Octobre 2015
-Adam, c'est quoi ces trucs ?!
Ulysse venait de rentrer du boulot, quand, les bras chargés de bouquins, son laptop coincé sous l'épaule, et sa sacoche sur l'autre, refermant la porte d'un coup de pied, il découvrir la cage au sol.
-Des chiots évidemment !
-Oui, non, je vois bien que ce sont des rats mais...pourquoi ?!
-Une observation à faire pour ma thèse, un projet sur du long terme, répondit Adam, en train de mâcher un sandwich. Et il va falloir t'habituer...je dois leur injecter une médication, récolter les fluides, tests quotidiens, de la surveillance de jour et de nuit. Bref, c'était plus simple de les reprendre à la maison.
-Ben tiens...
-Oh allez, c'est juste pour un mois, tout au plus. Deux peut-être selon les résultats. Ils sont mignons non ?
-Tout à fait charmants ! Surtout le gros là, avec les poils hirsutes et gras, rétorqua-t-il les mains dans les poches en désignant les animaux d'un mouvement de tête.
Les jours passaient mais Ulysse eu bien du mal à s'habituer à la présence des bestioles peu engageantes qui couinaient dans son salon. Mais finalement encore moins à la vision de son compagnon en train de les manipuler froidement.
-Franchement Adam, c'est plus possible là. Ils n'ont vraiment pas l'air en forme tes petits copains.
-Hum, oui, c'est normal. Avec l'anticancéreux que je leur ai injecté hier, ils sont un peu amortis. A priori ils devraient s'en remettre. C'est un peu l'idée... développer des traitements qui fonctionnent.
-Je sais... mais pour un végétarien convaincu comme moi, c'est un peu rude comme vision. Tu fais quand même un drôle de job. Je serais absolument incapable de faire du mal à ces petites bêtes. Et pourtant, tu sais que les animaux, c'est pas mon truc...
-Hé, ça ne m'amuse pas. C'est pour la science...
-Mouais. N'empêche...
-Il est certain que dans ton domaine, tu prends moins de risques. Tes sujets d'étude étant tous morts depuis des siècles.
-Très drôle !
-Je sais ! répondit Adam malicieusement, en l'embrassant avant de disparaitre dans son bureau.
Au bout d'un mois et demi à vivre dans la même pièce que les rongeurs, Ulysse dû bien admettre qu'il avait fini par les trouver sympathiques. La pitié qu'il éprouvait à leur égard l'avait sans doute influencé. Et lorsqu'une nuit où il ne trouvait pas le sommeil, déambulant en caleçon dans l'appartement pour essayer de ne pas voir passer les heures, son regard fut attiré dans la pénombre par une forme parfaitement immobile dans la cage.
Il s'en approcha avec méfiance. Un petit pensionnaire ne bougeait plus.
-Oh non. Hé hé pssst...
Il tenta de faire réagir l'animal. Et échoua.
Il dut de rendre à l'évidence, un spécimen était décédé. Ce fut plus fort que lui, il ouvrit la boîte et se saisit avec une infime délicatesse du gros rat. Il constata que le petit mammifère respirait faiblement. Il n'était donc toujours vivant, mais agonisait de manière évidente.
-ADAM ! ADAM viens vite !
Son partenaire déboula, le regard ensommeillé et vit Ulysse troublé, le regard fixé sur le rongeur dans ses mains.
-Merde, c'est le numéro 104, son taux de potassium était mauvais tout à l'heure... Attends, garde-le en mains un instant, je reviens.
Ulysse resta paralysé, le mammifère malade dans ses doigts. Les larmes lui montèrent aux yeux. C'était totalement absurde, tenta-t-il de se résonner intérieurement, ce n'est qu'un rat de laboratoire. Ça devait arriver. Forcément. Il devait se ressaisir. En vingt-cinq ans, il n'avait même jamais eu la moindre envie d'adopter un animal de compagnie et à présent, il pleurait lamentablement pour un rat.
Il fit rouler doucement l'animal entre ses mains, le caressa du bout des doigts. Il senti son esprit se connecter au petit muridé. Mentalement il l'encouragea à guérir. Jusqu'à le souhaiter de toutes ses forces. Jusqu'à sentir sa douleur se calquer sur la sienne. Jusqu'à sentir sa souffrance migrer jusqu'à lui, imbiber les cellules de son corps.
Dans ses mains tremblantes, le rat se mit à frémir d'abord, puis à respirer avec vigueur. Il ouvrit enfin les yeux avant de déguerpir en couinant dans l'appartement.
Adam, assista bouche bée aux derniers instants de cette scène hallucinante, matériel de labo en main.
-Ulysse ? Que... ?
Ulysse, blanc et à bout de souffle, se mit à trembler, avant de courir à la salle de bain pour y vomir ses tripes.
Adam affolé, accouru, manquant de trébucher.
Ulysse, affaibli par l'expérience, tenta de se relever, aidé de son compagnon mais tomba inconscient sur le carrelage froid, sous le regard médusé et impuissant d'Adam.
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Les yeux d'améthyste
Science Fiction🥉#3 eme en catégorie science-fiction du concours Wattpad & vous ! 🏆 ✨Le docteur Ulysse Beaumont, jeune professeur d'histoire à l'Université de Moonsbridge, est tourmenté depuis son enfance par des phénomènes étranges qu'il tente d'enfouir au fond...