Chapitre 35

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Une fois Ayo profondément endormie, Bucky demanda à Friday de faire venir T'Challa pour veiller sur elle quelques temps et s'éclipsa. Il marcha de long des couloirs jusqu'à trouver une chambre isolée, au bout de l'aile la plus reculée du bâtiment. Il s'y enferma et s'adossa à la porte.

Incapable de plus retenir ses émotions, il vomit sa rage. Il hurla encore et fracassa le mobilier de la salle, n'épargnant rien, ni les meubles ni lui-même. Ni le bois massif du bureau ni le marbre de la table ne lui résistèrent. Il déchaîna le super soldat et ravagea la pièce.

Quand la moindre soucoupe en porcelaine fut exterminée, il tomba à genoux. Il regarda ses mains y sentant encore le corps décharné d'Ayo, ses écailles de vibranium qui recouvraient sa peau douloureuse. Il regarda ses mains et la revit manquer de mourir par deux fois dans ses bras sans qu'il ne puisse rien faire. Il regarda ses mains et vit son impuissance à la protéger. Il regarda ses mains de tueur, d'assassin, ses mains bonnes à tuer, à détruire, à briser. Il serra les points et resta prostré. Arriverait-il un jour à construire quelque chose avec ses mains d'homme ? Une boule se forma dans sa gorge, l'empêchant de respirer correctement.

Un instant, il ne vit plus que le soldat en lui et la montagne de cadavres qu'il avait laissé dans son sillage. Il revit chaque assassinat, chaque torture, chaque acte de barbarie qu'il avait perpétré et qui le hantait. Il oublia tout ce qu'il avait appris à ses côtés, tout ce qu'elle lui avait fait redécouvrir sur son humanité, sur son corps et sa sensibilité.

Sentant la crise d'angoisse l'envahir, il tenta de se reprendre. Il pensa à elle, à sa confiance absolue en lui, à l'amour inconditionnel qu'elle lui portait. Il s'imagina plonger dans ses yeux et sa gorge se desserra peu à peu.

Il focalisa son esprit sur leurs souvenirs. Il revit leur fuite du palais, la première nuit chez elle lorsque le soldat avait prit le dessus et qu'elle l'avait maîtrisé, l'inquiétude dans son regard quand il n'était pas rentré de la journée. Il la revit le soigner, glisser ses mains sur sa peau meurtrie, explorer ses souvenirs sans jugement, sans jamais prendre peur ni fuir, affrontant la dureté de son passé avec lui.

Il ressentit à nouveau le bien fou que sa présence lui faisait, la chaleur qui l'enveloppait quand elle posait ses yeux sur lui, les émotions qui naissaient jours après jours. Il frisonna de désir quand il se rappela leur premier baiser, leur première fois, et toutes les suivantes. Il se rappela le plaisir intense et profond qu'il éprouvait dans tout son être quand elle lui faisait l'amour, l'état de total abandon dans lequel il était entre ses doigts...

Brusquement, son sourire lui explosa au visage, une aura lumineuse capable de le sortir de ses torpeurs les plus sombres, et il sut. Elle l'avait aidé à guérir, à se pardonner, à entamer son long chemin de rédemption... Alors il en ferait autant. Il panserait des plaies, il soignerait ses blessures et la couvrirait d'amour. Il lui rappellerait à quel point elle est belle et grande. Il se montrerait à la hauteur. Il le fallait.

Une idée germa dans son esprit. Un idée que Stark allait détester, pensa-t-il, T'Challa aussi d'ailleurs. Souriant à cette perspective, il se releva et sonda ses émotions. Le calme était revenu. La crise passée et sa décision prise, il se sentait totalement serein. Il quitta la chambre, ou ce qu'il en restait, et rejoint la suite où dormait Ayo.

Il y retrouva T'Challa, assis sur une chaise à côté du lit, tenant fermement la main droite de sa sœur dans la sienne. Il lui fit signe et se dirigea vers la salle de bain. Il se lava rapidement, effaçant le sang sur ses mains, et rejoint le roi.

- Elle s'enfonce, lui dit ce dernier d'un air grave.

Le visage de la jeune femme était en effet couvert d'une fine pellicule d'eau : la fièvre avait repris, la faisant alterner entre bouffées de chaleur et grelottements. Mais le plus inquiétant venait de son bras gauche. Étrangement, le vibranium semblait avoir gagné du terrain sur sa peau, menaçant de prendre possession de son épaule.

- Je dois la ramener au Wakanda et la soumettre à nouveau à la terre rouge.

- Non. Je m'occupe d'elle.

De la même façon que sa soeur, T'Challa arqua un sourcil interrogateur, incitant Bucky à préciser sa pensée.

- Laisse-moi trois jours. Si son état ne s'améliore pas, fait venir Baast.

- Que penses-tu donc pouvoir faire de plus que notre divinité, loup blanc ? Demanda le roi, dubitatif.

Pour toute réponse, Bucky posa sa main de chair sur le bras d'Ayo. Aussitôt, ses tremblements s'estompèrent et le vibranium paru presque imperceptiblement moins épais.

Sans rien dire, T'Challa se releva et se dirigea vers la sortie. Avant de les quitter, il lança sombrement :

- Je t'en laisse deux.

Et la porte se referma sur lui. Bucky soupira et posa ses yeux sur Ayo, son visage semblait plus appaisé. Il sourrit pour lui même de l'effet qu'il arrivait à lui faire même dans cet état et se déshabilla avant de se glisser à son tour sous les draps. Il s'enroula autour du corps d'Ayo dont il ota le T-shirt.

Peu à peu, peau à peau, la température corporelle de la jeune femme se regula grâce à celle de Bucky et sa respiration aussi. Au bout de quelques heures, il consta une nette amélioration et un recul du vibranium de quelques centimètres sur son bras. Une course contre la montre venait de s'engager.

Bucky rafermit sa prise sur Ayo, ferma les yeux, et concentra toute son énergie vers elle. Ils n'avaient que deux jours pour effacer complètement cette mutation étrange et ils allaient se battre.

Monsters Searching For Redemption [2] - La Gardienne du WakandaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant