Décembre 1998Ulysse patientait déjà depuis de longues minutes dans cette salle d'attente froide, au papier peint décrépi. Installé sur une chaise en Formica, peu confortable, il avait pour toute compagnie une plante grasse assoiffée et de vieux jouets en plastique stupides et inintéressants.
C'était toujours la même chose. Il atterrissait dans une famille d'accueil, de prime abord plutôt sympathique et chaleureuse, qui voyait en ce petit garçon étrange et solitaire un défi à relever. Puis, la sauce ne prenait pas. En dépit de tous les efforts fournis par ces familles en matière de divertissement, d'éducation et de simulacre d'amour familial, les crises resurgissaient. Et les rendez-vous avec. Psychologues, neurologues, pédopsychiatres. Mais aussi homéopathes, kinésiologues et autres spécialistes tout à fait farfelus.
Cette fois encore, c'est conséquemment à une « crise » qu'Ulysse s'était retrouvé dans cette salle d'attente.
Quelques jours plus tôt, alors qu'il jouait au salon avec son circuit de voitures, encore une fois, son esprit s'était figé, la lumière s'était faite devant ses yeux hagards, laissant apercevoir ce qui semblait être une salle d'attente, dotée de chaises colorées, une plante assoiffée et de vieux jouets en plastique, il se voyait au milieu, tremblant, perdu, seul, le cœur battant la chamade.
L'adrénaline déferla dans ses veines. Non, il ne voulait pas de ces visions, de ces angoisses. Encore cette sensation poisseuse qui lui coupait le souffle. Du haut de ses sept ans, il lui était impossible alors de retenir les larmes et d'empêcher son corps de trembler, sa trachée de se contracter. Il suffoquait à nouveau, l'air s'épaississait, se raréfiait.
Asthmatique depuis toujours, il ne devait jamais s'éloigner trop de son inhalateur.
Madame Colchester, qui accueillait Ulysse depuis six mois maintenant, ne put retenir son exaspération et lâcha en un souffle :
-Oh non, pas encore.
Cette fois encore, elle accouru, pris l'enfant de ses bras, le berça, tenta de le calmer, lui tendit son inhalateur, tandis qu'Ulysse essayait par bribes d'expliquer le phénomène qui venait encore de se dérouler en lui, dans sa tête.
Cette fois fut la fois de trop pour Madame Colchester, qui empoigna son téléphone et appela ce fabuleux psychologue dont son amie lui avait venté les mérites.
-Tu verras, lui avait-elle dit. Il fait des miracles. Ce petit bout ne fait que des petites angoisses, c'est sa manière de se faire remarquer. Faut dire, avec tout ce qu'il a vécu... et ce qu'on ne saura jamais...
Ulysse savait que tôt ou tard, il vivrait ce moment. Il serait là, dans cette salle d'attente, comme dans sa vision. Il savait que tout ce qu'il voyait se vérifiait. Seulement, personne ne semblait le croire. Et même si parfois certains adultes s'exclamaient avec un ton condescendant « Oh mais bien sûr mon chaton ! Evidemment que tout ça est vrai ! », il avait appris à ses dépens que personne encore ne l'avait pris au sérieux. Mieux valait dès lors ne pas s'étendre sur ce qu'il ressentait et ce que son esprit lui montrait.
Néanmoins, ce matin de décembre, dans cette salle d'attente, il ferma les yeux, se concentra sur les voix venant du cabinet de consultation où le Docteur Agon s'entretenait avec sa tutrice et entendit ce qu'il avait déjà entendu dans d'autres salles d'attentes.
Trouble anxieux. Imagination exubérante. Cauchemars. Manque de stabilité matérielle et émotionnelle. Antidépresseurs, anxiolytiques et de nouveaux rendez-vous au programme.
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Les yeux d'améthyste
Fantascienza🥉#3 eme en catégorie science-fiction du concours Wattpad & vous ! 🏆 ✨Le docteur Ulysse Beaumont, jeune professeur d'histoire à l'Université de Moonsbridge, est tourmenté depuis son enfance par des phénomènes étranges qu'il tente d'enfouir au fond...