Chapitre 2

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La journée était bien avancée quand les messagers arrivèrent. Depuis que l'île avait quitté le royaume, trois cents ans plus tôt, elle n'avait jamais reçu d'étrangers. Les populations du continent étaient bien trop terrifiées par les légendes qui couraient sur Lekathos et particulièrement sur sa reine. Alors, quand on vint annoncer à Lysaelle qu'un bateau étranger avait accosté, elle ne put cacher sa surprise. Le drapeau, un soleil jaune au milieu d'un fond bleu, accroché en haut du mât, indiquait un navire Arzaskien. Ce pays était le plus proche de l'île et, autrefois, le commerce était florissant entre les deux nations. Mais Lysaelle ne savait même plus qui était à sa tête.

En quelques minutes à peine, toute la ville était sur le port, tentant vainement de voir les nouveaux venus. Depuis son château, et sa vue dégagée, Lysaelle put observer le bateau avec attention. Il était grand et élégant, faisant paraître les autres navires bien misérables. Il était fait pour les voyages et non pour la pêche comme la majorité de ceux du pays. Lysaelle ne savait pas si elle s'attendait à voir le roi en personne mais elle fut quelque peu déçue quand elle vit descendre cinq personnes, à l'allure gauche. « Évidemment que le roi n'allait pas se déplacer sur l'île maudite. », pensa Lysaelle. Depuis sa chambre, elle vit les gardes accompagner les étrangers. La foule se scinda en deux à la fois subjuguée et terrifiée. La reine l'était tout autant. Quand elle perdit de vue les cinq arrivants, elle entreprit de réunir ses gardes dans la salle du trône. La pièce était certainement celle qui était le plus proche de la personnalité de Lysaelle. L'ameublement était réduit au plus utile, les portraits des anciens souverains avaient été remplacés par des toiles représentant les magnifiques paysages de Lekathos. Le trône était ce qui restait de plus prestigieux dans la pièce. Imposant, fait d'or et de velours rouge, il était aussi délicat que sa reine. On pouvait y voir une véritable faune et flore diversifiée le long des pieds, des accoudoirs mais aussi du dossier. Tout ce qui faisait de cette île, un havre de beauté.

La reine s'installa sur son trône et s'imposa de toute sa stature, prête à accueillir les étrangers. Elle ne savait pas vraiment comment s'y prendre. Devait-elle paraître enjouée ? En colère ? Elle savait qu'une réputation terrible courrait sur elle bien que la majorité soit de pures inventions. Mais peut-être était-il bon de donner raison aux commérages ? Au fond elle en voulait au royaume de les avoir abandonnés des siècles auparavant, quand ils avaient le plus besoin d'aide. Finalement elle se décida à rester le plus neutre possible. Elle ne voulait pas que ces intrus connaissent ses véritables pensées tant qu'elle ne savait pas de quoi il en retournait. C'était la meilleure stratégie à adopter. Elle sentit Andrzej, son fidèle conseillé, se placer à ses côtés, comme une ombre rassurante. Il serait là pour la soutenir et l'épauler.

Après ce qui lui parut des heures, les grandes portes de la salle du trône s'ouvrirent. Elle aperçut tout d'abord ses gardes, ouvrant la marche, puis les cinq matelots. La peur suintait par tous leurs pores. Ils avaient les yeux fuyants, la démarche mal assurée, le dos voûté. Lysaelle se demandait ce qui pouvait tant les terrifier. Elle était persuadée de n'avoir laissé traîner aucun corps.

À leur approche, elle se leva, ne pouvant tenir en place. Les étrangers la saluèrent d'une révérence mue par la peur plus que par le respect. Leurs vêtements fastueux semblaient trop lourds pour eux leur donnant un air ridicule. Elle n'arrivait même pas à compter le nombre de pierres précieuses et d'or présent sur leurs costumes. Lysaelle n'avait pas le roi devant elle, mais des proches de celui-ci, elle en était certaine à présent.

Mikolaj, qui avait accompagné les cinq hommes, s'avança.

- Majesté, les messagers du roi Orik, souverain d'Arzaski et membre du royaume d'Ozavir. Ils ont refusé de nous donner le motif de leur présence. Ils ne veulent parler qu'à vous.

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