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J'ouvre et je ferme plusieurs fois la bouche. Le sang d'Abbondanza a giclé sur moi. Il y a du sang sur moi. Il y a du sang humain. Abbondanza. Abbondanza! Du sang humain. Le sang d'Abbondanza. Et ce cri qui déchire les lueurs tremblottantes du jour qui décline. Un cri assourdissant. Mon cri. Mon cri incontrôlable. Je n'arrive pas à me taire. Mon corps ne m'appartient plus. L'odeur me soulève le coeur. Un odeur métallique qui englobe ma langue, sature mes narines. L'homme qui est à peine plus grand que moi se tourne lentement vers moi. Il leve son arme et l'abat sur mon crâne. Les lumières s'éteignent tandis qu'une violente douleur traverse ma boîte crânienne.

J'ai mal. La tête me fait atrocement mal. Mes yeux ne marchent plus. J'ouvre et je ferme plusieurs fois les yeux sans succès. Je ne vois rien autour de moi. J'étouffe. Je manque d'air. Abbondanza. Elle est morte. J'ai vu son crâne s'ouvrir comme une noix. J'ai vu son sang. J'ai été éclaboussée par lui. Où suis-je ? Je bouge un peu et me rend compte que mes mains sont attachées dans le dos. J'entends des voix lointaines. Ça résonne là où je suis. On dirait que je suis enfermée dans une boîte. Je sens des élancements dans mon crane.
"- Cosa ne faremo di lei" Demande une voix étouffée. J'entends un claquement. Une portière? Je suis dans un coffre bon sang! Le tissus rêche sous mes doigts me confirme mon impression. Je me tortille comme je peux.
"- troveremo cosa fare con il suo culetto!!" J'entends leurs rires gras.
À force de me tortiller, je sens les liens se distendre et je libère mes mains. Je tire sur la corde qui relie mes pieds mais le noeud est très serré et j'entends des pas approcher. Je tire, je tire, je tire... Le noeud ne cède pas. Une lueur passe entre les deux sièges . Je glisse mon oeil mais ne devine rien. A part qu'il fait nuit noire dehors. Je frotte mes chevilles mais la friction me blesse en mordant ma peau. A force de tâtonner dans le coffre j'ai trouvé un tournevis. J'en glisse la pointe dans le noeud de la corde et je sens que ça glisse doucement. Une fois mes jambes libérées j'essaye de pousser doucement la banquette. Elle est bloquée. En tâtonnant je sens l'endroit où elle est enclenchée. En glissant mon doigt, je peux la descendre. Je la bouge juste assez pour jeter un oeil. Les hommes ont l'air occupés un peu plus loin. Des sachets de poudre blanche s'entassent sur une table et ils sont en train de faire des liasses avec des billets de banque. L'un d entre eux fume. Deux ont un verre de whisky devant eux. Deux pistolets sont posés sur la table. Ils en ont surement sur eux également. Avec prudence, je descends la banquette complètement, pour pouvoir m'extirper de là. Je glisse ma main entre le sièges et j'arrive à grand peine à atteindre la boîte à gants. Les hommes continuent à discuter. Il y a un flingue. Je regarde le barillet. Chargé. Je le prends, la main tremblante, revoyant la cervelle d'Abbondanza qui explose et son sang qui gicle dans la pièce. Les clefs sont sur le contact. Si j'arrive à me glisser sur le siège conducteur. Je peux peut être partir en conduisant la voiture. Bon. Je ne sais pas conduire. Mais franchement, je ne vais pas rester sans rien faire. Mon frère m'a déjà fait conduire sur ses genoux. J'arriverai sûrement à la démarrer et à faire quelques mètres. Il n'y a pas d'autres véhicules dans le hangar. Il est ouvert sur l'extérieur. C'est ma seule chance. Si j'ouvre la portière ils m'entendront. Si j'attends, ils finiront par venir voir si je suis réveillée ou pas.

Je me glisse sur le siège. Je démarre ce qui fait se lever les hommes. Ils dégainent immédiatement leurs revolvers et mettent en joug le véhicule. Du bout du pied, je cherche la pédale d'accélérateur mais une énorme berline noire entre dans le hangar et me bloque la sortie. Ils tirent sur la voiture. Les fenêtres explosent autour de moi mais par chance aucune balle ne m'atteint. Je me jette sur le siège passager, comprenant que je suis perdue.
"- Figlio di puttana. Dove pensavi di andare con i miei soldi?"
Les hommes crient de toutes parts. Les tirs sont continus.
Puis l'accalmie arrive. Quelqu'un ouvre la portière et m'arrache du siège où je me suis vautrée, les mains protégeant ma tête. Je suis sortie comme un sac à patates et balancée sur le sol. Je me fais mal au coude en le mettant en avant pour parer ma chute.

"- ttt... Dove stavi andando, tesoro?"
Je relève la tête et devant moi, une paire de chaussures très élégantes, en cuir brillantes. Je lève les yeux vers un pantalon de costume parfaitement taillé dans un tissus luxueux.

Série: Mafia. Tome 1. L'oeil de Monte scuroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant