Ozavir

Chapitre 23

Ce jour-là, le soleil brillait, comme tous les jours, haut dans le ciel. Comme régulièrement, le peuple avait fait quelques vagues rapidement contenues. Ce qui rendit ce jour différent fut la terreur qui s'empara du château quand on constata que les réserves étaient épuisées. La reine s'en rendit compte quand elle vit le plat de son premier repas seulement composé d'un bout de pain et d'une soupe majoritairement fait d'eau. Elle interrogea Anyla du regard qui se retrouva incapable d'aligner deux mots. Il n'y avait pourtant pas grand-chose à expliquer. La famine s'emparait du château. Si elle-même n'avait pu avoir qu'un seul bout de pain et de l'eau aromatisée, qu'avaient mangés tous les domestiques du château ? Comment pouvait-il y avoir un tel revirement en une seule nuit ? Il y avait beaucoup de questions mais il était facile de trouver les réponses. Le roi, dans son éternelle inconscience, avait épuisé chaque grain de la réserve sans se préoccuper de ce qu'il adviendrait après.

Et nous y étions.

Il restait un mois avant la grande bataille, un mois sans manger, c'était inconcevable. Ils perdraient la moitié, si ce n'était l'intégralité, de leur armée. Ce matin, elle décida de laisser sa nourriture à Anyla qui s'empressa de la remercier mille fois. Lysaelle ne s'attarda pas plus longtemps et alla quérir le roi sans attendre. Sur le chemin elle croisa Mikolaj et Lyan, les messagers de toute son armée. Ils avaient la même question sur les lèvres : « que se passait-il ? ».

Une fois les portes de la salle du trône dans son champ de vision, la reine marcha d'un pas assuré et ne se laissa pas arrêter par les deux gardes qui étaient en faction. Mikolaj et Lyan, qui les immobilisèrent, lui furent d'une grande aide. Elle entra ainsi dans la salle, la colère au ventre, prête à faire éclater sa rage. Pourtant le spectacle qui s'offrit à elle la stoppa. Le roi, le jeune Ayden, était assis sur le trône, la tête baissée, sa couronne de pierres posé sur le siège à côté qui était autrefois le sien. Soren était là lui aussi, debout, les yeux baissés. Lysaelle laissa planer un silence, lourd, poisseux.

— Allez-y. Dites ce que vous pensez. Dites que vous m'aviez prévenue, que vous aviez raison. Que par ma faute non seulement nous allons perdre la guerre mais mon peuple va mourir avant même que cette guerre n'arrive à nous. Je viens de faciliter le travail de nos ennemis.

La voix du roi était brisée. Sur le terrain d'entraînement les fêlures du roi lui avaient offert une rage dévastatrice. À présent que le verre était brisé, il ne restait que l'abattement. L'abandon. Elle avait toujours en tête le magnifique discours qu'elle était prête à lui sortir sur toutes les raisons qui faisaient de lui un roi indigne. Mais ce sont d'autres paroles qui sortirent de sa bouche :

— Je vous interdis d'abandonner, dit-elle d'une voix forte et ferme.

Les regards se tournèrent vers elle. Le roi releva la tête. Il y eut un instant de battement avant qu'il n'éclate de rire. Un rire sans joie, un rire plein de sarcasme et de délire.

— Vous, vous m'interdisez ? Elle bonne celle-là.

Il se calma instantanément. Habituellement, après de telles paroles, il aurait retrouvé son regard hautain, sa superbe de prince choyé. Mais une fois l'hystérie passée, il ne resta que la défaite.

— Où est passé le prince arrogant et prêt à relever tous les défis que j'ai rencontrés ? demanda la reine décidant d'aborder le problème d'une nouvelle manière.

Elle doutait que ses paroles puissent avoir un réel effet sur lui. Soren avait visiblement déjà tenté de raisonner son ami sans que cela ne donne de résultat. Mais Soren était trop proche du roi pour le secouer. Ayden avait besoin d'un électrochoc. De quelqu'un qui le réveille. Et qui de mieux que la personne qu'il semblait détester le plus en ce monde ? N'ayant aucune réaction, elle continua :