Comme elle l'avait promis, dès le lendemain les réserves du château étaient de nouveau pleines. L'incident était oublié, les raisons expliquées. Ayden instaura tout de même un rationnement particulier pour les nobles et les rois. Personne ne fut d'accord avec ça mais ils n'avaient pas de choix. Le roi ne commettrait pas la même erreur même si maintenant les hommes de Lysaelle s'occupaient de nourrir la ville. Ayden était soupçonneux mais comment refuser tant de nourriture ? Il se contentait donc de lancer des regards noirs à la reine quand il le pouvait. La ville avait, elle aussi, bénéficié des cultures et la famine était un lointain souvenir à présent.
Cependant ce qui occupait l'esprit de la reine n'avait aucun rapport avec cela. Un seul homme était présent dans ses pensées et elle ne l'avait pas encore croisé. Elle voulait le voir et redoutait dans le même temps leur retrouvaille. Ferait-il semblant que la conversation d'hier n'avait jamais eu lieu ? Le voulait-elle ? C'est ridicule. Elle se devait de penser à autre chose. Quelque chose de plus important. Comme entraîner son armée ainsi que son pouvoir. Et être plus discrète. Si Soren avait eu des doutes, qui d'autre pouvaient en avoir ?
Ce sont lors de ces pensées qu'elle croisa, pour la première fois depuis longtemps, le roi du Tizah. Le roi Ganbaatar. Elle aurait voulu prendre la fuite mais il était trop tard. Il l'avait repéré et visiblement il souhaitait lui parler. Elle se força donc à ne pas bouger et mais ne fit preuve d'aucune avenance. Lui, en revanche, lui offrit un grand sourire qui la fit frémir. Fascinant mais terrifiant. Sans aucun doute le plus dangereux de tous les souverains. Le roi de la Torria était effacé et lâche et le roi de la Valoxie de la colère brute. Celui qui se trouvait devant elle, en revanche, avait toutes les qualités requises pour régner durablement sans aucune contestation. L'apparence ouverte, un sourire constant qui n'atteignait pourtant jamais ses yeux, une aisance au discours et une aura de grandeur. N'importe qui pouvait se laisser envoûter. Mais Lysaelle avait des siècles de vécu, elle savait résister aux personnalités les plus puissantes.
— Majesté ! Cela fait longtemps que nous ne nous sommes pas vus. Ce château est tellement grand. Bien qu'il fasse pale figure face à ma demeure, s'exclama-t-il d'une voix enjouée.
— Majesté, répondit-elle avec assez de respect pour ne pas le vexer.
Peut-être ainsi la conversation se finirait-elle plus rapidement. Cependant le roi ne semblait pas de cet avis. Il lui offrit à nouveau un grand sourire.
— Il ne me semble pas que vous m'ayez remercié d'avoir pris votre partie lorsque le roi Ayden a voulu vous renvoyer chez vous.
Sa voix n'était pas accusatrice, il semblait émettre un fait. La reine décela pourtant dans son regard une lueur qu'elle n'arriva pas à analyser. Il attendait des remerciements, elle en était certaine, rester à savoir pourquoi. De mauvaise grâce elle s'exécuta, se limitant au strict minimum. Cela sembla convenir au roi.
— Comment se passe votre séjour ? La grande bataille approche.
Il était aussi excité qu'un enfant auquel on aurait annoncé qu'un cadeau l'attendait. Étrange. Il avait sans aucun doute perdu de nombreux hommes, une partie de son armée. Pourquoi une guerre qu'ils avaient de grandes chances de perdre, l'enchantait tant ?
— Tout se passe bien, merci. J'ai hâte que tout cela soit derrière nous.
— Pourquoi donc ? C'est la guerre de notre vie qui se prépare, n'est-ce pas excitant ?
Elle se retrouva dépourvu de réplique. Si elle avait sans difficulté remarqué que son sourire était factice, son enthousiasme était bien réel.
— Nous allons sûrement mourir, répliqua Lysaelle les sourcils froncés.

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Ozavir
FantasyLysaelle, reine de Lekathos, dirige avec bienveillance son peuple coupé des autres pays. Les autres dirigeants craignent ces terres inhospitalières où vivrait, dit-on, des mages. Pourtant, le roi Orik, roi d'Arzaski, décide de demander une alliance...