Asmaelle a toujours vécu paisiblement sur l'Île aux Algues, jusqu'au jour où une mystérieuse et violente tempête vint frapper l'île toute entière. Il aura suffit que la nature et un elfe au caractère bien trempé au nom de Kay s'en mêlent pour change...
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Il y a quatre jours de cela, l'Île aux Algues a vécu ce qui devait être la pire nuit de son existence et Asmaelle en avait subi les conséquences. Le vent avait soufflé sans pitié et la pluie avait fouetté tout ce qui avait le malheur d'être sur son passage. La tempête était venue brutalement et aucun signe n'avait prévenu son arrivée. C'était certains, Ophara était en colère et tout le monde se demandait ce qui avait bien pu la contrarier à ce point.
Asmaelle ramassait l'énième branche de palmier à ses pieds. Il faisait une chaleur insupportable et l'humidité de l'air venait s'ajouter à sa transpiration. Le sable, habituellement doux et sec, lui irritait la plante des pieds et le netsu enflammait sa peau noire. Elle releva la tête un instant pour reprendre son souffle. Les cabanes ne possédaient plus de toit, la plage était jonchée de palmiers fendus, de planches de bois qui servaient avant de murs et de quelques animaux morts. Elle avait peine à croire que tout cela était réel.
Durant la tempête, la grotte avait été le seul refuge pour les habitants de l'île. Malheureusement, avant de pouvoir s'abriter, nombreux ont été blessés et certains ont frôlé la mort de justesse. Le lendemain, peu étaient capables d'aider à remettre en ordre la pagaille que la tempête avait provoquée. Asmaelle faisait partie de ces chanceux qui pouvaient encore utiliser leurs quatre membres. A eux seuls, il leur faudra près d'une demie saison pour reconstruire tout ce qui a été détruit. D'autant plus que la saison bleue approchait et qu'il était plus que nécessaire d'avoir un abri pour se protéger des prochaines pluies.
Ainsi, les Donas, les Cheffes de l'île, ont fait appel aux autres royaumes pour les aider. Le premier à leur avoir répondu était le royaume de Sigrelia, qui n'a pas tardé à envoyer ses guerriers. Il n'est pas rare que les sigreliens viennent en aide au royaume de Maotis, celui où vit Asmaelle. L'île sur laquelle elle se trouvait faisait partie de ce royaume mais elle était isolée, au milieu de l'océan. Les ravitaillements réguliers de nourriture étaient indispensables et beaucoup de matières premières provenaient de Sigrelia.
La corne se mit à hurler sur la plage, annonçant l'arrivée très prochaine des guerriers sigreliens. Un énorme soulagement détendit les muscles d'Asmaelle. Elle était épuisée et l'idée qu'on vienne les aider durant les prochains jours lui était plaisante. En revanche, cette arrivée était également source d'appréhension. Il était rare que des étrangers mettent pied au-delà du port et que l'on vienne découvrir la vie sur l'île. Leur manière de vivre était bien différente des autres. Ici, la communauté était guidée par la simplicité, la bienveillance, et par la liberté d'agir et de dire. De plus, la culture d'algues d'argent était la spécialité de l'île. On y cultivait uniquement cette espèce dans de grands champs aquatiques et tous les habitants y consacraient leur temps de travail. Pour la grande majorité de la population, il n'y avait pas mieux qu'être constamment au contact de la nature, avoir les pieds dans l'eau salé et le visage qui se réchauffe au contact des rayons du netsu. Même si ce travail était parfois laborieux, il participait au bonheur de l'île.
- Asmaelle, viens me voir s'il te plaît, l'appelait une Dona.
L'elfe laissa tomber les branches qu'elle avait dans les bras et rejoignait Maescia en haut de la plage. Cette Dona allait bientôt atteindre sa quatre-vingt dixième saison, ce qui était jeune pour occuper un titre tel que le sien. Pourtant, elle était bien plus sage que les autres Donas réunies. Elle possédait de longs cheveux aussi dorés que sa peau et des yeux verts comme les palmiers.
- La troupe elfique débarque sur nos côtes bientôt, l'informa-t-elle. Ils vont établir leur campement et commenceront à nous aider demain. Nous aurons besoin de volontaires en cuisine et à l'infirmerie. Tu peux te charger de faire passer le message ?
- Bien sûr.
Asmaelle sentait la nervosité de Maescia. Elle non plus n'était pas très à l'aise avec l'arrivée de ces guerriers.
- D'ailleurs, lui dit la Dona en lui caressant ses cheveux crépus, ce soir c'est tresses et nattes pour tout le monde. Ne laisse personne d'autre à par Antë te toucher les cheveux. Seul lui maîtrise ta coiffure.
- Antë a un vrai don, c'est vrai.
- Bien. Va maintenant.
Asmaelle la salua en penchant sa tête vers le bas puis commença sa tâche. Un par un, elle questionna les habitants de l'île pour savoir s'ils pouvaient offrir leur aide ailleurs. Beaucoup trop refusèrent et préférèrent rester aider sur la plage. Après les horreurs des derniers jours, certains n'avaient pas la force d'affronter cela à nouveau. Le temps passait et les derniers elfes à prévenir se trouvaient dans les champs d'algues. Près de la moitié des plantations avait survécu aux violentes vagues mais la perte restait trop grande.
- Il y a beaucoup trop de travail dans les champs, on ne va pas pouvoir venir les aider, Asmaelle, lui prévint un elfe.
- Je comprends. J'ai difficilement trouvé des volontaires mais cela devrait suffire pour les cuisines et l'infirmerie. J'irai moi-même aider les soigneurs en fin de journée. Avec l'aide de la troupe sigrelienne, on devrait s'en sortir.
- Entendre le nom de cette troupe ne me donne pas confiance. J'espère qu'ils se contenteront de faire ce qu'ils ont à faire et qu'ils ne viendront pas mettre encore plus de bazar qu'il n'y en a déjà.
- Je ne pense pas que cela soit dans leurs intentions, rétorqua Asmaelle.
- Voyons, nous savons tous comment ils sont. Vaut mieux ne pas trop s'approcher d'eux et de leurs sales pattes de guerriers.
Une grimace se dessinait lentement sur le visage d'Asmaelle. Elle n'avait jamais compris la raison de cette brutale antipathie envers les guerriers sigreliens. Ils étaient présents pour les aider dans ce qui était sûrement le pire événement depuis des saisons.
- Les Donas dînent avec eux ce soir, expliqua-t-elle. Il faut croire qu'ils ne sont pas si mauvais que ça.
- Méfie-toi quand même, il serait regrettable qu'il t'arrive malheur.
- Je ne pense pas qu'on risque grand chose. Ils sont là pour nous aider, tout simplement.
- Tu as oublié ce qui s'est passé il y a cent saisons ?
Asmaelle resta silencieuse quelques secondes et refréna son envie de dire à voix haute ce qu'elle pensait réellement de ce genre de paroles. Elle ne voulait pas affronter cet elfe dans un débat, ce n'était ni le moment, ni le lieu.
- Je donne mon retour à Maescia et je vous rejoins dans les champs après, d'accord ? poursuivit-elle en changeant de sujet. Les débris sur la plage attendront leur tour.
Asmaelle le salua en penchant son buste avant de retourner à son travail. Malheureusement, la Dona n'était pas présente là où elle la cherchait. Maescia était sans doute partie de l'autre côté de l'île, attendre l'arrivée de la troupe sigrelienne au port. Asmaelle ne tarda pas à retourner à la plage, dans les champs d'algues.
Sur les trente parcelles d'algues, dix-sept avaient été atteintes, dont neuf presque totalement détruites. Cela représentait de longues saisons de travail et une trop grande perte. Il fallait arracher chaque plante d'algue abîmée jusqu'à la racine puis les garder de côté. En récoltant les graines des ces plantes, après un très long séchage, il était possible de créer des pousses qui pourront être plantées aux endroits manquants. L'avantage de ces algues d'argent était qu'on pouvait les planter à n'importe quelle saison.
Néanmoins, avant de pouvoir récolter quoi que ce soit, il faut attendre que deux saisons entières passent. Asmaelle savait que tout ceci allait être source de grand stress pour les Donas, et de ce fait, pour toute l'île.
