscles et Muesli miaule du canapé. Je lui montre mon majeur par la porte avant de ricaner, tout seul.
En moins de cinq minutes, j'ai fini ma cigarette. Je la jette en entrant de nouveau dans mon salon puis je m'écroule sur mon canapé. J'ai tout juste le temps de tendre la main vers le saladier que la sonnette de l'entrée sonne.
Dans un sursaut, je me relève et fixe ma porte. Putain. Un coup d'oeil à mon portable m'assure que ce ne sont pas mes potes qui sont là : ils m'auraient prévenu. J'attrape mon briquet dans ma poche et avance avant de poser ma main sur la poignée. J'inspire un coup puis ouvre, sur la réserve. Mais tout disparait quand je réalise que Bryan me fait face, un de mes sweats sur le dos, la capuche remontée sur l'arrière du crâne.
Ses yeux plongent dans les miens et je me retrouve propulsé dans notre bulle, là où mes sentiments écrasent tous sur leur passage. Là où j'ai le droit de l'aimer à en crever.
- Salut, sourit-il alors. Je me suis dit que j'allais passer, ça fait un moment.
Et je comprends qu'il y a quelque chose quand il baisse les yeux, ses dents qui mordillent sa lèvre. La joie de le voir est rapidement remplacée par l'inquiétude.
- A vingt-deux heures ? je réplique, moqueur. Prends-moi pour un con. Allez, entre.
Bryan ne se fait pas prier et se glisse à l'intérieur de ma baraque, enfonçant ses mains plus profondément dans sa poche ventrale. Mon regard suit chacun de ses mouvements alors que je claque la porte dans mon dos. Je dévore ses cheveux des yeux, les muscles de son dos, ses bras, sa nuque découverte quand la capuche retombe. Je ne l'ai pas vu depuis quelques jours mais j'ai l'impression que ça fait des siècles qu'il m'a tourné le dos pour aller chercher sa fille.
- Chouette ambiance, ici, ricane Bryan en avisant le popcorn. C'est pas bon pour ta ligne, tu le sais ?
- Le boulot compense le sport que je manque, en vivant seul.
Il esquisse un sourire joueur en me jetant un coup d'oeil. Bien sûr qu'il a saisi le sous-entendu. Pourtant, il ne fait pas un geste vers moi, il s'assoit simplement dans mon canapé et pioche des sucreries qu'il croque.
Je me laisse tomber à l'opposé de lui, portant Muesli qui se remet en boule sur mes cuisses. Bryan soupire alors en basculant la tête en arrière, les mains qui tirent ses mèches.
- Je pars.
Les mots cognent violemment ma poitrine. Pendant un instant, je me demande s'il a vraiment parlé, si ce n'est pas la télé qui a déconné, si ses lèvres ont vraiment bougé. Puis il braque ses yeux dans les miens et j'y trouve un condensé de tout ce qu'il a dû ressentir, ce qu'il ressent toujours. L'indécision, l'inquiétude, la peur, mais aussi la certitude de faire le bon choix. Sauf que je ne comprends pas.

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Forgiveness
General FictionÀ 25 ans, Matt et Bryan ont pris des voies différentes. L'un vit seul mais gagne bien sa vie. Quant à l'autre, il a une fille, une femme et travaille. Leur vie respective les éloigne mais leur amitié est trop forte pour qu'ils s'abandonnent. Jusqu'à...