🌕Chapitre neuf

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Novembre 1991

Claire et Roman avaient toujours rêvé de ce voyage. Durant toute leur vie commune ils avaient économisé pour ce road trip en camping-car dans la Cordillère des Andes. Alors qu'ils avaient roulé une journée entière à travers les plaines arides du centre du Pérou, s'émerveillant devant tant de beauté, s'arrêtant dans de multiples sites historiques précolombiens, le soir tomba brutalement. Dans ces contrées, l'obscurité et la fraîcheur du soir prenait souvent au dépourvu, elle arrivait sans demander son reste, dévorant la luminosé grandiose de la journée.

La journée les avait assommés tous deux. Et lorsque Roman envisageait de trouver un endroit tranquille pour arrêter le véhicule et se reposer pour la nuit, Claire accueilli la proposition avec joie.

-Encore quelques kilomètres, regarde là-bas, près de ces énormes buissons ça me semble pas mal, on aura un point d'ombre, dit-il, une main sur le volant, l'autre désignant le point d'intérêt au détour d'un virage.

-Attends, regarde, c'est quoi ça ?!

Claire écarquilla les yeux, posa sa main sur le bras de son compagnon.

-Ralentis un peu...

Roman alluma les gros fards et les braqua sur la forme désignée par sa compagne.

-On dirait...attends...mais c'est...un gamin !

Il arrêta le camping-car à proximité de ce qui semblait être un enfant et en sortirent.

-Hého ! Salut ! Hola !

Dans un espagnol très approximatif, elle le héla et tenta de s'adresser à lui.

Se retournant vers son compagnon :

-Merde, regarde ça, il est nu...

-Hey ! Que fais-tu seul ici ? Tes parents sont dans le coin ? Tu t'es perdu ?

Le garçon marchait le long de cette route désertique, littéralement perdue au milieu de l'immensité andine. Il ne s'arrêta pas lorsque Claire tenta de lui parler. Il continua sa route, ne lui adressant aucun regard.

Elle finit par lui agripper le bras pour attirer son attention.

Le gamin, nu, crasseux, s'arrêta net, planta un regard vert émeraude d'une profondeur surnaturelle dans celui de Claire qui en resta bouche bée quelques instants.

Roman les appela depuis le véhicule.

-Viens, amène -le au camion. De toute façon y'a rien à des kilomètres à la ronde ici. Impossible qu'il vive dans le coin. On va le ramener jusqu'au prochain village.

Ils firent entrer le petit garçon qui ne montrait pas de résistance et l'enveloppèrent d'une couverture. Il tenait le poing de la main droite fermement fermé. Malgré leurs tentatives de questionnements, il ne répondait toujours pas.

Lorsqu'ils arrivèrent au village de Santiago de Vado, non loin de Nazca, ils prirent la direction du poste de police afin d'y chercher de l'aide. Les agents de police furent aussi dépourvus que les deux touristes et ne purent se résoudre qu'à appeler les services sociaux.

Les policiers notèrent toutes les informations susceptibles de se montrer utiles avec l'espoir de trouver la famille de l'enfant et prirent la déposition précise de Claire et Roman.

En attendant une solution, le garçon, qui devait avoir approximativement trois ans fut lavé, habillé avec des vêtements trouvés au poste, sans doute des fripes oubliées par d'autres et nourri. Lorsque les agents de police tentèrent de lui faire desserrer la main pour le savonner, le gamin se débattit farouchement. Il finit par s'endormir sur la banquette de la pièce d'accueil, le poing toujours serré, renfermant à l'évidence quelque chose.

Lorsque l'assistante sociale arriva, l'enfant avait ouvert la paume de sa main durant son sommeil. A l'intérieur, une petite pierre grisâtre, polie, trouée en son centre.

Une première enquête fut menée. A l'évidence, il n'était ni malade, ni dénutri. En considérant sa peau claire, ses cheveux noirs ondoyants et ses yeux verts, il était vraisemblable qu'il ne soit pas d'origine péruvienne. Il avait été trouvé par le couple sur la 30A qui traversait le pays d'est en ouest, reliant Nazca à Cuzco. Aucune alerte n'avait été émise par aucun poste de police régional, et aucune famille de se manifesta jamais.
***
Il fut emmené dans un orphelinat de la région où lentement, il prit ses marques. Répéta quelques mots entendus çà et là, imitant ses congénères. Mais il resta systématiquement en retrait, observant son environnement et ses compagnons d'infortune avec éveil et curiosité, ne lâchant jamais son petit caillou.

Quelques mois après son arrivée, un groupe d'Européens appartenant à une organisation humanitaire vinrent à l'orphelinat pour une mission de rénovation de la structure d'accueil. L'attention d'une bénévole fut attirée par ce petit garçon étrange et solitaire, qui parlait peu, au regard vert profond. Rapidement elle prit quotidiennement de ses nouvelles, pour finalement passer chaque jour un peu de temps en sa compagnie.

Voyant qu'il ne lâchait jamais son précieux minéral, elle lui apporta un lacet de cuir et lui proposa d'y enfiler la pierre et de le lacer autour du cou. Un sourire se dessina sur le visage du bambin, qui accepta l'idée.

Elle se prit d'affection pour lui et lorsque la mission humanitaire toucha à sa fin, elle parvint à obtenir un accord pour son déplacement jusqu'à un foyer d'accueil de sa région. Elle ne pouvait se résoudre à le laisser derrière elle dans ce pays lointain.

Lorsque les papiers furent signés en vue de son déplacement vers l'Europe, elle découvrir le nom de l'enfant sur le document : Ulysse Beaumont.

-C'est son nom ? demanda-t-elle.

-Comment l'avez-vous su ?

-Nous ne l'avons pas su, répondit l'éducatrice de l'orphelinat. Elle reprit :

-Il fallait bien noter quelque chose sur ses papiers d'identité. Les agents de police qui nous l'ont confié ont noté « Ulysse » car c'est le nom de policier qui l'a accueilli au poste ce soir-là. Beaumont et bien...je viens de l'inscrire. C'est le nom de votre organisation caritative.

Les yeux d'améthysteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant