CHAPITRE CINQUANTE-DEUX

14 3 1
                                    

       La porte de la chambre de Robin est entrouverte. Je la pousse délicatement. Il est assis sur le bord de son lit, et lève les yeux vers moi.

       -Je peux entrer ?

       Il hoche la tête, puis baisse les yeux, comme s'il n'osait pas me regarder. Je ferme la porte derrière moi et m'avance. Je me retrouve devant lui, mais il continue à fixer le vide. Je l'appelle doucement en prenant son menton entre mes doigts pour lever son visage vers moi.

       -Robin...?

       Il me regarde et soupire.

       -Eh, on a dit qu'on se parlait pour que ça marche. Alors parle-moi.

       Il prend mes mains dans les siennes et m'attire à lui. Je titube, surprise, mais il me stabilise en passant ses bras autour de ma taille et en posant son visage sur mon ventre. Je lui caresse tendrement les cheveux, attendant qu'il soit prêt à parler.

       Mais il se met à pleurer avant qu'un mot ne sorte de sa bouche. Je veux me baisser pour être à son niveau, mais il croit probablement que je veux m'écarter car il me serre davantage contre lui. Je m'assois alors simplement sur ses genoux, et il enfouit sa tête dans mon cou.

       -Il me manque tellement, murmure-t-il une fois sa crise de larmes passée.

       -Je sais, c'est normal...

       -Parfois, il y a des souvenirs qui me reviennent à l'esprit. Quand on jouait au foot ensemble dans le jardin, quand on regardait la télé le dimanche matin en attendant que Maman se lève, la fois où il m'avait emmené au cinéma le jour de mes sept ans, une fois où il était resté à la maison parce que j'étais malade... Des trucs tellement simples. Et même s'ils me font mal, même si une putain de douleur me serre le ventre quand j'y repense, ces souvenirs me paraissent extrêmement précieux et importants.

       Je le serre contre moi, une main dans ses cheveux et l'autre dans son dos, tentant de le calmer, de le rassurer.

       -Je ne voulais pas pleurer.

       Sa phrase sort si brusquement que je ne la comprends pas tout de suite.

      -Tu as le droit de pleurer ! protestai-je. Tu es un être humain, avec des sentiments. C'est normal.

       -Je voulais qu'il soit fier de moi. Et pour ça je ne dois pas être faible.

       Je me recule et prends son visage en coupe entre mes deux mains, m'assurant qu'il me regarde dans les yeux. Ce que j'ai à lui dire est important, et je veux qu'il le comprenne. Qu'il l'intègre, pour enfin aller mieux. S'il reste persuadé que pleurer est un signe de faiblesse, et qu'il ne trouve pas un autre moyen d'évacuer sa tristesse et sa colère, il aura encore beaucoup trop de mal à avancer.

       -Pleurer ne fait pas de toi quelqu'un de faible. Ça montre simplement que tu as été fort trop longtemps.

       Je caresse doucement sa joue avant de reprendre :

       -Je suis sûre qu'il est fier de toi. En tout cas, il voudrait que tu sois heureux.

       -Je le suis avec toi, lance-t-il aussitôt.

       Il pose doucement ses lèvres sur les miennes, puis murmure :

       -Merci.

       -Tu n'as pas à me remercier. Je suis là pour toi.

       -Je t'aime.

       Il le dit avec tant de sincérité que je me sens fondre dans ses bras.

L'ExpérienceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant