Chapitre 3

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Le bateau avait l'allure d'un roi. Sa taille, démesurée, était faite pour le commerce tandis que les ouvertures sur les côtés prouvaient qu'il était armé. Était-ce le bateau personnel du roi Orik ou avait-il d'autres navires encore plus fastueux ? Sur le port, tout le village s'était réuni pour dire au revoir à leur reine bien que la plupart réprouvent la décision prise par le gouvernement. En particulier les familles des soldats. Lysaelle comprenait cette amertume de voir leurs enfants, leurs frères et leurs sœurs partir défendre une nation qu'ils haïssaient. Heureusement, Andrzej avait la diplomatie dans l'âme et il avait réussi à calmer les protestations naissantes. Elle devait aussi cette tolérance à Juliuz et Ruta qui avaient eu une force de persuasion décisive.

Avant de partir en mer, chacun disait au revoir à ses proches. Lysaelle se sentit soudainement seule, elle qui n'avait plus de famille. Elle sentit alors la présence d'Andrzej à ses côtés. Il ne prononça pas un mot, il n'en avait pas besoin, sa présence suffisait. Ils n'étaient pas liés par le sang mais c'était bien plus que ça. Ils s'étaient choisis avec toute leur âme pour les siècles passés et ceux à venir. Il n'y avait pourtant jamais rien eu de charnel entre eux, c'était... différent.

Un peu plus loin Mikolaj disait au revoir à ses parents et à sa petite sœur, qui paraissait bien plus vieille que son frère. Elle avait atteint sa taille adulte et déjà les rides creusaient son visage. Sa chevelure blonde permettait de dissimuler ses cheveux blancs. Cette famille prouvait qu'il ne fallait pas se fier aux apparences. De nombreux secrets se cachaient sur cette île, des secrets qu'il fallait garder précieusement.

Alors que le frère et la sœur continuaient à discuter, la mère de Mikolaj vint à la rencontre de Lysaelle. La reine n'était pas réputée pour sa taille mais cette femme était plus petite encore. Son visage était doux malgré les marques du temps et du soleil. Quand elle arriva à la hauteur de sa souveraine, la mère prit un air sévère.

— Vous avez intérêt de me ramener mon fils entier, dit-elle avec dureté.

Lysaelle rendit le regard à la vieille femme. Derrière la carapace il y avait une mère terrifiée à l'idée de perdre un enfant. La reine fut soulagée de ne voir aucune colère parce que cette femme croyait en la bonté de son fils, en la nécessité de sauver des vies humaines même s'ils n'étaient pas parfaits.

— Ne vous en faites pas, votre fils vous reviendra, la rassura Lysaelle avec douceur.

Toutes deux savaient que c'était là une promesse qui pouvait ne pas être tenue, mais cela faisait du bien à entendre. C'était ce qui importait. La mère s'en alla avec un hochement de tête grave. Les gardes se réunirent sur le quai, prêt à embarquer sur les trois navires. C'était Mikolaj, nommé chef de la garde pour l'occasion, qui avait fait la répartition. Étrangement les gardes destinés à monter sur le bateau étranger ne semblaient pas ravis. Lysaelle les rejoignit puis fit face à son peuple. Les discussions cessèrent peu à peu jusqu'à ce que vienne le silence. Il y avait sur les visages de la colère, de l'incompréhension et surtout de la peur.

— Peuple de Lekathos, une menace plane sur nos contrés et il est de notre devoir de la combattre, commença Lysaelle avec une voix forte. Nous avons longtemps été rejetés mais aujourd'hui une chance nous est donnée de retrouver notre gloire d'antan. Et je peux vous assurer que nous ne nous battrons que dans l'assurance d'un juste retour des choses.

La voix de la reine avait été de plus en plus forte et appuyée. Elle voulait que le peuple soit derrière elle et pour cela elle devait leur assurer la justice ainsi qu'une compensation à la hauteur de leur sacrifice. Le peuple répondit à son appel avec force d'encouragements. Les gardes montèrent sur les bateaux et les dernières affaires furent emportées. Avant d'embarquer à son tour, elle enlaça Andrzej.

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