Chapitre 49

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Une heure plus tard, Thomas se retrouva assis pour la deuxième fois devant les matons réunis en demi-cercle. Ils avaient refusé la présence de Teresa, ce qui l'agaçait autant qu'elle. Alors que Newt et Minho lui faisaient désormais confiance, les autres avaient encore des doutes.

- Très bien, le bleu, déclara Alby en prenant place à côté de Newt. (Les autres chaises étaient toutes occupées sauf deux, triste rappel que Zart et Gally avaient disparu entre les griffes des monstres.) On t'écoute.

Thomas prit une seconde pour rassembler ses idées.

- C'est une longue histoire, commença-t-il. On n'a pas le temps d'entrer dans les détails, mais je vais vous en raconter les grandes lignes. Pendant la Transformation, beaucoup d'images me sont revenues, comme une projection de diapositives en accéléré. Seules quelques-unes étaient assez claires pour que je puisse en parler. D'autres se sont estompées, ou sont en train de le faire. (Il marqua une pause.) Mais je me souviens de l'essentiel. Les Créateurs nous testent. Leur Labyrinthe n'a jamais été conçu pour qu'on s'en échappe. Ils ont besoin des vainqueurs - ou des survivants - pour quelque chose d'important.

Il s'interrompit, embarrassé.

- Allez, continue ! s'impatienta Newt.

- Je ferais mieux de commencer par le début, reprit

Thomas en se frottant les yeux. Chacun d'entre nous a été sélectionné dans sa petite enfance. Je ne me souviens plus exactement comment ni pourquoi car je n'ai que des images fragmentaires, et la sensation que le monde a connu de grands bouleversements, qu'il est arrivé une chose terrible. J'ignore quoi. Les Créateurs nous ont volés à nos parents, et je crois qu'ils estimaient avoir de bonnes raisons de le faire. Ils ont jugé que nous avions une intelligence supérieure à la moyenne. Tout ça reste assez flou, et ça n'a de toute façon pas grande importance.

Après notre enlèvement, on nous a envoyés plusieurs années dans des écoles spéciales, où nous avons eu une vie plus ou moins normale, jusqu'à ce qu'ils soient en mesure de financer et de construire le Labyrinthe. Ils nous ont donné des surnoms stupides - Alby pour Albert Einstein, Newt pour Isaac Newton, ou moi, Thomas, pour Edison.

Alby réagit comme s'il venait de prendre une gifle.

- Nos noms... ce ne sont pas les vrais ?

Thomas secoua la tête.

- À mon avis, on ne les connaîtra jamais.

- Qu'est-ce que tu es en train de nous dire? protesta Poêle-à-frire. Qu'on est de pauvres petits orphelins élevés par des savants ?

- Oui, répondit Thomas, en espérant que son expression ne trahissait rien de son abattement. Et tous très intelligents. C'est pour ça qu'ils étudient et analysent nos moindres faits et gestes. Ils observent lesquels d'entre nous capitulent ou continuent à se battre. Lesquels sont les plus doués pour survivre. Pas étonnant qu'on trouve des scaralames dans tous les coins. Sans compter que certains d'entre nous ont subi des... altérations du cerveau.

- Tout ça, c'est du plonk, grommela Winston d'un air las. Bientôt, tu vas nous raconter que la bouffe de Poêle-à-frire est bonne pour la santé.

- Pourquoi j'irais inventer tout ça? protesta Thomas en haussant le ton. (Il s'était quand même fait piquer volontairement pour retrouver la mémoire !) Et puis, tu as une meilleure explication? Tu crois qu'on nous a envoyés sur une autre planète ?

- Continue, dit Alby. Mais je ne comprends pas pourquoi tu serais le seul à te rappeler ça. J'ai subi la Transformation, moi aussi, et tout ce que j'ai vu, c'est... (Il jeta un regard gêné autour de lui, comme s'il en avait trop dit.) Bref, je n'ai rien appris de spécial.

- Attends une minute, promit Thomas, qui appréhendait cette partie de l'histoire. Je raconte, ou je ne raconte pas ?

- Vas-y, l'encouragea Newt.

Thomas prit une grande goulée d'air, comme s'il était sur le point de se jeter à l'eau.

- Ils ont trouvé un moyen d'effacer nos souvenirs, non seulement tous ceux qui se rapportent à notre enfance, mais aussi ceux qui ont un rapport avec notre entrée dans le Labyrinthe. Ils nous ont mis dans la Boîte et envoyés ici, d'abord un bon groupe puis un nouveau tous les mois pendant deux ans.

- Mais pourquoi ? demanda Newt. À quoi ça les avance ?

Thomas leva la main pour le faire taire.

- Une seconde. Comme je vous le disais, ils voulaient nous tester pour voir comment on réagirait à ce qu'ils appellent leurs « variables », face à un problème insoluble. Voir si on arriverait à s'entendre, ou même à bâtir une communauté. Ils nous ont fourni tout le nécessaire et confrontés à l'une des plus vieilles énigmes de la civilisation : le labyrinthe. Tout ça dans le dessein de nous faire croire à une solution, de nous pousser à la chercher à tout prix, tout en décuplant notre frustration de ne pas la trouver.

(Il marqua une pause, le temps de s'assurer qu'il avait bien l'attention de chacun.) Ce que je suis en train de vous dire, c'est qu'il n'y a pas de solution.

Les matons se mirent à parler tous en même temps. Les questions fusaient de toutes parts.

Thomas leva les mains. Il regretta de ne pas pouvoir leur transmettre ses découvertes directement dans le cerveau.

- Vous voyez ? Votre réaction prouve que j'ai raison. La plupart des gens seraient effondrés en apprenant ça. Mais je crois qu'on est différents. On ne pouvait pas accepter l'idée d'un problème insoluble, surtout qu'il s'agissait d'un labyrinthe. Et on a continué à chercher même quand il n'y a plus eu d'espoir.

Thomas se rendit compte que sa voix grimpait dans les aigus à mesure qu'il parlait, et que son visage s'échauffait.

- Quelle qu'en soit la raison, ça me rend malade ! Tout ça - les Griffeurs, les murs qui bougent, la Falaise -, ce ne sont que les éléments d'un foutu test. On nous a manipulés, on s'est servi de nous. Les Créateurs nous ont fait suer sang et eau à chercher une solution inexistante. C'est la même chose avec Teresa, qu'on a envoyée ici pour enclencher le processus de fin - ne me demandez pas ce que c'est -, les murs qui tombent en panne, le ciel gris, etc. Ils sont en train de nous balancer tous les obstacles possibles et imaginables pour étudier nos réactions, mettre notre volonté à l'épreuve. Voir si on se retourne les uns contre les autres. En fin de compte, ils se serviront des survivants pour quelque chose d'important.

Poêle-à-frire se leva.

- Et les morts ? Ça fait partie de leur plan, ça aussi ?

Thomas frémit de peur à l'idée que les matons déchargent leur colère sur lui, qui en savait tellement. Et encore, il ne leur avait pas avoué le pire.

- Oui, Poêle-à-frire, les morts aussi. La raison pour laquelle les Griffeurs n'emportent qu'une victime à la fois, c'est qu'il faut bien des vainqueurs à la fin. Les plus forts survivent... Seuls les meilleurs d'entre nous arriveront à s'échapper.

Poêle-à-frire donna un coup de pied dans sa chaise.

- Dans ce cas, tu ferais mieux de nous parler de ton fameux plan d'évasion !

- Ça va venir, intervint Newt à voix basse. Ferme-la, et écoute la suite.

Minho, qui n'avait pas encore pris part à la discussion, s'éclaircit la gorge.

- Mon petit doigt me dit que ça ne va pas me plaire.

- Sans doute pas, reconnut Thomas.

Il ferma les yeux une seconde et croisa les bras. Les prochaines minutes allaient être cruciales.

- Les Créateurs veulent sélectionner les meilleurs pour je ne sais quelle raison. Mais il va falloir mériter notre place. (Un silence de mort s'abattit sur l'assistance. Tous les regards étaient braqués sur lui.) Le code...

- Le code ? répéta Poêle-à-frire avec une pointe d'espoir dans la voix. Eh bien ?

Thomas le dévisagea gravement.

- Ce n'est pas pour rien s'il était dissimulé dans les mouvements des murs. Je suis bien placé pour le savoir: j'étais là quand les Créateurs l'ont conçu.

Le Labyrinthe [ L'Épreuve Tome 1 ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant