Le retour à la capitale se fit silencieusement. Une pesanteur écrasante compressait le cœur de la reine et de toute l'armée. Chacun avait perdu un être cher dans cette bataille. Les morts, trop nombreux pour qu'on leur offre une sépulture unique avaient été brûlés sur uneimmense bûché qui avait brillé haut dans le ciel. Quand il ne resta plus rien à brûler, l'armée était partie, hanté par les morts. La reine avait vécu cela de loin. Tout comme le roi Ayden, elle avait été comme arrachée de son propre corps. Elle donnait les ordres mécaniquement, avancer sans savoir comment. Elle avait soigneusement évité ses amis.
À présent elle chevauchait seule, à l'écart de tous, le regard perdu vers l'horizon, les pensées vagabondant vers un autre monde. La tristesse n'était pas encore là, la réalité ne l'avait pas encore rattrapé. Le déni, c'était la seule chose lui restait pour tenir bon. Elle le devait, au moins jusqu'à son retour dans son pays.
Quand l'armée fit son entrée dans la capitale, la ville entière vint les acclamer, des festivités à ne plus savoir où donner de la tête était organisé. Certains soldats rejoignirent sans attendre leurs familles, leurs amis tandis que les autres allaient se réfugier dans le château. Beaucoup n'avaient pas l'esprit à la fête. Lysaelle pensa aussi à tous les parents qui ne verraient pas leur fils revenir. À ces familles brisées par une guerre que personne n'avait demandée.
Elle laissa son cheval à l'écuyer et entra dans le château sans un regard pour personne. Elle se dirigea vers sa chambre et enleva sa tenue de combat machinalement, laissant tomber les pièces à même le sol. Elle se dirigea, nu, vers la salle de bains et fit couler un bain bouillonnant. Elle s'immergea sans grimace et se laissa envahir par la désagréable sensation de brûler. L'odeur âcre de la fumée vint lui chatouiller les narines et en quelques instants seulement elle fut projetée à nouveau sur le champ de bataille. Devant cet immense brasier de corps. Et ses yeux. Bleus, devenue gris. Elle ferma les yeux et se laissa sombrer dans le néant.
À son réveil l'eau était froide et Lysaelle grelottait. Elle ne sortit pas pour autant du bain. Était-ce cela la mort ? Ce froid intense ? Que n'aurait-elle pas donné pour croire en un au-delà. Aux fantômes. Aux âmes. À n'importe quoi qui lui permettrait de le revoir. De lui dire au revoir. Et tellement plus. Quelle idiote elle avait été. Fière. Arrogante. Détestable.
Des coups frappés à la porte la firent sursauter. Elle sortit précipitamment de son bain et s'habilla d'un simple peignoir. Elle n'avait le courage de se couvrir davantage malgré le froid.
— Qui est-ce ? Demanda-t-elle.
— Ayden.
Lysaelle était surprise. Qu'est-ce que le roi venait-il faire ici ? N'étaient-ils pas censés se haïr. Elle ne voulait pas que la... disparition de Soren les rapproche. Ils n'étaient pas proches.
— Je suis en peignoir, dit-elle pensant ainsi que le faire partir.
— Vous pourriez être nu que je n'en aurais rien à faire à cet instant, croyez-moi.
Devant la voix remplie de détresse du jeune roi, elle décida d'ouvrir la porte. Elle ne voulait parler à personne mais le roi méritait qu'elle l'écoute. Soren était sans aucun doute son meilleur ami, elle n'imaginait pas sa tristesse. La sienne était déjà bien assez difficile à supporter. Le visage d'Ayden était aussi blanc que ses vêtements, ses cheveux décoiffés témoignaient de son agitation. Il passa d'ailleurs au même instant sa main dans ces derniers, n'arrangeant en rien le résultat. Elle ignorait quelle heure il était mais le soleil pointé déjà à l'horizon. La reine avait dormi d'un sommeil de plomb et se sentait tout de même éreinté. Le roi, lui, n'avait visiblement pas fermé l'œil de toute la nuit. Il s'assit, sans demander, sur le grand lit à baldaquin. La reine, elle, reste debout, accueillant pleinement le froid qui l'engourdissait. Le silence s'abattit sur la pièce. Le roi refusait de croiser le regard de la reine.

VOUS LISEZ
Ozavir
FantasiLysaelle, reine de Lekathos, dirige avec bienveillance son peuple coupé des autres pays. Les autres dirigeants craignent ces terres inhospitalières où vivrait, dit-on, des mages. Pourtant, le roi Orik, roi d'Arzaski, décide de demander une alliance...