trente-cinq

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C'est le cœur vide que je pénétrais dans la forêt. C'est l'esprit ailleurs que je longe le ruisseau où mon aventure avait débutée. C'est les muscles las que j'atteignais mon village.

Mon village... Vous en ai-je déjà parlé ? Il est dans les arbres, littéralement. Nous nous installons dans les trous faits par les piverts, écureuils et toutes ces bêtes-là. Souvent, nous sommes dix dans un refuge. Marovi compte pas moins de trois cents wangs. Cela peut paraitre beaucoup, mais Holyem, un village voisin qui s'est installé dans une des lacs de la forêt, en compte près de mille.

Je traverse les longues branches. Certains habitants remarquent ma présence, parfois on me dévisage avec de grands yeux, parfois on me sourit tout simplement ou parfois on me fixe. Etrange, habituellement, je ne suis pas connue d'autant de monde.

Je leur rends la pareille puis atteints mon foyer. Il n'a pas changé. Je me demande si le vieux couple et la famille ressemblant à la mienne va bien. Ils sont ceux qui vivent dans cet arbre, avec nous.

Je pénètre dans notre arbre discrètement. L'intérieur est divisé en trois étages, comme nous sommes trois différentes familles. Le nôtre est le premier. C'est vrai que ce n'est pas aussi spacieux que les foyers des humains, cependant cela nous est chaleureux.

A peine ai-je déjà observé l'appartement que mon père m'accoste. Mon père, il est grand, plus de la trentaine. Ses cheveux, violets, il les tresse. Il est assez autoritaire, d'ailleurs, je me demande quelle a été sa réaction quand il a appris ma capture.

« - Pistache ?! Ma fille ! Tu es revenue ?! »

Et il m'entoure de ses bras. Ma mère, alertée par la voix de mon père, vint elle aussi me rencontrer pour m'enlacer. Qu'ils m'ont manqué !

« - Maman, où est Boisie ?

- Framboise ? Elle est sortie il y a quelques minutes, un bon quart d'heure. »

J'acquiesce et m'excuse avant de leur fausser compagnie. Je vais retrouver ma Boisie ! Bon, il me faut encore la retrouver. Je descends de l'arbre et essaie d'entendre le son de la belle voix de ma sœur. Après quelques efforts de recherche, je la localise.

Je cours en direction de sa voix. J'arrive au bord d'un lac, celui des Holyem. Que fait-elle par-là ? Ce peuple a pourtant une mauvaise réputation, la sœur que je connais ne s'approcherais jamais de cet endroit de son plein gré.

Le son de sa voix s'intensifie et pourtant reste discret. Je l'aperçois, d'autres wangs sont avec elle. Trois femelles et un mâle. Ils ne semblent pas être ici pour danser ensembles. Ils ont la peau vert d'eau, ce sont bien des habitants de Holyem. Pourquoi s'entretiennent-ils avec ma sœur ?

« - Non mais qu'est-ce que tu ne comprends pas dans « vas chercher trois paires de cerises » ? Tu nous les ramènes en une fois, pourquoi tu veux te fatiguer à faire des allers-retours ? L'agresse l'une des femelles. »

Des cerises ? Ne peuvent-ils pas le faire eux-mêmes ? Il y en a juste au-dessus d'eux ! Et puis comment pourrait-elle porter six cerises seule ?!

« - Eh on te répète, obéis nous salope ! Ça t'a pas dérangé pourtant d'abandonner ta sœur chez les humains ! Menace une autre femelle avec une crinière bien singulière. »

Ma sœur ne répond pas. Pourquoi se laisse-t-elle faire ? Pourtant elle sait que ce n'est pas la vérité ! Et c'était quoi cette insulte gratuite ?!

Je grimpe dans le cerisier qui pousse au-dessus de leurs têtes et cueille une paire de cerises. Je les sépare...En empoigne une de mes deux mains... Me lève... Vise... Et tire ! C'est le crâne du mâle qui a reçu mon offrande. Je répète cette action avec les trois autres femelles et maintenant quatre corps entourent ma Framboise.

Elle lève la tête et son regard croise le mien. Je lui souris et lui fais signe de la main. Elle ne bouge pas, trop occupée à me dévisager. Je descends de mon perchoir et va enlacer ma sœur. Elle pleure. Encore. Moi aussi, je pleure.

« - Tu-tu tu es revenue ! Sanglote-elle.

- Bien évidemment ! Je n'allais pas abandonner ma sœur préférée !

- Je-je suis désolée ! Pour tout, je suis désolée ! Pleurniche Boisie. J'avais peur que tu ne puisses plus revenir ! »

Je la réconforte du mieux que je peux et la ramène à la maison. Nous sommes installées sur le lit de nos parents. Elle me raconte ce qu'il ''est passé depuis mon départ forcé, en omettant ce qui la concerne.

Je pars dans mes pensées. Je me remémore chacune de mes rencontres, bonnes et mauvaises. Je songe à Bambi. Un sourire m'échappe. Puis je dérive sur Pega, une larme m'échappe encore. Après le visage de Rudy vient à mon esprit, je le maudis de toutes mes forces. Ensuite il y a Mao ; Je soupire, une étrange chaleur envahit mon visage puis je me force à penser à autre chose.

La lettre. Celle que Mao m'a laissé. Je l'extirpe de mon pantalon et la déplie de nouveau. Je passe mon doigt sur l'écriture. Il écrit bien. C'est beau. Je souris. J'attendrais. Oui, je t'attendrais, Mao ! Sois en sûr !

« - Qu'est-ce c'est ? Me demande brusquement ma sœur.

- Un souvenir et une promesse. Dis-je en la lui tendant gentiment. Lis-la ! Si tu le souhaites. »

Agréable Mauvais SortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant