28. Zari

24 1 69
                                    

Zari souleva doucement ses paupières lourdes. Aveuglée par le soleil, elle les referma immédiatement, puis plaça sa main entre elle et la source de lumière. Elle rouvrit prudemment les yeux, tâchant d'ignorer la douleur qui lui agressait les tempes. Son regard tomba sur un rideau de mèches de cheveux noirs. Sa mère était assise à côté d'elle, concentrée sur ses mains qui s'afféraient à recoudre un tissu noir. Zari fut étonnée de remarquer que c'était sa chemise.

La jeune femme prit une grande inspiration et se redressa en poussant sur ses bras. Elle s'arrêta en sentant la douleur s'intensifier dans son crâne, et une autre apparaître dans son épaule. Elle portait un haut qui ne lui appartenait pas, dont la couleur rouge détonnait avec sa garde robe habituelle.

Yona lâcha le tissu et posa ses mains sur les épaules de sa fille, en prenant soin de ne pas toucher sa plaie.

- Rallonge-toi, vija. Tu dois te reposer.

- Non, ça va, c'est bon, répliqua celle-ci.

- Rallonge-toi, répéta Yona d'une voix sévère.

Zari pinça ses lèvres pour ne pas répliquer. Elle recula légèrement de manière à être assise et non allongée. Elle remarqua soudain qu'elles étaient à l'arrière d'une charrette, partiellement abritée du soleil par une toile tendue au-dessus de leurs têtes. En jetant un coup d'œil par-dessus son épaule, elle vit que son père la dirigeait. Elle entendait des chevaux devant eux et quelques uns fermaient la marche. Parmi eux, Esta lui fit un petit signe de la main et lui adressa un sourire inquiet, auquel Zari répondit pour la rassurer.

La Nolie reporta ensuite son attention sur sa mère et fut surprise de voir qu'elle était repartie sur sa couture.

- Nali ? lança-t-elle avec hésitation.

Les lèvres de Yona serrèrent et ses doigts se crispèrent sur le tissu noir. Lorsque ses sourcils se froncèrent, Zari sentit son cœur s'alourdir. Pour quelqu'un qui ne la connaissait pas, cette expression aurait été synonyme de mécontentement. Mais la jeune femme savait ce qu'elle voulait réellement dire. Ce n'était pas de la colère. C'était de la souffrance, qu'elle essayait maladroitement de cacher.

- Nali... recommença Zari.

Elle tendit sa main et la posa sur les doigts de sa mère, qui se figea. Son regard fut voilé par des larmes, qui demeurèrent en équilibre au bord de ses yeux.

- J'aurais dû te protéger, murmura-t-elle sans oser croiser les iris de sa fille. C'était notre rôle et nous avons échoué. J'aurais dû retourner le continent pour te retrouver, mais je n'étais pas assez forte.

Les larmes coulèrent enfin.

- Je les ai laissés te faire ça. Je t'ai laissé souffrir...

Zari contracta sa mâchoire. Elle songea à toutes ces années qu'elle avait passé à en vouloir à ses parents pour l'avoir élevée dans l'illusion d'un monde parfait. Elle n'était plus en colère contre eux maintenant. Elle réalisait peu à peu qu'ils avaient fait ce qu'ils avaient pu. Et si elle avait vécu avec des Nolis ces dernières années, l'éducation qu'elle apporterait à sa fille serait sûrement la même.

- Tu n'aurais rien pu faire, affirma-t-elle. Tu l'as vu toi-même, les marchands d'esclaves savent se battre. Si vous aviez essayé de me sauver d'eux, ils vous auraient tué. Et vous auriez tout perdu en quelques semaines si vous étiez venus à Osnov.

Zari soupira.

- Vous ne saviez pas où j'étais. Vous ne saviez pas qui m'avait enlevée. Comment aurais-tu pu faire quoi que ce soit ?

The Assassins - T2. L'âge noirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant