Chapitre VI

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— Capitaine ! Capitaine, ouvrez les yeux !

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— Capitaine ! Capitaine, ouvrez les yeux !

L'elfe sigrelien avait du sable plein les visage et son corps entier lui était douloureux. Lorsqu'il ouvrit les yeux, le corps d'abord flou d'une elfe à la peau noire était penché sur lui. Il l'avait reconnue rien qu'à la voix.

— Vous êtes vivant ! s'exclama Asmaelle, soulagée.

La vue du capitaine devint de plus en plus claire et il put enfin se rendre compte de leur situation. Le netsu, haut dans le ciel, faisait office de four. Face à lui, l'océan à perte de vue. Ils se trouvaient sur une crique cernée par des falaises plus hautes que n'importe quel arbre, sans possibilité immédiate de quitter cet endroit.

Kay se releva, se rappelant de ce qui s'était passé avant qu'il ne tombe à l'eau. Il semblait n'avoir eu aucune blessure. C'était un miracle. Il considéra enfin Asmaelle, qui lui avait laissé le temps de reprendre ses esprits, s'inquiétant soudainement si elle était indemne. Malgré quelques écorchures, elle aussi avait été épargnée par la chute.

— Vous allez bien ? lui demanda-t-elle.

— Bien. Et vous ?

— Comme vous. Le courant a dû nous mener jusqu'ici. Je me suis réveillée échouée sur ce côté de la plage et je vous ai trouvé à l'autre bout, par là-bas. Vous étiez à deux doigts de vous faire prendre par la marée alors je vous ai tiré plus haut sur le sable. J'ai cru que vous alliez mourir.

— Je l'ai cru aussi. Où sommes-nous ?

— Je ne sais pas du tout. Je ne reconnais rien. Je ne pense pas que nous soyons sur l'île.

Le capitaine regarda autour de lui nerveusement, se rendant compte qu'il manquait quelqu'un à l'appel.

— Sarya. Où est-elle ?

Asmaelle haussa les épaules, le regard compatissant. Cela non plus, elle n'en savait rien.

— Elle doit forcément être ici, prononça-t-il. Elle a chuté avec nous, si nous avons été ramenés tous les deux au même endroit par le courant, elle ne devrait pas être loin.

Kay se dirigea vers le bord de l'eau, déterminé à retrouver sa commandante.

— Asmaelle, vous longez la plage. Faites plusieurs aller-retour si besoin. Je m'occupe de chercher dans l'eau. Si vous la trouvez, criez.

Sans tarder, le capitaine courut puis plongea dans l'océan. Asmaelle exécuta les ordres du capitaine sans rechigner. Seulement, elle avait ce terrible sentiment qu'ils ne la trouveront pas, et si c'était le cas, qu'ils ne la retrouveraient pas vivante.

°°°

Le temps passait et Asamelle avait déjà longé trois fois la plage sans rien trouver. Le capitaine était encore dans l'eau. Asmaelle dû s'assurer plusieurs fois qu'il nageait encore et qu'il n'avait pas péri d'une noyade. A chaque fois qu'elle l'observait, elle voyait en lui que le désespoir et la frustration le gagnaient petit à petit.

— Je longe une dernière fois et ensuite je m'arrête, s'était dit Asmaelle qui n'avait plus aucun espoir de retrouver la commandante.

Elle croisa encore une fois cette énorme méduse violette et dorée échouée, de jolis galets translucides et plats, ainsi qu'une branche de bois qui flottait sur le bord de mer. Rien n'avait changé des précédentes fois où elle était passée par là. En revanche, ce qu'elle vit ensuite était nouveau. Elle s'étonna de ne pas l'avoir vu les fois d'avant. Il y avait cette chose étrange qui allait et venait au gré des vagues. Asmaelle s'approcha davantage et remarqua que l'objet était entouré d'un tissu sombre déchiré ici et là. Elle avait un mauvais pressentiment mais tira tout de même le tissu pour prendre connaissance de l'objet. Le cri d'Asmaelle arriva jusqu'aux oreilles du capitaine.

— Capitaine !

Il nagea le plus vite possible pour regagner la terre. Épuisé, il usa de ses dernières forces pour retrouver Asmaelle à genoux et dos à lui. Elle semblait regarder quelque chose sur le sol. Il la contourna et vit la cause de son effroi. C'était un avant bras déchiqueté par des dents acérées. Le capitaine reconnut immédiatement le tissu qui recouvrait le bras. Il portait le même sur lui.

Il tomba à genoux aux côtés d'Asmaelle, les yeux remplis de larmes. Il n'y avait aucun doute, Sarya était morte et probablement dévorée par une bête marine.

— C'est de ma faute, murmura-t-il.

— Je suis vraiment désolée.

Alors qu'Asmaelle tendit sa main pour la déposer sur celle du capitaine, celui-ci se releva immédiatement, donnant un coup de pied dans le sable.

— Putain de merde ! fulmina-t-il. Vous pouvez être contente Asmaelle, la colère d'Ophara vient de nous tomber sur les épaules.

Le capitaine avait les mains dirigées vers le ciel tandis qu'Asmaelle leva la tête dans sa direction, les sourcils froncés.

— Je n'ai jamais souhaité qu'une telle chose arrive. Il faut être un monstre pour souhaiter la mort de quelqu'un.

— Je n'aurai jamais dû vous défendre.

Kay tourna la tête pour observer le visage d'Asmaelle. Il ne ressentait que de la rage à son égard. Elle crut qu'il allait se jeter sur elle pour lui ôter la vie. Au lieu de cela, il se pencha pour prendre ce qu'il restait du bras de Sarya et s'éloigna plus loin sur la plage. Asmaelle ne l'avait pas suivi et l'avait laissé seul un long moment, tout en observant chacun de ses mouvements. Le capitaine avait construit un petit autel plus haut sur la plage à l'aide de plusieurs galets sur lequel il avait déposé le bras de Sarya. Il avait ensuite fait appel à sa magie pour que le bras prenne feu. Le capitaine s'était assis en tailleur face à l'autel, les mains sur ses genoux et les yeux fermés.

Asmaelle repensa soudainement aux funérailles de Sakeil et la douleur de perdre l'un des siens. Elle se remémora qu'elle aurait souhaité que les sigreliens, et notamment Kay, éprouvent plus de respect à l'égard de leurs souffrances. Prise par un élan de compassion, elle s'approcha de l'autel en galet et s'assit à quelques pas à côté du capitaine. Ce dernier n'avait pas bronché en sa présence.

Il avait les yeux clos et les mains posées sur ses genoux, face au ciel. Des vibrations graves provenaient de sa gorge. Il semblait fredonner une chanson inconnue aux oreilles d'Asmaelle. Elle aurait aimé pouvoir chanter avec lui au moment où elle entendit les premiers mots de cette chanson mélancolique.

— Au creux de ma main, ta poussière. Déposée là-bas, dans la terre. Le vent souffle sur ton visage clos, essuyant les larmes sur ma peau. Au feu ardent, tu renaîtras, car sigrelien, pour toujours, tu seras.

Le capitaine termina la chanson dans d'ultimes fredonnements, donnant à Asmaelle un énième frisson. Cette mélodie était aussi triste que sombre, exprimant la même puissance que les guerriers sigreliens ont montré depuis leur arrivée. Savoir que ces êtres, pourtant si opposés aux habitants de l'île, chantaient également pour les morts était rassurant. Il y avait tout de même de la douceur au milieu de leurs agissements souvent abrupts.

La Vengeance Des DéchusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant