- Vous avez trouvé ce que vous cherchiez Professeur Beaumont ?
Totalement déconcerté par la lecture de ce message, il referma son laptop par réflexe. Ce qu'il cherchait ? Non, pas vraiment. Mais comment ? Comment avait-elle su ? Son esprit devait lui jouer des tours. Elle ne pouvait pas savoir qu'il avait, à cet instant précis, les yeux posés sur sa photo de profil. Non, elle devait parler d'autre chose. Son geste précipité était totalement puéril. Il ouvrit à nouveau son ordinateur.
Il plaça ses doigts au-dessus du clavier, prit une inspiration et se mit à écrire une réponse. Puis l'effaça. Avant de la rédiger à nouveau.
-...
-...Je vous ai senti.
Son inspiration fut de nouveau coupée par ces derniers mots. Puis lui répondit enfin.
-Bien joué Mademoiselle Maubray, mais je préfèrerais, à titre personnel, mettre cela sur le compte du hasard.
-Détrompez-vous. Les vibrations que vous émettez sont suffisamment remarquables pour que je les perçoive jusqu'ici.
-Par écrans interposés ?
-Oui.
Ulysse releva ses sourcils, se frotta le menton. Cette fille est vraiment allumée. Il fallait couper court.
-Ecoutez, chatter avec mes étudiants n'est pas tout à fait dans mes habitudes et je préfèrerais en rester là. Ma présence sur la toile n'est d'ailleurs pas dans mes habitudes tout court.
En effet, son profil Lightbook se résumait au strict minimum, tout juste de quoi avoir l'air d'un gars banal dans une époque où être totalement absent du web parait suspect.
-Vous l'avez sentie n'est-ce pas ?
Il patienta. Ne sachant pas quoi répondre à cette question pourtant évidente.
Il nia.
-Quoi donc ?
-Cette connexion entre nous.
-...
Zut. Il était pris au dépourvu.
-Je pense qu'il serait intéressant que nous en parlions de vive voix, affirma-t-elle.
-Et qu'est-ce qui vous fait penser cela ?
-Mon intuition me dit que nous nous apporterions probablement mutuellement des réponses.
-Il faudrait que j'aie des questions alors.
-Demain soir 17h ? proposa-t-elle dans la foulée.
Qu'était-il en train de faire au juste ? Planifiait-il un rendez-vous avec une étudiante, et ce pour des raisons irrationnelles par-dessus le marché ? Non, c'en était trop, il ne pouvait pas faire ça. Il referma le clapet de son ordinateur, se leva, fit quelques pas dans la pièce. Il ôta ses lunettes, qui ne lui servaient pas à grand-chose lorsqu'il était seul de toute façon, se frotta les yeux, passa machinalement la main dans ses cheveux. Il se laissa le temps de la réflexion et se dit qu'un bon thé chaud l'aiderait sans doute.
Des questions, évidemment il en avait. Qui était cette fille au fond ? Pour qui se prenait-elle avec des intuitions et ses machins de sorcellerie à deux sous ? Mais surtout, pourquoi cette « connexion » dont elle avait parlé, et qui, il devait bien l'admettre, était avérée ? Au fond, il n'avait pas grand-chose à perdre dans cette histoire.
Il mis la bouilloire en marche, prépara son thé. Versa l'eau brûlante. Repris sa réflexion. Oublia sa tasse.
Il considéra finalement la proposition d'une rencontre. Un lieu discret aurait été idéal, mais pas trop discret. Il ne voulait pas être vu en tête à tête avec une étudiante, mais il ne voulait pas non plus risquer d'être surpris isolé avec elle, ça aurait eu l'air encore plus suspect. Un restaurant ? Non trop connoté romantique. Un local de l'université ? Trop académique et intimidant. Le parc municipal. Parfait. Il aimait être à l'extérieur et le temps de ce début d'automne était sublime.
Ulysse reprit finalement l'ordinateur sur ses genoux et inscrivit.
-Demain 17h dans le parc central, allée Albion ?
-A demain Professeur 😉
Oh non. Dans quoi s'était-il embarqué ?
La tasse de thé avait refroidi entre temps.
Après une nuit d'insomnie et d'appréhensions, la journée bien remplie à l'université lui permit de ne pas voir défiler les heures avec trop d'inconfort. Bientôt il serait déjà l'heure de se préparer.
Le soleil automnal était éclatant ce soir-là. Poursuivant la course jusqu'à l'horizon tout proche, sa teinte rougeâtre en était presqu'émouvante de beauté. Ulysse avait toujours été sensible au mouvement et comportement des astres. Il avait d'ailleurs longuement hésité à se lancer dans des études d'astrophysique avant de finalement décider que la compréhension de l'espèce humaine l'emportait dans son cœur. Et qu'une bonne compréhension commence par la connaissance de son histoire.
Il enfila une paire de Rayban solaires, fourra son smartphone dans la poche de son jeans et quitta son appartement.
Il fut le premier sur le lieu indiqué. Jeta un coup d'œil aux alentours et choisi un banc. Il s'y installa, assis sur le dossier, pieds sur le banc, de manière a être placé un peu en hauteur. Il avait toujours l'art de s'installer spontanément de manière peu conventionnelle.
-Vous les cachez en permanence ?
Elle se tenait en face de lui, un gobelet en carton dans chaque main. Elle portait une capeline un peu improbable en feutre et une longue jupe fleurie. A l'évidence, Bérénice était insolite. Et très belle.
-Pardon ?
-Vos yeux. Vous les dissimulez toujours. Et vu vos verres, vous ne semblez pas avoir une correction importante...et aussi...
-Mais vous êtes ophtalmo en plus d'apprentie sorcière ?!
-...
-Pardon, je ne voulais pas...enfin...
Ulysse inspira nerveusement.
-Je n'aime pas qu'ils attirent l'attention.
-C'est dommage.
-Vous dites ça parce que ce n'est pas vous qui subissez les interrogations indiscrètes et les regards insistants.
-Vous les avez hérités de vos parents ?
-Je...aucune idée. A vrai dire je ne les connais pas.
Mais pourquoi se confiait-il comme ça ?!
-Oh je suis désolée.
Bérénice avait vu juste. Un solitaire dans le sang. Elle marqua une pause, puis lui tendit un gobelet.
-Je vous ai apporté un thé. Daarjeling. Ça vous allait bien.
-Acide et astringent ?
-Complexe et lointain, dit-elle dans un sourire satisfait.
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Les yeux d'améthyste
Ficção Científica🥉#3 eme en catégorie science-fiction du concours Wattpad & vous ! 🏆 ✨Le docteur Ulysse Beaumont, jeune professeur d'histoire à l'Université de Moonsbridge, est tourmenté depuis son enfance par des phénomènes étranges qu'il tente d'enfouir au fond...