🌓Chapitre quinze

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-Je crois que je ferais mieux de partir. J'ai...pas mal de...heu, choses à terminer, hum, chez moi.

Et sur ces paroles, elle s'éclipsa maladroitement, referma la porte derrière elle, laissant Ulysse les bras ballants et embarrassé. Il n'aurait jamais dû, se dit-il. Il avait cédé tout entier à son désir, sans réfléchir.

Derrière la porte, Bérénice soupira, s'arrêta quelques instants, réfléchit. Avant de plisser les yeux et de dévaler les escaliers. Non, ce n'était pas le moment pour une nouvelle histoire. Impossible. Elle n'était pas encore guérie de son expérience passée, trop récente dans son cœur abîmé. Aucune chance qu'elle ne se laisse embarquer dans quoique ce soit avec ce gars, finalement, sacrément névrosé.

***

Le lendemain, après une journée de cours, elle le trouva installé à son bureau, dans l'auditoire principal complètement vide. Il était concentré sur une pile de documents à corriger, des écouteurs vissés dans les oreilles. Dans l'embrasure de la porte, elle prit de temps de l'observer. Grand et mince, maigre pratiquement, il portait ce jour-là une chemise bleu ciel, retroussée, dévoilant ses avant-bras fins. Cette couleur pâle tranchait avec le noir profond de ses cheveux épais et indisciplinés. Elle constata qu'elle aimait le regarder, déchiffrer son joli visage fermé et un peu dur, étudier ses mouvements lents et assurés.

-Qu'écoutez-vous ?

Ulysse sursauta mais lui adressa ensuite un regard étonnamment apaisé. Il lui tendit ses écouteurs, se leva et alla refermer la porte de l'amphithéâtre.

Tandis qu'il revenait à sa place à pas lents, mains dans les poches, elle écouta la mélodie. The Smiths. Tout à fait son genre, pensa-t-elle.

Il s'assit sur le coin de la table. Sortit une petite liasse de documents de sa serviette et la lui tendit.

-Lisez-le à votre aise. Si ça vous intéresse toujours, naturellement.

En silence, elle prit un siège et s'installa, déballa l'enveloppe. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle applique sa consigne tout de suite, mais pourquoi pas, finalement.

Il l'observa tandis que ses yeux se posaient sur chaque mot du document.

-Attendez-une minute, fit-elle au bout d'un moment. Elle s'empara de l'ordinateur portable d'Ulysse sans lui en demander la permission, ce qui irrita un peu ce dernier.

Naviguant sur un site de géolocalisation, elle inscrivit les lieux indiqués où Ulysse avait été trouvé, en 1991.

-Regardez ça. Nazca, à 100km à l'ouest du lieu où ce couple est arrivé à votre rencontre. Vous ne seriez pas le premier mystère de la région... dit-elle, faisant référence aux géoglyphes, immenses et mystérieux traçages au sol, longs de centaines de mètres, représentants divers animaux et représentations humanoïdes. Ce site historique alimentant depuis leur découverte toutes les théoriques les plus farfelues quant à leur origine et la façon dont ils auraient pu être conçus.

-Oui je sais. J'ai remarqué aussi évidemment, mais bon. Je ne vois pas trop le rapport...

-A priori moi non plus. Mais c'est à creuser je dirais.

-Moui...fit-il en se grattant le menton.

-Rien n'arrive par hasard !

-Je croirais volontiers le contraire mais passons...

-Vous y être déjà retourné, pour vous rendre compte, sur place ?

Poussant un léger soupir d'exaspération, il répondit :

Les yeux d'améthysteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant