La Vengeance Des Déchus

Chapitre VI (partie 2)

Kay ouvrit les yeux tout en ignorant la présence non lointaine d'Asmaelle. Il décroisa ses jambes et se mit à genoux, puis entra dans une profonde concentration en fermant les yeux une seconde fois. Les flammes qui enveloppaient le bras de Sarya jaillirent de plus belle et se dressèrent au-dessus de leur tête. Au contact de la chaleur du feu, Asmaelle dû prendre sur elle pour faire partir les images du corps de Sakeil enflammé.

Le capitaine était resté dans la même position jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien du membre. D'un seul coup, les flammes s'éteignirent et les yeux de Kay s'ouvrirent. Il se redressa et avança en direction d'Asmaelle. Cette dernière, assise en tailleur sur le sable et toujours à une distance raisonnable, avait le regard vers l'horizon. Lorsqu'il arriva à sa hauteur, elle se leva à son tour. L'expression du capitaine montrait une fermeté et une froideur qu'elle n'avait jamais vu en lui. C'était à se demander s'il allait retrouver son fameux sourire un jour.

— Sarya est morte et c'est en partie de ma faute, je l'admets. Si un de guerriers l'apprend ou pire encore les Gouverneurs, je suis un elfe mort, prononça-t-il d'une seule traite.

— Un elfe mort ? Mais vous ne l'avez pas tuée, et encore moins délibérément.

— J'ai usé de la Varaszla contre ma commandante et ça l'a tuée. Comment pensez-vous que les Gouverneurs le prendront ?

— Les Gouverneurs, ce sont vos dirigeants, c'est bien ça ? En leur expliquant avec honnêteté ce qu'il s'est passé, ils pourront peut-être se montrer cléments.

Kay pouffa.

— Les Gouverneurs sont justes, pas cléments. La vérité est la suivante. J'ai désobéi aux ordres de ma commande, j'ai défendu une elfe d'un clan qui n'est pas le mien en utilisant la magie et Sarya en est morte. En plus de tout cela, j'ai dévoilé la vérité sur l'argy et la Varaszla. Je suis complètement fichu, Asmaelle.

Elle baissa la tête, ne sachant plus quoi lui répondre. Il était fichu. Elle, que risquait-elle ? Est-ce que les Gouverneurs allaient la tuer elle aussi pour connaître la vérité ? Ou est-ce que les Donas les en empêcheront ? Seulement, dans ce cas-là, quelle punition l'attendait ? Jamais elle n'avait vu de ses propres yeux un habitant de l'île se faire punir. Elle avait seulement un vague souvenir d'un couple d'elfes qui s'étaient rebellés contre les Donas alors qu'elle était encore enfant. Le lendemain, elle ne les avait plus jamais revus. Personne n'avait jamais abordé le sujet alors elle avait fait comme tout le monde, elle était passée à autre chose.

— Je veux vous proposer un marché, soumit-il. Vous ne dites pas un mot sur ce qui s'est réellement passé. A personne. Même pas à ceux en qui vous avez le plus confiance. La seule chose dont vous pourrez parler sera l'histoire que je vous dirai de raconter.

— Vous voulez que je mente en échange de quoi ?

— Je vous promets que je vous libérerai de cette île et que vous n'y retournerez plus jamais.

Asmaelle entendit son cœur battre jusqu'à ses oreilles pointues. Elle ne pouvait y croire. Le capitaine venait de lui proposer l'impensable.

— Vous avez eu le temps de réfléchir à tout cela à quel moment ? lui demanda-t-elle.

— Dans ces conditions, il faut savoir penser bien et vite. Sarya est morte et je ne peux plus rien pour elle à présent. Si vous suivez ce marché à la lettre, elle aura droit à un rite funéraire digne d'une cheffe telle qu'elle et nos vies seront sauvées. Tout le monde y gagne.

Ce que lui racontait le capitaine la consternait. Il n'y a pas si longtemps, il pleurait à genoux sur le membre dépouillé de Sarya. Maintenant, il ne pensait qu'à sauver sa peau.