Chapitre 54 : Divinisés

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Plus le jour se levait, plus Wilhelm peinait à progresser. La ville s'éveillait et les habitants avec elle. Il découvrit à cette occasion un autre de ses pouvoirs divins dont il se serait bien passé : la télépathie. Leurs pensées le percutaient comme des grêlons et lutter contre cet afflux de mots grouillants lui demandait des efforts considérables. À ce rythme, il ne rejoindrait jamais Ophélia car sa tête exploserait avant !
Ses cinq sens le torturaient abominablement. Pourquoi tout était si intense ? Il battit en retraite aux abords des premiers immeubles, l'esprit écartelé. Il songea à Ophélia qui patientait dans ce bureau fermé à clé. Il refusait de l'abandonner mais comment avancer sans mettre en péril sa santé mentale ?
Il se tourna vers la nuit qui se retirait avec une idée un peu folle. Alors qu'il ignorait les limites de la magie la veille, il sut avec certitude que sa petite entreprise serait réalisable. Tout pouvait arriver à Hesse-Cassel, ses contes le lui prouvaient et il percevait à présent les limites du monde, tout comme les voies qu'il devait suivre pour le bien commun.
Il tendit les doigts et appela les ombres à lui. Des filaments de magie s'échappèrent de son corps pour s'emparer des derniers morceaux d'obscurité. Il les assembla entre eux et les densifia avec dextérité. Sa création ne lui coûta aucun effort et le tissu obtenu ne ressemblait à rien de connu. Il était solide mais fin, fluide et léger comme de la brume. Son opacité avalait la lumière et le regarder rappela à Wilhelm l'univers noir de la bouche de l'Enfer.
Il passa sa cape flambant neuve autour de ses épaules et rabattit le capuchon sur sa tête. Le tissu le coupa du monde extérieur et ses sens diminuèrent jusqu'à redevenir presque semblables à ceux d'un humain lambda.
Il s'engagea dans la ville, plus assuré. Ceux qui le croisèrent ne s'étonnèrent pas de son accoutrement. Quoi de plus étonnant ? Un homme promenait un crocodile deux pas devant lui et un joggeur avec une paire de bras supplémentaire le dépassa en petites foulées. Personne ne risquait de le remarquer, ce qui l'arrangeait bien. Il se dirigea instinctivement dans les rues encore calmes.
Il n'était jamais allé chez Ophélia pourtant le trajet précis se dessinait dans son esprit, pas après pas. Il s'impatientait et accéléra l'allure jusqu'à parcourir deux mètres en une foulée sans courir, un exploit inimaginable de sa part. Il s'en étonna à peine, de plus en plus conscient de l'étendue de sa nouvelle puissance.
Les grandes grilles métalliques garnies de piques l'arrêtèrent. Cachée derrière cette protection futile se dressait la demeure d'Ophélia. Elle n'avait pas la taille du manoir de ses grands-parents mais les trois étages en brique grise et aux petites fenêtres le surplombaient de leur masse écrasante. Une allée en pierre blanche bordée d'arbres menait à l'entrée, élément incontournable de toute demeure un peu bourgeoise qui se respecte. Comme prévu, le portail était fermé.
Wilhelm propulsa une étincelle de magie dans la serrure et elle se déverrouilla avec un cliquetis satisfaisant. Les grilles s'ouvrirent devant lui en lui livrant docilement le passage. Il remonta l'allée avec une nervosité croissante. Que penserait Ophélia quand ils se retrouveraient ? Est-ce qu'elle lui en voudrait de ne pas être revenu plus tôt ? Est-ce que les changements opérés par la déesse chez lui la rebuterait ? Il n'avait pas envie de la décevoir !
Il était si obnubilé par la jeune femme qu'il ne remarqua pas que la porte d'entrée s'ouvrait pour livrer le passage à trois domestiques de la famille Close. Le vieil homme à leur tête se racla la gorge.
- Monsieur, vous êtes dans une propriété privée.
- Je viens voir Ophélia Close, répondit Wilhelm sans interrompre sa progression.
- Je suis navré monsieur mais mademoiselle Close ne doit être dérangée sous aucun prétexte : c'est un ordre de son père.
- Un ordre ? s'amusa le jeune homme. Il ne s'applique pas à moi, surtout venant d'un homme comme lui.
Les domestiques reculèrent et se massèrent devant la porte pour faire barrage. Pour un peu, Wilhelm aurait été amusé. Il admirait la détermination de ce trio autant qu'il les plaignait. Tous les efforts du monde ne suffiraient pas à le stopper. Il arriva à hauteur du plus vieux des trois. Ce dernier virait au rouge, choqué par l'impertinence de l'intrus.
- Faites demi-tour ou j'appelle la police !
- Ils sont trop occupés à mener leur guerre personnelle pour s'intéresser à moi. Je vais vous le dire gentiment une fois : écartez-vous. Je n'ai pas l'intention de blesser Ophélia.
Ils ne bougèrent pas d'un cheveu. C'était tout à leur honneur mais le programme de Wilhelm était chargé aujourd'hui et il refusait de prendre du retard, de crainte que cela bouleverse ses plans.
Il toucha l'épaule du vieillard qui se figea dans son geste pour le repousser. Seul ses globes oculaires s'agitaient furieusement dans tous les sens. Les deux plus jeunes poussèrent un glapissement surpris et, avant qu'ils pensent à prévenir qui que ce soit, Wilhelm les paralysa à leur tour.
Il entra dans le hall au parquet ciré et aux murs lambrissés recouverts d'œuvres d'art contemporaines. Il repéra l'escalier, caché dans un renfoncement du mur. D'autres employés à la solde de Grégoire Close essayèrent de s'interposer mais il les bloqua comme les précédents. Il maîtrisait la partie et des pions ne pouvaient pas se dresser contre la main qui les guidait désormais.
Quand il jeta un sort à la porte du bureau pour la déverrouiller, son cœur battait à tout rompre. Il se sentait au bord e l'explosion et se fit violence pour ne pas débouler dans la pièce comme un sauvage. Sa retenue s'envola quand il découvrit Ophélia assise sur sa chaise, dos à lui, bien droite. Elle tourna la tête vers dans sa direction, un grand sourire aux lèvres.
- Tu es rentré.
Elle bondit de son siège et il la cueillit dans ses bras en oubliant un instant ses grands projets pour Hesse-Cassel. Ils s'embrassèrent dans une étreinte de fer. Il avait attendu ce moment durant des jours ! Leurs retrouvailles durèrent une bonne dizaine de minutes avant qu'ils consentent à se séparer l'un de l'autre, le souffle court et les joues roses. Il lui glissa dans l'oreille, après une légère hésitation :
- Je t'aime.
L'amour d'Ophélia le percuta de plein fouet comme si les émotions de la jeune femme devenaient les siennes et il se noya dedans avec délice tandis qu'elle répondait :
- Je t'aime aussi.
Puis elle murmura, plus sérieuse :
- J'étais morte d'inquiétude : tu as disparu durant trois mois.
Trois mois ?! Impossible ! Il avait l'impression que ça ne faisait qu'une semaine ou deux au grand maximum !
- Tout le monde pensait que tu étais mort mais pas moi. Je t'ai attendu.
Il savait. Il passa une mèche rousse de la jeune femme derrière son oreille et remarqua un étrange symbole dans son cou, un rond traversé par plusieurs segments qui se rejoignaient tous au centre et décoré par de mystérieuses écritures dans les espaces vides. De la magie pulsait du tatouage noir. Elle flamboyait comme un feu blanc envahi de particules d'or.
- C'est nouveau ? demanda Wilhelm en caressant la portion de peau tatouée. Il te va bien.
- Comment ça ? Qu'est-ce que j'ai ?
Wilhelm lui décrivit son tatouage et Ophélia blêmit. Elle se tâta le cou et gémit :
- Oh non ! J'ai eu une crise il y a quelques heures et quand je me suis réveillée j'avais mal par ici, comme si on venait de me brûler avec un fer chauffé à blanc ! Ensuite j'ai commencé à voir et à entendre tout ce qui se passait à des kilomètres à la ronde...
Wilhelm la serra contre lui et lui chuchota des paroles réconfortantes. Il la drapa avec un pan de sa cape et elle se blottit contre son torse avec un soupir de soulagement.
- C'est plus calme depuis que tu es arrivé.
- Je n'y suis pour rien. C'est ma cape qui m'isole du monde extérieur. Je peux en fabriquer une pour toi aussi. Mais avant, est-ce que tu peux vérifier mon cou s'il te plaît ?
Elle se plia à sa demande et étouffa un cri de surprise.
- Moi aussi j'ai un tatouage ? s'enquit-il, à peine étonné.
- Oui. Il est comme le mien mais la magie qui émane de lui est veinée d'argent. Qu'est-ce que c'est ? Pourquoi est-ce qu'ils sont identiques ?
Wilhelm répondit par une autre question :
- Qu'est-ce que tu as vu durant ta crise ?
- Une femme. Elle ressemblait à un mélange entre une humaine et une statue en bronze. Elle avait une plaie au cœur. Elle ne s'est pas présentée et elle...Elle m'a embrassé dans le cou ! s'exclama Ophélia. Elle m'a aussi dit qu'elle me transmettait le flambeau. Je n'ai pas tout compris. Tu crois qu'on nous a jeté un sort ?
- Non. Tu as simplement fait connaissance avec la déesse de la destinée.
Ophélia ouvrit la bouche comme un poisson hors de l'eau et articula un « Quoi ? » silencieux. Wilhelm sourit face à son incrédulité et lui raconta son séjour dans le puits en passant sur les détails pour gagner du temps. La jeune femme semblait soucieuse à la fin de son récit.
- Cette histoire est incroyable...Si quelqu'un d'autre que toi me la racontait, je le traiterais de menteur. Qu'est devenue la déesse ? Est-ce qu'il est possible qu'elle soit...morte ?
- Je crois.
Ophélia se pressa les tempes et commença à faire les cent pas, soucieuse.
- Alors que va-t-il arriver à notre ville ? Qui va veiller sur le destin des habitants ?
- Elle n'est pas partie sans désigner de successeurs, expliqua doucement le jeune homme. Je le ressens et toi aussi, n'est-ce pas ? Toute cette puissance et ce savoir inné...Il suffit de l'accepter et tout devient fluide, logique.
Ophélia pila et leva un regard terrifié vers lui. Elle posa la paume sur son tatouage et bafouilla :
- Tu veux dire que...Que nous sommes...
- Des dieux, conclut Wilhelm en haussant les épaules. Les nouveaux dieux de la destinée, la seconde génération.
Sa compagne prit une grande inspiration pour retrouver son calme et adopta une expression neutre. Le trouble se lisait encore dans ses yeux verts cerclés d'or mais elle encaissait bien la nouvelle. Sans doute percevait-elle la véracité des propos de Wilhelm, elle aussi habitée par cet instinct puissant qui lui soufflait les réponses sans qu'elle ait besoin de se questionner durant des heures pour entrevoir ne serait-ce que le début d'une solution. Elle vint se lover dans ses bras de nouveau.
- C'est pour ça que je ressens la plus infime trace de magie et que tout me paraît si amplifié...C'est la même chose pour toi ?
Wilhelm hocha la tête. Ils demeurèrent silencieux une poignée de minutes, blottis l'un contre l'autre. Il aurait aimé que cet instant paisible et intime dure une éternité. Il s'écarta quand Ophélia recommença à se presser le crâne et prit les mains de la jeune femme dans les siennes.
- Avant toute chose, fabriquons de quoi te protéger. C'est simple : il suffit que tu gardes en tête ce que tu veux créer et dans quel but. Les étapes à suivre vont venir instinctivement.
Elle acquiesça et tenta l'expérience. Wilhelm admira sa magie se déployer dans la pièce et ramener les ombres à elle. Elle modela une longue cape à capuchon semblable à la sienne et ajouta une touche raffinée avec un liseré rouge satiné qui courrait le long de sa capuche et au bout de ses manches.
- Tu as fait plus sophistiqué que moi, plaisanta-t-il.
- J'avais envie d'une touche de couleur, répliqua-t-elle sur le même ton. Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? La ville est sens dessus-dessous avec cet énorme procès contre les antagonistes. Il dure depuis des jours et on sait tous qui est en train de perdre la bataille...
- Qu'est-ce que tu dirais si nous mettions un terme à cette mascarade ? lui proposa Wilhelm. J'ai très envie d'embêter un peu les grosses pointures de la ville.
- L'idée est bonne, admit Ophélia après un temps de réflexion. J'ai le sentiment que c'est ce qu'il faut faire pour que tout rentre dans l'ordre, c'est très étrange...Il semblerait que tout nous guide là où la destinée se joue.
Ils échangèrent une œillade complice. Leurs doigts s'entrelacèrent et ils quittèrent la demeure d'Ophélia d'un même pas. Il progressait à un rythme similaire, épaule contre épaule. Chacun de leurs mouvements était synchronisés et fluides. Wilhelm ne l'avait pas remarqué jusqu'à ce que les passants se retournent sur leur passage avec de l'émerveillement sur le visage mais ils paraissaient glisser sur le sol avec une grâce surnaturelle.
Leur humanité était derrière eux mais il faudrait sans doute un temps d'adaptation pour accepter pleinement leur côté divin.
Wilhelm percevait le changement fondamental qu'il avait subi dans chacune de ses cellules mais il avait du mal à l'admettre. Lui, une divinité ? Ça ressemblait à une mauvaise blague mais, malheureusement pour lui, la déesse de la destinée ne versait pas dans le comique. Son choix s'était porté sur Ophélia et lui, ses deux premières anomalies.
Ils étaient les enfants qui avaient, indirectement, causé sa fin. La logique des Grandes Roues voulait qu'ils prennent le relais. Même s'il s'était retrouvé dans cette histoire contre son gré, il n'en voulait pas à la déesse de la destinée. A présent il savait clairement où le menaient ses pas et pourquoi il vivait, il avait vécu jusqu'ici pour atteindre ce point culminant.
Une foule monstrueuse se massait devant le tribunal et deux camps se distinguaient nettement : les héros irréprochables d'un côté et leurs Némésis de l'autre. Ils ne se mélangeaient pas et s'insultaient copieusement sans oser en venir aux mains. De temps en temps, un projectile fusait.
Wilhelm attrapa une pierre à la volée et la broya dans son poing avec ennui. Deux témoins de la scène déglutirent et s'écartèrent. Ophélia et lui fendirent la marée humaine qui recula en les examinant de la tête aux pieds. Une ligne de défense entourait le tribunal, composée d'un mélange atypique de policiers et de chevaliers. Wilhelm posa la main sur la garde de Destructrice.
- Tu envisages de l'utiliser ? le questionna Ophélia.
- Comme moyen de dissuasion plutôt que comme outil de violence. Mais s'il le faut, je détruirais deux ou trois épées avec : ça les motivera à nous libérer la voie.
Elle acquiesça avec un sourire amusé car elle partageait son point de vue, ses émotions et ses pensées : ils formaient deux et un à la fois. Des chuchotements commencèrent à s'élever sur leur passage. Certains hésitaient à leur barrer la route puisque personne ne savait à quel camp ils appartenaient. Un homme à l'apparence ordinaire et plus courageux que les autres osa se mettre en travers de leur passage.
- On peut savoir à quoi vous jouez ?! tonna-t-il. Le tribunal est fermé et des procès sont en cours depuis des jours. Soit vous attendez le verdict, soit vous faites demi-tour. Personne n'est autorisé à entrer.
- Désolé mais la patience n'est pas mon fort, répondit Wilhelm. Je reviens de trop loin pour rebrousser chemin. Si le tribunal est fermé, alors nous allons l'ouvrir.
L'homme s'empourpra et Ophélia acheva de le décontenancer en l'écartant de leur voie. Il les insulta sans qu'ils en tiennent compte.
La barrière de sécurité humaine du tribunal les bloqua et des armes se pointèrent sur eux, plus inoffensives que des bouts de bois pourris aux yeux des deux jeunes gens.
- Halte ! Vous ne pouvez pas entrer. Si vous ne faites pas demi-tour, nous serons contraints de faire usage de la force.
Dans ce cas nous aussi, songea Wilhelm. Il fit glisser Destructrice hors de son fourreau. D'un geste vif, il effectua un arc de cercle et brisa quatre lames sur son passage et autant de canons d'armes à feu. Un policier trop nerveux tira mais Ophélia stoppa la balle à mi-chemin. Wilhelm demeura admiratif face à tant de talent : elle maniait la magie avec une facilité déconcertante ! Les hommes face à eux pâlirent. Wilhelm ne s'embarrassa pas à leur demander gentiment la permission. Il les paralysa d'un claquement de doigts et ils se faufilèrent derrière les gardes figés.
Ophélia ouvrit les grandes portes en bois du palais de justice d'un mouvement de poignet. Derrière eux, la foule hurla son mécontentement ou son approbation. Le vacarme raviva la migraine de Wilhelm. Il referma les portes à double-tour et ranima les gardes. Il n'avait aucune envie que le tribunal soit envahi par une foule hystérique et que des affrontements éclatent. Ils passèrent devant la copie d'une statue de Thémis et il ne résista pas à l'envie de glisser une blague à l'oreille d'Ophélia :
- Regarde, une consœur.
La jeune femme pouffa et lui donna un petit coup dans les côtes. Wilhelm se composa ensuite un visage d'un sérieux mortel. Le clou du spectacle commençait maintenant et l'issue déterminerait l'avenir d'Hesse-Cassel. Il neutralisa les deux policiers qui gardaient les portes du tribunal avant qu'ils donnent l'alerte.
Il poussa le battant de gauche et Ophélia celui de droite. Leur entrée interrompit le juge président, un vieil homme presque chauve avec la peau du cou qui pendait et des petites lunettes rondes. Il évoqua un dindon à Wilhelm.
Le tribunal était bondé, noire d'une foule interloquée par leur irruption. Les accusés étaient si nombreux que la moitié d'entre eux restaient debout. Les plus dangereux d'entre eux avaient une place assise et des entraves aux poignets et aux chevilles.
La gorge de Wilhelm se serra quand il avisa sa mère et ses amis. Il fut étonné de voir Pandora assise à côté de sa mère. Ils gardaient tous la tête haute, ce qui n'était pas le cas de son père et de Thérance, assis dans les derniers rangs en compagnie d'Henri, Lilia et Maximilien. Les yeux rouges de son jumeau et la mine inquiète de son paternel suffisaient à lui montrer l'état de leur moral.
Les bancs du côté des victimes étaient eux aussi pleins à craquer. Ses charmants grands-parents occupaient le premier rang en compagnie de Séraphin et d'un homme qui devait être son père. Grégoire Close se tenait juste derrière eux, l'air outré par cette interruption imprévue. L'un des deux juges assesseurs, celui avec un fasciés rond comme un ballon de baudruche et un bel embonpoint, s'exclama :
- Qui êtes-vous ? Vous troublez un procès ! Messieurs, aidez-les à trouver la sortie !
Deux des policiers en charge de la surveillance de la sale engeance d'Hesse-Cassel se précipitèrent vers eux, matraque à la main. Wilhelm leva Destructrice et le simple éclat de l'épée força les deux hommes à changer de tactique.
Ils sortirent les armes à feu mais, d'un claquement de doigts, Ophélia les transforma en bouquet de fleurs. Très original et un brin poétique, songea tendrement Wilhelm. Ils avancèrent avant que d'autres membres des forces de l'ordre aient la bonne idée de s'interposer. Le juge fulmina :
- Vous n'avez pas le droit !
Wilhelm le fit taire en plongeant son épée dans le sol de marbre du tribunal. La lame traversa la pierre comme du beurre et un murmure de stupeur bruissa dans l'assemblée. Séraphin bondit de son banc, le visage décomposé.
- C'est notre épée ! C'est Destructrice !
Wilhelm éclata d'un rire sans joie. Toujours aussi nerveux le petit blondinet !
- Elle est à moi désormais, en paiement pour ma vie, lui dit-il d'une voix glaciale.
Il rejeta sa capuche vers l'arrière et adressa un regard de tueur à Séraphin. Ophélia l'imita, l'œillade pleine d'intentions meurtrières en moins.
- Will ! s'exclama sa famille sur un ton vibrant de tant d'émotions diverses qu'il était impossible de les démêler toutes.
- Ophélia ! rugit le père de cette dernière.
Ils ne prêtèrent attention ni à l'un, ni à l'autre. L'heure n'était pas encore au sentimentalisme. Ils déclarèrent à l'unisson :
- Nous venons mettre un terme à ce procès ridicule. Il est temps que l'équilibre d'Hesse-Cassel soit rétabli et que tout rentre dans l'ordre.

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