38 - FIN -

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Les peluches. La veilleuse. Le pouce moite sur ma levre inferieure. L'ordre d'ouvrir les yeux. Le goût amer sur ma langue qui me soulève le coeur. Le dégoût pour moi-meme. La litanie infernale. Ça sera vite fini. Mon cœur d'enfant, d'adulte, de future mère qui se brise plus encore que les fois d'avant. L'humiliation. La bile qui me monte et je vomis sur mon pyjama retroussé. La honte.

Il m'aura fallut des dizaines de jours et de nuits d'interrogatoires pour que je lâche le morceau, ou plutôt que Valentino devine, car je n'avais jamais réussi à mettre des mots là dessus. L'abus. Les abus. Mon sentiment d'impuissance face à mon enfance brisée si tôt. Les actes odieux et irrémédiables commis alors que j'étais si jeune. Il aura fallut a peine deux nuits de plus pour qu'il devine de qui il s'agissait. Il ne l'aimait déjà pas . Pas plus que celui qui a couvert  les faits découverts. Jacques. Jacques qui se faufilait dans ma chambre la nuit et se touchait contre moi, jusqu'à me salir Et l'impunité aidant... Il a utilisé plus que ma peau. Sans franchir le stade ultime. Ou du moins, il n'en a simplement pas eu le temps avant de se faire attraper par mon père, qui lui a fait la leçon. Et m'a imposé le silence en me disant que les câlins que je faisais à Jacques ne devaient pas se reproduire, même si ça arrivait souvent entre frères et soeurs, que c'était naturel, mais qu'il préférait que nous arrêtions. Comme si j'avais envie qu'on se frotte à ma cuisse ou qu'on me fasse avaler de la semence à neuf ans. Jacques était parti en voyage alors et avait enchaîné sur les études de médecine. Il rentrait rarement et n'était plus jamais venu dans ma chambre.
Quand j'avais fini de tout déballer, Valentino m'avait installé dans son lit, m'avait consolé longtemps et avait attendu que je dorme avant de s'éclipser.

Au petit matin, je me suis réveillée avec le levé de soleil et Valentino m'a immédiatement servi un petit déjeuner au lit. La matinée s'est poursuivie, alors qu'il m'entourait de cajoleries. Tout à mon bonheur, je me suis glissé dans un bon bain chaud plein de mousse. J'ai rêvé à l'arrivée prochaine de mon bébé. Valentino protégera cet enfant. Il ne laissera personne lui faire du mal, pas même un membre de sa famille. Comme il m'a protègé moi. Au péril de sa vie, de celle de ses hommes, quitte à vendre son âme au diable. Je ne lui ai pas encore dit, mais je veux vivre avec lui. Personne d'autre que lui ne me permettra d'avoir l'esprit tranquille face au monde où nous allons élever cet enfant. Je vois déjà ma robe de princesse. Mon bébé qui apporte les alliances. Mon Valentino sanglé dans un costume italien parfaitement taillé sur son corps d'Apollon...
Ma rêverie est interrompue par deux coups brefs donnes sur la porte d'entrée. Sûrement le livreur qui apporte mon colis de matériel de puériculture... J'enfile mon peignoir à la va-vite et me précipite.

Deux policiers se tiennent derrière la porte, l'air grave. Avec précautions, d'autant plus face à mon état, les policiers me font asseoir sur le canapé.
"- madame, un drame est survenu cette nuit. Un de vos frères a trouvé la mort dans des circonstances violentes..."
"- un de ...? Attendez quoi?"
Valentino m'a rejoint et enlacé.
Les policiers ont répété: "- Votre frère... Jacques de la Rosière. Il a été retrouvé cette nuit, éviscéré et exangue sur le parking de l'hôpital où il travaille. Le meurtre a été particulièrement... Sanglant. Vous lui connaissez un ennemi?"
"- je... Non... Je ... Pourquoi? Qui?"
"- je ne veux pas insulter sa mémoire... Mais il y avait une inscription avec son sang sur le pare-brise de la voiture où il était attaché, comme écartelé.... C'était écrit... VIOLEUR. Ca pourrait constituer un mobile, mais l'enquête ne fait que commencer."

Toute circulation sanguine semble s'être stoppée dans mon corps. Je jette un regard à Valentino, qui joue un air affecté sur son visage mais je ne le connais que trop... Je me retourne vers les policiers qui triturent leur couvre-chef entre leurs doigts.
"- ce n'est pas tout mademoiselle. Votre père, en a été le premier informé. Il semble qu'il n'ait pas supporté la nouvelle. Il a attenté à ses jours. Nous n'avons rien pu faire."
Mon cerveau et mon corps lâchent en même temps et je sombre dans l'inconscience.

A mon réveil, les policiers etaient partis, et Valentino installé à côté de moi, serrant ma main dans la sienne. J'ai juste demandé:
"- c'est toi n'est-ce pas?"
"- A ton frère, j'ai fait ce que n'importe quel homme devrait faire à un adulte qui abuse d'un enfant. J'ai ensuite rendu visite à ton père. Il a pris sa décision lui-meme"
"- c'est bien"
"- c'est bien? Tu ne m'en veux pas?"
"- je refusais d'en parler parce que ça me forçait à mettre des mots et à réaliser, mais au fond, je savais qu'en t'ouvrant les portes de la vérité, tu vengerais l'enfant que j'ai été. Mais mon père..."
"- ton père n'a jamais accepté de ne pas avoir su te proteger. Il est parti quand je lui ai exposé sa plus grande honte au visage. Il n'a plus supporté le poids de sa culpabilité"

Nous sommes restés silencieux le reste de la journée, calés l'un contre l'autre. En début de soirée, je lui ai dit que j'acceptais de l'épouser. La vie devait redémarrer. Envers et contre tout.

Notre fils Vital est né dix jours plus tard, triomphant de santé, magnifique et aussi charmeur que son italien de père. Nous avons quitté la France dans les jours qui ont suivi pour la Suisse, afin de laisser derrière nous, les démons du passé et ce mauvais oeil, qui me suivait, bien avant mon arrivée à monte scuro.

Fin. 

Série: Mafia. Tome 1. L'oeil de Monte scuroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant