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Pan.
Je ressens un léger pincement dans le cou.
"- Incredibile... non ha nemmeno battuto ciglio! Ecco una donna per me!" Les hommes rient pendant qu'une étrange langueur s'empare de moi. Je baisse la main que j'avais portée à mon cou. Pas la moindre trace de sang. Alors que mon cerveau et mes oreilles bourdonnent en coeur, je me tourne lentement et aperçois un homme qui se tient debout derrière moi. Ça tangue. Ça tourne. Il a une seringue à la main. Ma bouche s'ouvre et se ferme plusieurs fois. J'ai l'impression de glisser, glisser ... Au moment où mon corps se dérobe, deux bras musclés amortissent ma chute.
"- bella notte amore mio"
La dernière chose qui arrive à ma conscience, ce sont deux yeux noirs rieurs, amusés par mon expression.
Noir.

Noir.
Une faible lueur passe l'écran de mes paupières.
Ma conscience bataille pour me forcer à reprendre connaissance. Ouvrir les yeux. Voir où je suis. Récupérer l'usage de mes sens. L'usage de mon corps. Ma liberté.
Une pièce exiguë, plongée dans une pénombre. La seule touche de lumière vient d'un soupirail. Comme une charbonnière. Il est très loin. Plusieurs dizaines de mètres. Un peu plus loin, il y a deux portes. A n'en pas douter elles sont fermées à clef.
Peu importe ceci dit. Parce que je suis enchaînée à un mur. Il y a un anneau métallique rivé au mur et je suis menottée à une courte chaîne aux maillons épais. Aucune chance que j'arrive à en casser un, même en y mettant toute ma force.
Je tire sur l'anneau enchâssé dans le mur, sans succès
A quelques pas de moi, il y a un seau et je n'ose pas imaginer à quoi il doit me servir. Quelques ballots de paille, une couverture, une bouteille d'eau.
J'approche de la bouteille et la renifle prudemment. Aucune odeur. Je meurs tellement de soif que j'en bois un bon tiers en une gorgée. Je retourne m'asseoir sur le ballot. En la pliant d'une certaine façon, j'arrive à m'enrouler dedans. La seule chose qui me soulage c'est que je porte encore mes vêtements. Tous mes vêtements. Même mon short avec son noeud décoratif compliqué, que je porte sous ma robe, ce qui veut dire que personne ne m'a touché.
Un bruit m'interpelle soudain.
C'est étouffé mais je l'ai quand même entendu. C'est comme... Un cri...
Un cri de douleur. Un cri atroce, qui vous tord les entrailles. Puis des suppliques. Cette voix. Ça me rappelle le gorille qui a participé à mon enlèvement, lorsqu'ils l'ont torturé sous mes yeux. Assise sur la paille, enveloppée dans la couverture, je mets les mains sur mes oreilles pour ne plus entendre le supplice.

"- tout de même une émotion... Moi qui pensais avoir trouvé une femme aussi insensible que moi... peccato! Vous êtes bien installée dolcezza?"
Je relève la tête vers cet homme. Si on devait portraiturer le diable en personne, je lui donnerai l'apparence de cet homme.
Sa haute taille lui permet de dominer la plupart des humains. Ses longues jambes sont gainées dans un jean brut. Il est doté d'une paire d'épaules incroyable surmontant un torse taillé en V dont je devine qu'il ne compte pas un gramme de graisse. Un cou de taureau tatoué supporte sa noble tête au port altier.
Son visage est dur et anguleux: une mâchoire carrée, des pommettes saillantes, une bouche sensuelle mais figée dans un rictus moqueur et sévère. Ses yeux noirs d'encre sont opaques et ne laissent filtrer aucune émotion.
Je me lève et j'avance vers lui. Chaque pas me coûte mais j'ai impression qu'il est comme... Stimulé quand je le défie. Il faut que je fasse attention à ne pas franchir la ligne qui le ferait sortir de ses gonds.
Je lui tends mes poignets menottés.
"- la porte fermée ne vous paraissait pas suffisante?"
Il sourit, de son drôle de sourire mi-figue mi-raisin.
"- c'est plutôt les menottes qui me paraissent insuffisantes" fait-il en prenant mes mains dans les siennes. Il fixe mes poignets minces coincés dans les pinces. Ils ne passeraient quand même pas entre les bracelets mais je vois ce qu'il veut dire.
"- pourquoi m'avez-vous emmène ici ?" Je montre la cave où je suis retenue.
"- ça me paraît pourtant évident" fait-il en relâchant mes poignets.
"- moi qui pensais que vous étiez venu me délivrer de mes kidnappeurs, j'ai vite été déçue !"
"- ne le soyez pas" dit-il d'un ton onctueux "vous auriez été violée et vendue à un bordel, ce ne sont pas mes pratiques... Nous ne suivons que peu de règles. Pas les femmes et les enfants est une des rares que nous observons mes hommes et moi"
"- alors merci" il rit d'un rire sans joie.
"- je suis sincère"
Il saisit mon menton et me fait relever la tête vers lui. Il plonge dans mes yeux et je le laisse sonder mon âme, car je sais que c'est ce qu'il fait. Il en scanne la moindre faille. Je sens mes joues s'empourprer.
Avant qu'il ne finisse son inspection, je demande, le fixant toujours :
"- qu'est-ce que vous allez faire de moi?"
"- Questa è un'ottima domanda!"

Série: Mafia. Tome 1. L'oeil de Monte scuroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant