Aucun d'eux n'eut le courage de continuer l'entraînement et ils retournèrent vers la ville en silence. Lysaelle marchait à côté de sa monture n'ayant pas eu la force de remonter. Sur le chemin du retour elle ne fit pas attention à ce qui l'entourait et ce qui l'avait tout d'abord émerveillée n'arrivait même plus à lui arracher un regard. Les deux frères étaient en retrait, observant leur reine avec inquiétude. Lech avait le visage fermé comme à son habitude mais ses émotions étaient inhabituellement en ébullition. Il repassait dans son esprit ses souvenirs anciens, ceux de sa jeunesse, quand son pouvoir était encore indomptable et terrifiant. Mais c'était il y avait plus d'un siècle, il avait oublié. Il ne pouvait comprendre réellement la souffrance de sa reine. Wik était aussi à court de solution. Son don, bien que puissant, n'était pas réellement mortel, il était surtout utile pour faire peur. De plus il n'avait jamais rencontré de problème avec ce dernier. Dès son plus jeune il en avait fait un allié pour défendre son frère et avait accepté pleinement ce don du ciel. D'un caractère posé et réfléchis, il lui était facile d'aborder son pouvoir avec pragmatisme, même étant enfant. Ils étaient donc, pour le moment, impuissants. Comme tous.
Lysaelle, elle, avait cessé de penser à la malédiction qui pesait sur elle. Elle s'était réfugiée dans les bras réconfortant d'Andrzej. S'il avait été là, il aurait pu trouver les bons mots, il l'aurait compris. Chaque jour son absence se faisait plus oppressante, comme un poids qui l'écrasait. En arrivant sur ces terres, elle était forte et assurée, sûre de son pouvoir et de sa légitimité. À présent il ne restait que son ombre, épuisée par ses nuits agitées, par la constante vigilance que demandait le fait de vivre au château. À présent, son pouvoir pompait le peu d'énergie qui lui restait. Si elle n'avait pas été reine, si elle n'avait pas un peuple guider ainsi qu'une bataille à gagner, elle aurait abandonné. Elle aurait cessé de garder la rage qui la consumait au fond de son cœur, cessé de brider son pouvoir meurtrier. Il n'y aurait eu aucune conséquence, aucune conséquence qui ne vaille la peine d'être considérée. Mais le moindre faux pas serait fatal. Alors elle continuait d'avancer, les épaules écrasées par un poids trop lourd à porter, même après trois siècles d'existence. La vie ne lui avait jamais rien épargnée. Et elle continuait à mettre sur son chemin les plus grands obstacles. Au début elle arrivait à les dépasser sans effort, c'était presque naturel. Puis les années s'étaient accumulées, pour se transformer en siècles. Il avait été de plus en plus difficile de faire face, elle était éreintée. La course était trop dure, trop longue.
Elle en était à présent certaine, seule, elle perdrait sa propre bataille. Problème c'est qu'elle n'avait personne pouvant lui apporter soutient morale et physique. Loin d'Andrzej, elle était comme une petite fille perdue.
Enfin, ils arrivèrent au niveau des premières maisons. Ils n'étaient partis qu'une heure mais le soleil brillait désormais haut dans le ciel, l'heure du repas largement dépassée. Elle sentit son ventre gronder mais elle n'avait pas l'esprit à manger. Elle était d'ailleurs si loin de la réalité que Wik et Lech durent l'apostropher à plusieurs reprises pour l'empêcher d'avancer plus loin. Il leur restait encore quelques minutes avant d'atteindre le centre de la ville.
— Regardez !
Wik indiquait un point, en face d'eux. Une colonne de fumée pour être exacte. C'est à ce moment que l'odeur les assaillit. L'odeur nauséabonde de chair qui brûlait. Wik et Lech restèrent sans voix ne sachant pas comment réagir. Lysaelle était soudainement sorti de son état de transe. Elle enfourcha d'un mouvement souple sa monture et s'élança à vive allure vers le centre-ville. Elle n'attendit pas que les deux frères la suivent. Elle n'était pas stupide au point de se jeter dans la mêlée mais elle souhaitait s'approcher afin de découvrir ce qu'il se passait. Elle savait déjà que les révoltes de paysans avaient pris une ampleur auquel personne ne s'attendait. Il ne restait plus qu'à voir jusqu'où allaient les dégâts. Les rues étaient vides. Où étaient-ils tous ?
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Ozavir
FantasyLysaelle, reine de Lekathos, dirige avec bienveillance son peuple coupé des autres pays. Les autres dirigeants craignent ces terres inhospitalières où vivrait, dit-on, des mages. Pourtant, le roi Orik, roi d'Arzaski, décide de demander une alliance...