Le dos collé au mur de pierre de l'église, Esta observa Hefi soulever Aron dans les airs avec un petit sourire. Les rires de son fils se superposaient à ceux de ses souvenirs. Il lui arrivait souvent de se retrouver attirée dans le passé. Un rien suffisait : la chaleur du soleil sur sa peau, l'odeur des asmanelles, la sensation de l'herbe rendue humide par la rosée sous ses doigts... Le rire d'Aron avait le même effet. Il faisait écho à celui de son petit-frère Mak.
Les larmes lui montèrent aux yeux lorsqu'elle se revit lui courir après dans le jardin bordant sa maison d'enfance à Kosràny. Le flou qui enveloppait les détails de son visage lui serra le cœur. Elle avait mal de tout ce qu'elle avait manqué. Mal de tout ce qu'elle manquerait encore, à cause d'hommes et de femmes avares qui croyaient avoir le droit de prendre ce qu'ils voulaient.
Le jour où les marchands d'esclaves étaient venus chez elle, ses parents étaient absents. Elle avait onze ans et elle gardait Mak, qui en avait six. Il y avait une cachette sous le plancher de la cuisine, suffisamment grande pour les abriter tous les deux, mais Esta savait que les marchands chercheraient partout jusqu'à les trouver. Elle avait donc décidé que si l'un d'entre eux devait s'en sortir, c'était lui, et elle était restée plantée au milieu du salon.
Douze ans plus tard, Mak lui manquait toujours, tout comme l'odeur des cheveux de sa mère et les chansons de son père. Le verger de leur jardin. Leur chien Osak.
Tout ce qu'elle avait était des souvenirs d'une époque passée, qu'elle ne retrouverait jamais. Alors une fois la nostalgie passée, elle se força à se reconcentrer sur le présent.
Elle revit les traits heureux d'Aron, le visage souriant de sa femme et Arima qui s'approchait d'elle en tenant une Rune endormie dans les bras.
- Je peux m'asseoir ? demanda-t-elle.
Esta acquiesça avec un sourire et tira sur le plaid pour qu'elle puisse se mettre dessus. L'Achyenne s'installa avec précaution, veillant à ne pas trop remuer puis appuya sa tête contre le mur.
- J'ai un mauvais pressentiment, murmura-t-elle.
La rousse lui adressa un regard interrogatif.
- Ils aurait dû arriver il y a trois heures, expliqua-t-elle en se mordillant la lèvre inférieure.
Esta haussa les épaules. Elle ne s'inquiétait pas trop pour eux. Zari respectait rarement les horaires qu'elle lui donnait. Si au début, cette aversion pour la ponctualité qu'avait son amie la rendait folle, elle avait finit par s'y habituer. Les heures de retard devenaient facilement des jours avec elle, voir des mois, pourtant elle finissait toujours par rentrer.
- Je suis sûre qu'ils vont bien, répondit-elle. Ils ont peut-être eut besoin de plus de temps pour discuter avec la mère de Kassyen ?
Arima commença à se mordiller les ongles de la main droite.
- Les garçons ont un talent insupportable pour s'attirer des ennuis. Il est beaucoup plus probable qu'ils aient réussi à se mettre toute la ville à dos.
Esta gloussa et croisa les bras.
- J'aimerais bien voir les habitants de Mavysk essayer d'arrêter Zari.
- Vous vous connaissez depuis longtemps, toutes les deux ?
L'autre hocha la tête.
- Ça va faire plus de douze ans. Elle est la sœur que je n'ai jamais eu.
- J'ai une sœur et deux frères, dit Arima.
- Ils vivent à Volgosta ? demanda Esta.
Elle fronça les sourcils et secoua la tête.
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The Assassins - T2. L'âge noir
Adventure⚠ TOME 2 ⚠ "La frontière entre mythe et réalité est fine. Chaque légende a une source. Une source sombre qui puise son origine dans les malheurs que les gens ont oublié." Le sang coule sur le continent Est. Massacres à Osnov. Sacrifices à Urwah. Éme...