The Assassins - T2. L'âge noir

27. Kassyen

Debout, les bras ballants, Kassyen avait le regard perdu dans le vide. Les bruits qui l'entouraient lui parvenaient étouffés. Le crépitement du feu, les pleurs, le bruissement des feuilles... Tout cela était occulté par ses souvenirs.

Du coin de l'œil, il voyait tout de même les parents de Zari, assis par terre l'un contre l'autre. Après le départ de sa fille, Yona s'était effondrée. Elle pleurait encore, le corps tremblant dans les bras de son mari qui n'en menait pas large non plus. Navin était debout à côté d'eux, des larmes silencieuses coulant sur son visage.

À côté d'eux, Esta berçait Aron pour essayer de calmer ses pleurs, tandis qu'Hefi se faisait soigner par Arima. Rune pleurait toujours, dans les bras de Roman qui semblait avoir du mal à la calmer.

Kassyen aurait dû lui prendre sa fille des bras, la bercer lui-même pour qu'elle cesse de pleurer, mais il en était incapable. Il était coincé dans le passé.

- Et chaque matin, elle l'attendait ! Là debout sur le port ! Avec ses yeux larmoyants, elle attendait... Que son marin ne revienne !

Kassyen avait toisé les pêcheurs avec agacement. À chaque fois c'était la même chose. Dès qu'ils revenaient à terre, ils buvaient comme des trous en chantant leurs foutus chansons d'amour. Ça durait des jours, durant lesquels fréquenter les bars devenait difficile.

- Ses yeux étaient bleuuuuuus ! avait hurlé Roman, debout sur une chaise au milieu des marins. Du bleu de l'océan ! Et elle avaiiiiit... Une sacré paire de nichons !

Kassyen avait soupiré et bu ce qu'il lui restait de knav dans son verre. Comme toujours, son ami s'était joint à la joie collective en entonnant ces paroles fort poétiques.

- Mais son marin ne revenait pas ! Il ne pouvait s'arracher à la mer ! Car c'était elle, son premier amour !

- Il était con ce marin ! s'était écrié un homme. Je prendrais bien sa femme moi !

Les autres s'étaient esclaffés en réponse et avaient trinqué. La chanson terminée, Roman était descendu de son perchoir et s'était rassis à côté de Kassyen.

- Tu t'es bien amusé ? avait demandé ce dernier en se resservant.

- C'était génial ! avait répondu l'autre. Tu sais tu devrais essayer des fois, peut-être que ça ferait bouger le balais qui est coincé dans ton cul !

Il lui avait adressé un grand sourire et lui avait prit la bouteille des mains.

- Il faudrait penser à renfoncer le tien un peu plus profondément, avait grommelé Kassyen.

Roman ricana et sortit quelque chose de sa poche : une montre à gousset en argent.

- Je crois que je vais le garder là où il est.

Kassyen avait détourné le regard.

- Range-la avant que celui à qui tu l'as volé ne la remarque.

- Roh, mais quel rabat-joie !

Quelques secondes plus tard, les deux garçons avaient échangé un sourire complice. Roman avait tendu son verre à son ami.

- À Volgosta ! La ville qui va nous rendre riches !

Ils avaient trinqué à cela.

Quelques heures plus tard, après avoir vidé la moitié des bouteilles du bar en compagnie de quelques pêcheurs, Roman et Kassyen avaient rejoint la rue. Ils s'étaient ensuite figés face au spectacle qui s'offrait à eux.