CHAPITRE DIX

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       Le lendemain, on peut se lever plus tard, étant donné que nous sommes jeudi. Comme les mardis après-midis, la classe était divisée en trois groupes pour les travaux pratiques de sciences, et le mien commençait à onze heures. On se met à table pour le petit-déjeuner, en riant et en mettant de la musique. Nous ne sommes que tous les deux, mes parents et mon frère étant déjà partis pour leur journée. Alors qu'on finit de débarrasser la table, je regarde Robin, en me posant des questions sur tout ce que je ne sais pas sur lui.

       On s'entendait bien, on se confiait... Ou du moins, je me confiais. Peut-être trop. Quand arrivait son tour de faire des confidences, il avait tendance à se renfermer. Et je n'insistais pas. Je ne voulais pas le mettre mal à l'aise ou le braquer totalement, gâchant notre fragile complicité. Je dois l'observer un peu trop fixement, parce qu'il relève la tête et me demande :

       -Qu'est-ce qu'il y a ?

       -Rien, dis-je en détournant les yeux et en rougissant.

       -Louise ? Si tu rougis, c'est qu'il y a quelque chose.

      Je souris malgré moi. Il commençait à me connaître, après ces trois jours passés à mes côtés. Mais c'était réciproque, et je savais qu'il était inutile de lui poser des questions personnelles, surtout aussi tôt le matin. Ça ne servirait qu'à l'énerver, ou le blesser. Et je ne souhaitais aucune de ces deux situations.

       -Non rien, vraiment.

       -Louise, c'est bon !

       -Je me posais juste des questions, avouai-je en voyant son obstination.

       -Bah dis-moi.

       -Non, ce n'est pas important.

       -Louise t'es chiante, sourit-il, c'est bon lâche le morceau !

       Je le regarde, choisis ma question et me lance :

       -Pourquoi tu sèches aussi souvent les cours ?

       Autant commencer par une facile. Robin m'intriguait, surtout depuis le début de la semaine. Je pensais savoir qui il était, grâce à ce que j'avais vu de lui depuis le début de l'année. Mais le garçon que je découvrais était totalement différent de celui que je m'étais imaginée. Je voulais le comprendre, mais plus j'essayais, plus les interrogations étaient nombreuses.

       -Parce que j'ai la flemme d'y aller, réplique-t-il. Je n'aime pas le lycée.

       -Ah ouais ? Bah comme tout le monde figure-toi ! riai-je.

       -Mais toi tu as tes amis, et même si ça te fais chier d'aller en cours, tu y vas parce que tu sais que c'est ce qu'il faut pour pouvoir dresser tes projets d'avenir.

       Je suis déboussolée face à sa réponse. Il me répondait sincèrement, et je ne pus m'empêcher de profiter de l'instant pour tenter d'en savoir plus sur lui.

       -Euh... oui ? Enfin, toi aussi tu as des amis et un projet d'avenir, non ?

       -Tu parles. Je connais pleins de gens, mais il n'y en a vraiment pas beaucoup qui me connaissent. Enfin, qui me connaissent vraiment je veux dire. Et ceux pour qui c'est le cas, je me comporte mal avec eux.

       -Pourquoi ?

       -Parce que... je ne sais pas, laisse tomber.

       Il s'apprêtait à se confier, mais s'est braqué au dernier moment. Il range la brioche et referme brusquement le tiroir. Je pensais qu'il voudrait changer de sujet. Pourtant quand il dirige son regard vers moi, il continue :

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