Chapitre 15

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Le réveil fut difficile. La bouche pâteuse, les sens engourdis, elle mit du temps à comprendre qu'elle était allongée en travers de son lit, encore habillée. Elle émergea avec difficulté du cauchemar qui semblait vouloir la garder à ses côtés. Même sans aucun souvenir de ce dernier, un sentiment de colère et de peur l'habitait encore. Elle se releva en grimaçant avant de se rendre compte que, dehors, régnait la nuit. Combien de temps avait-elle dormi ? Au clair de la lune elle put apercevoir un plateau-repas sur sa console. Elle s'approcha. Froid. Elle mordit tout de même dans le pain et les fruits. Son ventre, vide, l'en remercia. Déconcertée de se réveiller en pleine nuit, elle observa la lune et les étoiles. Le ciel dégagé offrait une vue splendide. Elle n'avait pourtant pas l'esprit à cela. Ses pensées étaient encore plongées dans son subconscient.

Elle avait la désagréable impression que son pouvoir tapait contre son crâne, souhaitant être libéré. Elle était surprise de le voir si proche de la surface après tant d'années refoulée. Curieuse, elle tâtonna dans son esprit. Elle le découvrit à l'orée de ses barrières mentales. Il attendait, impatient. Il n'y avait pourtant pas d'esprit à proximité pour qu'il puisse être libéré. Soudain une idée lui vint. Peut-être était-ce là un entraînement raisonnable. Cela lui permettrait de renouer avec son don sans mettre en danger la vie d'autrui.

Sa fatigue disparue complètement pour laisser ses sens en alerte. Elle ferma les yeux et fit le vide. Son cœur ralenti, sa respiration se fit plus ténue. Et elle ouvrit son esprit. Tout d'abord elle ne rencontra autour d'elle que le vide. Personne n'était dans ses appartements, ni dans le couloir. Elle se força donc à voir plus loin, à étirer sa perception. Le silence était toujours total. C'en était presque terrifiant d'entendre pour seul bruit son propre cœur. Lysaelle fronça les sourcils sous la concentration, un mal de tête commençait à poindre. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas fourni un effort aussi intense et son esprit le lui rappelait. Il n'aimait pas être sollicité avec tant de force si soudainement. Pourtant Lysaelle était enivré par la possibilité de toucher un autre esprit. Elle poussa donc plus loin, dépassa les couloirs les plus proches. Si se déplacer dans ces derniers était compliqué, se projeter derrière les portes closes était pratiquement impossible. Quelque chose la bloquait. Était-ce parce qu'elle ne savait pas à quoi ressemblaient les lieux ? Ou bien un matériau bloquait-il ses capacités ? Elle n'avait pas le souvenir d'avoir eu de telles contraintes autrefois. Mais comme tout muscle, à force d'inactivité, il devenait plus faible.

Quand elle sentit son esprit se rompre comme un élastique, elle s'effondra à terre, des larmes de douleurs coulant sur ses joues. Elle était allée trop loin, trop vite. Elle resta un long moment sans bouger, rassemblant morceaux par morceaux son esprit fragmenté. Sous la pression, il avait éclaté. Elle retrouva d'abord son ouïe et pu entendre sa respiration sifflante, hachée, comme après un long combat. Puis vint la vue et elle redécouvrit la moquette. Enfin elle sentit le sol sous elle, dur et doux à la fois. Il lui fallut encore plus de temps pour trouver assez de force pour se redresser. Sa tête tourna un instant, mélangeant le haut et le bas, lui donnant des haut-le-cœur. Jamais elle n'avait ressenti un tel écrasement. Mais jamais elle n'avait poussé son pouvoir si loin. Ses – trop nombreuses – victimes s'étaient toujours trouvées à quelques mètres d'elle.

Elle se maintint à sa console un instant, ses jambes tremblant sous son poids avant de ramper jusqu'à son lit. Elle regrettait amèrement d'avoir surestimé sa résistance. Elle était partie pour avoir un mal de tête dévastateur pour de longues heures sans compter, qu'à présent qu'il avait goûté à la liberté, son pouvoir souhaitait sortir. Elle l'enferma sous des couches de volontés. Elle ne pourrait pas retenter l'expérience avant un moment. Ce qui n'était pas plus mal.

Elle se glissa sous les couvertures et profita de la chaleur. S'endormir dans de telles circonstances serait impossible elle profita donc de simplement fermer les yeux et sentir le moelleux du matelas.

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