25) PDV inconnu

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Comme tout les matins c'est la course, chacun se prépare le plus vite possible, il faut que j'emmène Lydie à l'école avant d'aller au boulot et que j'aille faire les courses pour ce soir. Je n'ai pas une minute pour souffler, il y a toujours quelque chose à faire, la vie d'une mère de famille est vraiment compliquée, entre les enfants, le ménage, la lessive, le repassage, les courses, la cuisine, une femme a une montagne de choses à faire. Si en plus on lui rajoute une fille atteinte du cancer et une multitude de problèmes familiaux, il y a de quoi devenir folle.

Je ne peux pas tout gérer, ni tout prendre en main. C'est malheureux mais il y a certaines choses ou certaines personnes qu'il faut laisser en cour de route. J'avance sans regarder derrière moi, sans repenser à ma fille que j'ai abandonné.

Il y a 3 jours l'hôpital a appelé, elle était dans un état critique, ils avaient besoin de nous pour remplir des papiers et signer quelques chèques. Les temps sont durs et l'argent ne tombe pas du ciel. J'ai déjà bien du mal à faire vivre ma famille ce n'est pas pour le dilapider dans des soins hors de prix pour une enfant condamnée.

Avec le temps j'ai oublié la douleur de la décision inhumaine que j'ai prise.
À quoi bon se battre contre une cause perdu d'avance? Pourquoi faire durer le supplice du deuil de son propre enfant? Je ne pouvais pas me laissée abattre, mon mari et mon autre fille ont besoin de moi, eux sont encore là.

Personne ne comprend mon choix, sauf mon époux, lui et moi sommes sur la même longueur d'ondes, la chagrin nous a rapproché et rendu plus fort. Lydie me demande toujours où est sa soeur. Pourquoi a-t-elle disparut? Quand est-ce-qu'elle pourra la revoir ? Comment expliquer à une petite fille de 7 ans l'horreur de l'acte que nous commettons? Je lui répond par des bientôt, parce que et même des peut être. Lorsqu'elle pleure sa sœur, je ne peux m'empêcher de tout remettre en cause, de m'interroger.

Mais à la fin du mois en regardant nos comptes en banque quasiment vide, je me dis que je n'avais pas le choix, et que quand Lydie serra plus grande elle comprendra.

Pendant les réunions de famille plutôt tendu, il faut mentir, donner de fausses nouvelles, faire croire à des améliorations. Chacun nous plein, nous console mais je sais que rien n'est réelle. Nous vivons dans un monde d'égoïste où notre petite personne importe plus que les autres. La situation de Kana n'est qu'une parmi des milliers, leur état d'âme pathétique les intéressent beaucoup plus. Aucun d'eux ne nous a proposé son aide, aucun n'est jamais allé lui rendre visite. Je les critiques mais finalement je ne suis pas si différente d'eux, cependant moi je n'ai pas eux le choix, non je ne l'ai pas eu, croyez le ou non.

La circulation est difficile, les premiers bouchons se forment déjà. Le soleil se lève, illuminant de ses rayons la ville qui se réveille. Je grille un feu, double une voiture et m'arrête sur une bande de stationnement interdit. Lydie vient déposer un baiser sur ma joue avant de sortir toute guillerette en direction de l'école. Son sourire m'aide à tenir, mon monde tourne autour d'elle, je prie tout les jours son bonheur et implore les cieux de ne pas me l'enlever elle aussi.

Arrivée devant mon travail je me gare sur le parking en évitant d'accrocher mes voisins. J'accélère le pas jusqu'à l' accueil, je suis en retard et mon chef ne manquera pas de me le faire remarquer la ponctualité est signe de bonne éducation dit-il souvent. Je salue mes collègues d'un vague signe de tête et me presse en direction des ascenseurs.

Au loin une silhouette quelque peu familière attire mon regard, droite comme un I elle attend, vêtu de son traditionnelle uniforme d'infirmière. Cette bonne femme ne cessé de m'appeler mais c'est la première fois qu'elle va jusqu'à se déplacer... la petite a du rendre l'âme. À cet pensée je ressens un léger pincement au cœur, je ne suis pas faite en pierre et sa mort m'attristerait même si je m'y suis préparée. Je m'avance et appelle un ascenseur feignant de ne pas l'avoir vu mais sa main se pose sur mon épaule m'obligeant à tourner la tête et à croiser son regard.

- Je peux vous parler un instant ?
- Excusez moi mais j'ai à faire, si c'est de l'argent que vous voulez je n'en ai pas ne perdez pas votre temps inutilement.
- Ne vous en faites pas pour ça, quelqu'un a déjà réglé à votre place. Je voulais juste vous donner des nouvelles de votre fille après l'incident de l'autre jour.

Le moment fatidique est arrivé, quoi qu'il se passe je suis prête à encaisser, je m'y suis préparée.

- Elle s'en est sortit.

Je ressens presque de la déception, mon calvaire ne finira donc jamais? Faut-il qu'elle continu de souffrir ainsi encore longtemps ? Au vu de ma réaction peu enthousiaste Cindy s'énerva.

- N'essayez pas de vous trouver des excuses, rien ne justifie la méchanceté dont vous faite preuve. Vous vous cachez derrière vos soucis et vos malheurs n'essayant en rien de les régler. Avez vous pensé à Kana? se qu'elle peut ressentir? Sa peine est dix fois supérieur à la vôtre alors arrêtez de vous faire passer pour la victime, vous ne mourrez pas à petit feu vous!

- Qui croyez vous être pour me juger ainsi. Vous ne pouvez pas comprendre! Arrêtez donc de me poursuivre sans relâche, je veux oublier, je veux vivre, laissez donc les morts à leur place.
- Le problème justement c'est que Kana n'est pas morte ! Elle mérite mieux que des parents tel que vous, elle serait même prête à vous pardonner mais vous ne le méritez pas. Réfléchissez à tout ça et peut être qu'enfin vous ouvrirez les yeux.

Elle partit sans se retourner, claquant fièrement des pieds sur le carrelage blanc de l'entreprise. Les larmes me montent aux yeux et le cadenas fermant la boîte de mes souvenirs se brise. Cette boîte dans laquelle j'ai enfoui mes sentiments pour ne garder que la raison s'ouvre peu à peu. La peine, le chagrin, l'amour et tous les sentiments qui font de nous des êtres humains me reviennent faisant fondre ma défense de glace et affluer les regrets par milliers.

Never give up ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant