Chapitre 19

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C'était pour le moment des cris de rage au milieu de quelques cris de douleur. Les gardes avaient dû intervenir pour remettre de l'ordre. Cependant la reine doutait que cela suffise à calmer le gronde. Quand le peuple avait faim, il était prêt à tout, même à mourir. Ils étaient, de toute façon, déjà aux portes de la fin. Elle sentit la tension monter dans les rues, les habitants rentraient chez eux en hâte afin de se protéger mais aussi de protéger leur nourriture. En temps de crise, c'était chacun pour soi. Ces pauvres paysans ne pourraient compter sur la générosité de personne.

Elle se refusa à retourner dans la rue principale, elle redoutait que sa présence n'enflamme la situation. Nul ne savait ce qui pourrait se passer dans leur esprit, les histoires sur son peuple étaient nombreuses et l'une d'elles devait sans aucun doute expliquer la soudaine pénurie.

Elle prit la bride de son cheval et continua à avancer à pied, balayant du regard la jeté. Les bateaux, de ce côté, étaient plus petits et moins nombreux. Certains semblaient même ne pas avoir servi depuis plusieurs années. Il y avait quelques marins à la peau basanée et aux cheveux blanchis par le soleil, les enfants courraient sur les différents pontons en riant. Tout en cherchant les deux frères, la reine laissa son regard se perdre à l'horizon sans nuage. L'air marin avait une odeur différente ici. Le poisson frais ne saturait pas l'air et la douce brise était moins agressive. Tout était aussi bien plus propre, même en s'éloignant dans pontons principaux.

Alors qu'elle arrivait à la fin du port et qu'une immense plage de sable fin prenait place, elle repéra les deux frères. Ils étaient à quelques mètres, les pieds dans l'eau, le regard tourné vers l'horizon. Lysaelle resta un moment à les observer sans oser s'approcher. De dos, ils avaient la même carrure et il aurait été difficile de les différencier. S'ils n'étaient pas jumeaux, ils portaient des traits très semblables. Leur stature était plus grande qu'imposant, comme la majorité des habitants de l'île. Leurs cheveux noirs, qu'ils portaient cours, étaient aussi un trait à Lekathos. La reine les avait recrutés alors qu'ils n'étaient âgés que de dix ans, après la mort de leurs parents. Déjà ils avaient montré des pouvoirs extraordinaires. Il leur était interdit de les utiliser sans l'accord de la reine mais au fil des années, elle avait pu voir leur évolution. Ils avaient appris à développer leurs capacités sans que jamais ils ne se laissent déborder. Pourtant, après presque un siècle aux côtés de la reine, elle ne les avait jamais vraiment connus. Ils avaient fait le choix de se mettre en retrait sans jamais qu'elle ne se demande pourquoi.

Elle attacha son cheval à un poteau de bois et s'approcha du sable. Il était bien plus blanc que celui que l'on pouvait trouver sur son île, souvent noir à cause des roches. Ses pieds s'enfonçaient en silence pourtant à peine avait-elle fait quelques pas que Wik se tourna vers elle. Ce dernier était reconnaissable à ses traits plus prononcés et moins fins que ceux de son frère. Il était aussi le plus âgé et portait la barbe. La reine crut déceler dans son regard une lueur de surprise. Il la laissa s'approcher sans impatience. Quand elle fut à leur hauteur, Lech se décida à se détourner. Il portait la jeunesse sur ses traits malgré son siècle. Son visage, fin et imberbe, laisser transparaître une fausse naïveté. Elle l'avait toujours trouvé étrange et distant mais à bien y réfléchir elle lui ressemblait bien plus qu'elle ne voulait l'avouer. Il était étrange d'avoir un tel reflet en face de soi, elle décelait ses propres défauts et failles.

— En quoi pouvons-nous vous aider, majesté ? demanda Wik avec curiosité.

Elle ne savait pas comment aborder le sujet, quémander de l'aide n'était pas dans sa nature. Wik avait pourtant le regard bienveillant et il attendait en silence sans jugement. Lech était plus dur sans pour autant être désagréable.

— Comment faites-vous pour maîtriser vos pouvoirs ? finit-elle par demander d'un souffle.

Voilà, c'était dit. Elle s'attendait à des éclats de rire, ou à un sourire moqueur. Elle avait tort. Ils s'adoucirent malgré leur surprise et lui offrirent des sourires bienveillants.

OzavirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant