23. Zari

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Les visages de Yona et Sataar devenaient un peu plus blêmes à chaque nouvelle information que leur apportait Zari. Elle s'appliquait pourtant à adoucir les faits, passant sous silence les assassinats de Fergus Rosach et Zhenka Kormarov ainsi que son passage à Herzivka où elle avait été attaquée par les Muets d'Artem. Elle insista sur ses rêves, décrivant avec autant de précision que sa mémoire lui permettait le Royaume des Ombres et Assyr. Lorsqu'elle leur parla de la mort de Mori Masae et de sa rencontre avec Tirha et Drar dans les tunnels, Yona plaqua une main sur sa bouche.

Zari termina par ce que leur avait appris Nelya, évoquant avec scepticisme les jiwe.

- Selon elle, ce serait le seul moyen de les vaincre, conclut-elle. Est-ce que c'est vrai ?

Sataar tourna la tête vers Yona, qui jouait nerveusement avec ses doigts.

- Les secrets des jiwe sont transmis dans ma famille depuis des générations. Nesala a inscrit son savoir dans un journal que ta vali m'a offert à mon vingtième anniversaire. Je ne me rappelle pas de tout ce qu'il disait. Je n'ai jamais vraiment cru que cela aurait une utilité de mon vivant, alors je n'étais pas très attentive lors de ma lecture. En tout cas, je sais que notre lignée n'a plus accès à cette magie. J'ai essayé, comme ma mère et la sienne avant elle, mais je n'ai jamais réussi à invoquer l'Orah.

- L'Orah ? demanda Zari.

- C'est un flux d'énergie qui relie toute chose. On le retrouve en toi, en moi, en chaque arbre, chaque fleur. Même dans l'air et dans la pluie.

Zari la toisa sans rien dire. Elle n'avait jamais entendu une connerie pareille.

- Aujourd'hui, rares sont les personnes qui croient encore en l'Orah. Pour la plupart d'entre eux, la disparition des jiwe signifiait qu'il avait perdu de son importance. Ou même qu'il n'avait jamais existé.

- Quel est le rapport avec les jiwe ?

- C'est de l'Orah qu'elles tiraient leur pouvoir. Les jiwe étaient différentes car elles étaient nées avec la capacité de puiser dans celui-ci et de rediriger son énergie, de la transformer à leur guise. Cette connexion leur permettait de sentir les choses différemment, un peu comme si la nature leur murmurait à l'oreille.

Zari dut se retenir de soupirer. Plus sa mère parlait, plus elle perdait espoir dans ses capacités à sauver Rune.

- Ta vali me répétait sans cesse que si l'une d'entre nous devait retrouver ces facultés perdues, c'était toi, s'exclama Yona avec douceur. Elle disait que tu étais magique. J'ai toujours cru qu'elle délirait avec la vieillesse, mais il semblerait qu'elle avait raison.

Sa fille secoua la tête.

- Je n'ai rien de magique.

Yona afficha une mine triste mais ne la contredit pas.

- Je vais devoir me replonger dans le journal de Nesala et les livres que ma mère m'a confié. Après cela, je pense que je pourrais t'aider. Il te faudra de l'entraînement avant de pouvoir accéder à l'Orah, mais si quelqu'un peut le faire, c'est toi. Rune est peut-être leur héritière, mais ta connexion avec leur Roi prouve bien que l'Orah est puissant chez toi.

- En suivant ta logique, les Zerreghiens l'ont aussi en eux, lança Zari, une idée germant alors dans son esprit.

Yona hocha la tête et l'assassin sentit un poids quitter ses épaules.

- Il commence à se faire tard, s'exclama Sataar. Nous vous avons installé deux tentes. Je vais vous y emmener.

Zari regarda le ciel et songea au fait qu'ils n'avaient pas du tout la même définition du mot tard. Il ne devait pas être plus de minuit.

The Assassins - T2. L'âge noirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant