La Vengeance Des Déchus

Chapitre XI (partie 2)

Asmaelle quittait peu à peu le port pour retrouver le chahut de la ville. La scène qui se trouvait ensuite face à elle était aussi effrayante que fascinante. Grâce à Kay, elle savait que sur Ophara, les elfes n'étaient pas les seuls créatures à y vivre. Aujourd'hui était le jour où les brèves descriptions de Kay se matérialisaient. Asmaelle se trouvait au milieu d'une rue passante où une multitude des créatures s'y mélangeaient. Il y avait des espèces de toutes petites tailles, avec de grands yeux et tous avaient les cheveux longs, qu'ils soient mâles ou femelles. Cela devaient être les grumps.

D'autres étaient bien plus grands qu'elle, parfois le double de sa taille. Kay les avait nommés les altas. Enfin, les créatures les plus étranges, les falenys. Leur enveloppe corporelle était exactement comme l'avait expliqué Kay. Ils étaient faits de bois, de feuilles et d'écailles vertes. Leurs oreilles étaient pointues comme celles des elfes, leurs yeux étaient larges comme ceux des grumps et leurs jambes étaient longues et élancées comme celles des altas. Les falenys avaient quelque chose de différent des autres créatures, c'était un sentiment qu'Asmaelle ne pouvait expliquer mais qui était pourtant bien présent.

Elle avait l'impression d'être une enfant qui découvrait le monde pour la première fois. Tout paraissait chaotique et tout à fait équilibré à la fois. Ce monde ne ressemblait en rien au sien. Il était bien plus vivant et diversifié. La curiosité l'emporta et Asmaelle se laissa entraîner par la foule. Cette fois-ci, elle était invisible. Personne ne se souciait vraiment de ses vêtements trempés ou de son air perdu. Chacun avait l'air affairé à une tâche plus importante que de se préoccuper de sa présence.

Il y avait partout autour d'eux des commerces et des rues qui menaient à d'autres rues, qui elles-mêmes menaient à d'autres rues, comme un labyrinthe sans échappatoire. On pouvait sentir une multitude d'odeurs plus ou moins agréables. Des odeurs de fleurs, d'épices, de sueur et de poisson traversaient les narines d'Asmaelle dans des ordres aléatoires. Sur le sol, les chemins étaient en pavés et bordés par de grands appartements en pierres couleur terre.

Brusquement, la foule dans laquelle elle s'était immergée s'écarta sur les bords de la route. Asmaelle fit rapidement de même. Elle fut bousculée par un groupe d'enfants grumps qui se penchaient pour voir arriver la troisième troupe elfique sigrelienne. Elle les reconnut rapidement. L'énergie que renvoyait la troupe sur l'île était de nouveau présente, ici-même à Rovell. Les guerriers sigreliens traversaient le centre-ville pour retrouver la base militaire. Asmaelle tenta de se cacher derrières des elfes de sa taille pour ne pas être reconnue, lorsqu'elle aperçut le capitaine marcher parmi ses guerriers. Il avait le regard dans le vide et semblait pensif. Il se confondait avec les autres, comme si son grade n'avait plus d'importance.

— Kay ! cria Asmaelle parmi les bruits de la foule. Kay !

Au dernier moment, le capitaine tourna la tête et ses yeux bleus croisèrent ceux d'Asmaelle. Son visage se décomposa pour se détendre ensuite. Il semblait surpris et inquiet de la voir ici, avec les autres sigreliens. Malheureusement, Kay ne pouvait pas quitter les rangs pour la rejoindre. Dépourvu de solutions, il lui indiqua, d'un coup de tête, de le suivre. Asmaelle ne le quitta pas des yeux et le suivit en traversant la foule trop occupée à observer la troupe avec fascination.

— J'y crois pas, la sale fouine est de retour !

Une elfe vêtue d'une longue robe verte au décolleté plongeant venait de sortir d'une auberge, juste derrière Asmaelle. Elle avait de longs cheveux noirs bouclés et ses yeux étaient aussi bleus que le ciel. Ce ne fut que lorsqu'elle prononça le nom du capitaine que celui-ci la remarqua.

— Viens me dire bonjour, voyons !

C'était une chance presque trop belle pour le croire. Il avait une excuse pour quitter les rangs. Il rejoignit l'elfe à la robe verte tout en ayant vue sur Asmaelle du coin de l'œil qui se trouvait non loin de ces derniers.