33

1.9K 138 3
                                    

Le souffle de l'explosion balaie les opérateurs et fait tanguer les véhicules blindés. Le temps semble se suspendre avant de reprendre en accéléré, soulevant au passage les premiers débris de la déflagration.

Je suis bringuebalée dans le véhicule, mais, atterrée, je n'ai même pas le réflexe de me retenir et je bascule en arrière. Mon crâne percute l'habitacle et l'assomme ce qui semble être un instant. Étourdie, je me redresse tout de même en me tractant sur mes avant-bras. L'usine n est plus qu'un tas de briques fumant d'où les flemmes s'échappent et semblent vouloir lécher le ciel. Je ne suis pas capable d'articuler le moindre mot. Ma bouche s'ouvre et se ferme à plusieurs reprises, sans qu'aucun son ne s'en échappe. Il ne semble pas y avoir de mouvement autour.

Les opérateurs sont à leur poste. Ils démontent posément leurs armes sur pied avant de les ranger dans leurs grandes valises, tandis que des groupes grimpent dans les véhicules. Un groupe d'hommes se met ensuite en marche et se penche pour ramasser quelque chose sur le sol. Des herses hérissées de pointes métalliques qui empêchaient toute fuite. Mon cerveau percute: c'est pour ça que la voiture a fini sa course dans un conteneur un peu plus tôt.

Les premiers véhicules s'alignent a quelques mètres de moi. Celui qui m' a emmenée dans cette voiture ouvre le coffre et je me jette sur lui. Désarçonné, il tombe en arrière, avec sa valise. J'en profite pour courir vers les ruines en hurlant le prénom de Valentino à perdre haleine. Un petit groupe d'hommes me tombe dessus, ils m'emmenent sans violence vers la voiture, m'y jette et m'encadrent sur la banquette arrière.

Après quelques minutes de route, je me rends compte que je pleurs. Je pleurs sûrement depuis l'explosion mais j'étais trop sonnée pour m'en rendre compte.
On me parle en italien mais je n'entends pas, je ne comprends pas, mon cerveau est opaque a toute stimulation extérieure, je suis emprisonnée dans mon corps et mes sensations passées.
Après une route qui m'a semblée interminable mais dont j'ignore tout, j'aperçois au bout d'une allée la demeure de Valentino.

Mon corps se contracte et je perds complètement les pédales, me jetant sur les hommes qui m'encadrent, hurlant de toutes mes forces, ruant comme un beau diable, giflant l'air autour de moi à tours de bras. Les hommes me précipitent au sol.
Deux sont nécessaires pour me maintenir, pendant qu on fait venir un homme en costume, que je reconnais comme le médecin, qui m'administre le contenu d'une fiole, à l'aide d'une seringue épidermique. Une piqûre qui se repend dans mon organisme à grande vitesse et qui m'enveloppe d'une langueur infernale avant de me plonger dans un noir cotonneux.

Série: Mafia. Tome 1. L'oeil de Monte scuroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant