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La bonne me retrouve une heure plus tard, cachée dans un placard, me balançant la tête entre les mains. Elle me parle gentiment, décoche son téléphone et passe un coup de fil que je n'essaye pas de comprendre. Elle m'emmène dans la chambre, me fait couler un bain, me bourre d'antalgiques et m'apporte un plateau repas. Je reste éveillée dans le lit, enveloppée sous les couvertures. Le cerveau en compote. Incapable de penser de façon cohérente. Incapable de décider si je dois m'enfuir, rester là immobile ou me cacher pour l'éternité. J'ai mal partout. J'ai mal au coeur. J'ai des images et des sons insoutenables qui tournent en boucle dans mon cerveau.

Ça a duré une semaine.

Une semaine à pleurer.
Une semaine sans apercevoir Valentino.
Une semaine à me cacher de Valentino.
Une semaine à constater avec dépit qu'il n'était pas là. Qu'il n'était nulle part.
Une semaine à me douter, sans avoir le courage d'aller vérifier, qu'il torturait à tours de bras, les hommes responsables de la mort de son ami et de mon enlèvement.

Une semaine s'était écoulée donc, et je ne l'avais toujours pas aperçu, sans que je sache si ça m'effrayait ou si ça me ferait du bien de le voir et de profiter de ses bras.

J'avais passe la journée dans ma chambre ou à me cacher dans la maison, et je m'étais endormie la tête dans l'oreiller humide de larmes.

Une ruelle. Calme dans l'obscurité de la nuit. Un prédateur. Plusieurs prédateur. Une proie. Je suis la proie. Mon coeur bat follement. Je prie pour qu'on me laisse tranquille. Je cours à perdre haleine. Et brusquement, l'obscurité m'avale.

Je me réveille en poussant un hurlement de terreur en me redressant dans le lit et en me débattant dans les draps. Un étau m'enserre et me fixe au matelas. J'hurle à pleins poumons et une main vient se plaquer sur ma bouche et mon nez, m'étouffant immédiatement. Je gesticule, rue comme je peux et je finis par retomber épuisée sur le matelas.

Une voix me parle doucement en italien.
"-  È tutto, tesoro, è stato un incubo. Un incubo..." Il me plaque contre lui et me berce contre son torse. Une avalanche d'émotions bouleverse mon organisme. Peur, plaisir, envie, terreur, dégoût... Après quelques minutes, il me repousse contre mon oreiller et me borde, puis quitte la chambre. Je reste immobile quelques minutes, calmant les battements de mon coeur et reprenant une respiration cohérente. Un bruit attire mon attention, venant du jardin. Un bruit de pas crissant sur le gravier. Je me glisse hors de mon lit et me cache derrière les rideaux légers qui encadrent la haute fenêtre. Une silhouette se découpe dans la lumière bleutée de la pleine lune. Tout vêtu de noir, une carafe en cristal ouvragé à la main, don Valentino s'arrête au milieu de l'allée et porte le liquide ambré à ses lèvres. Il s'essuie la bouche avec sa manche négligemment et reprend sa marche vers les écuries, disparaissant dans la nuit.

Un instinct terrible me pousse vers la porte. Je descends en boitant jusqu'à l'orée du jardin. Un instant d'hésitation m'immobilise. Rien ne trouble la nuit. Un silence duveteux m'enveloppe comme un cocon, qu'agremente de temps à autre le chant nocturne d'une cigale.
Effrayée, je me glisse jusqu'à la porte tant redoutée.

Un mugissement monte des profondeurs du vieux bâtiment en pierres. Je descends l'escalier le plus discrètement possible.

A quelques mètres de moi, une forme indistincte et sanguinolente rampe sur le sol et va se pelotonner dans un coin. Au milieu de la pièce, un homme est attaché par les poings. Ce n'est plus le même que la dernière fois. En m'attardant sur lui, je reconnais celui qui avait été brûlé avec la braise du cigare. En quelques jours, il a perdu beaucoup de poids et son corps presque nu est couvert de croûtes. Des petits ronds, sûrement des brûlures de cigares et des zébrures fines et longues, comme des coups de ceinturons qui auraient déchirés la chair.

Ma main se porte automatiquement à ma bouche. Le sublime sarde apparaît dans mon champs de vision. Il avale une gorgée de whisky et se dirige vers un nécessaire en tissus qu'il déplie soigneusement. A la lueur des bougies qui éclairent son visage, je vois briller un éclat étrange dans son regard. Alors qu'il se retourne lentement, la masse sanguinolente se plaque contre le mur en se tenant la tête entre les mains... Les mains? Mon dieu! Il n'a plus de main! Ses avants bras sont des moignons cauterisés! Un faible son s'échappe de son corps martyrisé tandis qu'il se balance dans un geste traumatique. "- misericordia..."

Série: Mafia. Tome 1. L'oeil de Monte scuroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant